Oui, la Dre Diane Francoeur, présidente de la Fédération des médecins spécialistes, dit avoir changé des couches, jeudi. À l’Institut de gériatrie de Montréal, l’un des endroits les plus chauds au Québec. « En fait, j’étais dans le four. Dans l’unité où j’étais, tous les patients avaient la COVID. »

À son retour à la maison, jeudi soir, après avoir pris une douche, la Dre Francoeur nous a appelés pour nous raconter sa soirée, d’autres médecins spécialistes, comme Gaétan Barrette, ayant écrit pour leur part un gazouillis sur Twitter pour évoquer leur nouvelle tâche.

La semaine a été difficile, convient-elle. Entre elle et le gouvernement Legault, la communication a été ardue. Les 211 $ l’heure pour aller donner un coup de main ont fait sourciller. Puis il y a eu ce tweet invitant le Dr Horacio Arruda à aller sur le terrain pour lequel elle a dû présenter ses excuses.

Une semaine difficile, donc, et c’est peu dire. Mais là, comme elle le racontait à la blague à une amie : « J’ai purifié mon âme en allant changer des couches. »

C’est un détail, mais tout de même, dans la mesure où des gens font cela tous les jours, dans l’anonymat, cela vaut la peine d’être précisé. Beaucoup de couches ? « Seulement deux, avec de l’aide. Mais vous savez, je suis gynécologue-obstétricienne. Moi, le pipi et le caca, ça ne m’impressionne pas. »

Contrairement à l’idée reçue, tient-elle à préciser, « les docteurs, on n’est pas des princesses ».

Elle a pris des signes vitaux, apporté des verres d’eau, raconte-t-elle. En gros, illustre-t-elle, elle a fait ce qu’elle a fait comme proche aidante pour sa mère, ou pour sa belle-mère quand elle a été hospitalisée en gériatrie.

Elle souligne qu’elle a été chaleureusement accueillie. La soirée n’a pas été particulièrement occupée, mais teintée d’« une tristesse à arracher le cœur ». Tant de personnes âgées malades qui n’ont personne à qui parler…

Avec sa semaine dans le corps, la Dre Francoeur a résumé cela ainsi : « Tout le monde est tout seul. »

À quel tarif ?

Quel sera le tarif horaire pour sa soirée, finalement ? « Je n’en ai aucune idée et je m’en fous ! », lance-t-elle en une phrase aussi irréelle pour une présidente de Fédération des médecins spécialistes que l’est la crise sanitaire actuelle.

Ce qu’il faut finalement comprendre, enchaîne-t-elle, c’est que la Fédération des médecins spécialistes et le premier ministre ont convenu que la question de la rémunération serait réglée plus tard, une fois l’urgence passée.

En entrevue, on comprend néanmoins que le tarif sera assurément plus près des 211 $ l’heure que du salaire horaire d’une infirmière ou d’une préposée aux bénéficiaires.

Mais ce qui est autrement important, c’est que la Dre Francoeur est de garde à partir de ce vendredi à Sainte-Justine pour faire des accouchements. Est-ce que cela sera sécuritaire pour les patientes ?

Les spécialistes de la question l’ont assurée qu’elle ne présentait aucun risque pour ses patients aujourd’hui et demain. Mais à partir de dimanche, à la première heure, elle devra se mettre en retrait, ce qu’elle fera.

Son mari, lui aussi gynécologue-obstétricien, a de son côté été appelé à 15 h pour aller donner un coup de main à 16 h dans un CHSLD. Cela signifie que lui non plus ne pourra plus soigner ses patients habituels à l’hôpital pendant plusieurs jours.

La Dre Francoeur se dit néanmoins convaincue que les éventuels allers-retours des médecins spécialistes entre leur pratique habituelle et des foyers de personnes âgées n’exposeront pas des patients à une contamination.

Jeudi, à l’Institut de gériatrie, tout le matériel nécessaire – gants, masques, visières, blouses, etc. – était disponible, de sorte que la Dre Francoeur n’a pas eu peur du tout.

Elle comprend les inquiétudes de certains médecins, « mais ça ne saute pas sur le monde » et les risques, « c’est surtout quand on ne sait pas [qu’on a devant soi un patient infecté] ».

« Dans ma vie, j’ai eu bien plus peur quand j’opérais des patientes qui avaient le VIH et l’hépatite C dans le temps où il n’y avait pas de traitement. »