(Ottawa) Après avoir resserré les règles concernant la quarantaine obligatoire pour les voyageurs qui rentrent au pays, le gouvernement Trudeau songe maintenant à imposer le port d’un masque non médical dans les aéroports et dans les avions, a appris La Presse.

Même si l’affluence dans les aéroports est en forte baisse depuis que le Canada a fermé ses frontières aux voyageurs étrangers le mois dernier, cette option est envisagée par le Cabinet fédéral. Une décision à cet égard pourrait être prise dès cette semaine, selon nos informations.

Une source gouvernementale a indiqué que le port d’un masque non médical ne sera imposé dans les aéroports et dans les avions que si les autorités en matière de santé publique estiment que cela peut faire une différence.

La semaine dernière, l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, la Dre Theresa Tam, a d’ailleurs changé son fusil d’épaule concernant la pertinence de porter un tel masque. Elle a en effet recommandé aux Canadiens d’en porter un quand ils vont à l’épicerie ou quand ils utilisent les transports en commun afin de freiner la propagation de la COVID-19.

La patronne de la Santé publique au pays soulignait cependant que cette mesure supplémentaire ne devait pas entraîner un relâchement du respect des directives relatives à l’éloignement social, au lavage fréquent des mains et au confinement à la maison.

Évolution de la science

Après avoir affirmé pendant plusieurs semaines que le port d’un masque non médical n’était pas nécessaire et qu’il pouvait même comporter des risques pour la personne qui le porte, la Dre Tam a affirmé que les connaissances scientifiques avaient déjà évolué au sujet du nouveau coronavirus.

Le port du masque non médical pourrait empêcher les personnes asymptomatiques de propager le virus lors de leurs déplacements. 

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

La Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada

Il a été prouvé que certaines personnes qui sont infectées peuvent transmettre le virus sans jamais présenter de symptômes. C’est ce qu’on appelle la transmission asymptomatique.

La Dre Theresa Tam

Au ministère des Transports, on a noté que l’affluence dans les aéroports du pays avait diminué considérablement depuis que le Canada a fermé ses frontières aux voyageurs étrangers. Dans l’ensemble du pays, l’affluence est de moins de 10 % de celle observée en temps normal.

« Une bonne mesure »

Si le fédéral devait aller de l’avant, Aéroports de Montréal « s’y conformerait, comme elle s’est conformée depuis le début de la crise actuelle à toutes les recommandations émises par l’Agence de santé publique du Canada et la Direction de santé publique du Québec », a écrit à La Presse Marie-Claude Desgagnés, conseillère en affaires publiques.

Le président du Syndicat des douanes et de l’immigration, Jean-Pierre Fortin, verrait la chose d’un bon œil. 

Ce serait une bonne mesure, certain, que les gens soient obligés de porter un masque en sortant de l’avion, ou même dans l’avion, où ils sont à six pouces les uns des autres.

Jean-Pierre Fortin, président du Syndicat des douanes et de l’immigration

De son côté, la Dre Caroline Quach-Thanh, pédiatre, microbiologiste-infectiologue et épidémiologiste, responsable de l’unité de prévention et de contrôle des infections au CHU Sainte-Justine, suggère que « comme il est impossible de maintenir une distance de deux mètres entre les passagers, le masque diminuera le risque qu’une personne sans symptômes, mais positive pour la COVID, contamine son environnement et, par le fait même, le personnel de bord et les autres passagers ».

Le transporteur Air Canada « recommande fortement que tous les clients se couvrent la bouche et le nez d’une pièce de tissu à bord de l’avion et dans tous les espaces publics », mais les « clients qui choisissent de suivre cette recommandation doivent apporter leur propre couvre-visage », car la société doit « réserver ses masques médicaux essentiels à [ses] employés de première ligne », détaille Pascale Déry, directrice des relations médias.

Quarantaine forcée

Mais si on revient dans l’immédiat, le gouvernement fédéral serre la vis aux voyageurs qui rentrent de l’étranger. Ceux-ci doivent en effet, depuis minuit, se conformer à des mesures de contrôle plus musclées. « Si les voyageurs asymptomatiques ne peuvent présenter un plan de quarantaine crédible, ils devront se placer en quarantaine dans un hôtel », a déclaré Justin Trudeau.

Des exemples de plans non crédibles ? « Si leur plan est d’aller rester dans un endroit où se trouvent plusieurs membres de la famille âgés qui sont à risque ou s’ils n’ont pas de destination précise », a-t-il illustré en conférence de presse. Même chose pour des gens qui étaient à l’étranger « depuis plusieurs années », a illustré le premier ministre lors de son allocution quotidienne à Rideau Cottage, mardi.

Par ailleurs, à quelques jours de l’échéance de la période de 30 jours d’interdiction de tout voyage non essentiel entre le Canada et les États-Unis, le premier ministre Trudeau envoie le signal que cette mesure entrée en vigueur le 21 mars dernier est là pour encore un bon moment.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

On continue d’être en discussion avec les Américains sur une approche coordonnée, mais c’est sûr que les restrictions de voyage vont sûrement durer encore bien des semaines.

Justin Trudeau, en conférence de presse

Il s’en trouvera peu du côté de l’opposition pour protester si les libéraux prolongent la fermeture de la frontière avec le voisin devenu au fil des semaines le principal foyer de la pandémie de COVID-19, revendiquant désormais plus du quart (600 000) des quelque 2 millions de cas recensés dans le monde.

« C’est clair que ça aide à réduire le nombre de personnes qui vont avoir la COVID-19 ; c’est essentiel que le gouvernement négocie un accord juste pour le temps que cette pandémie menace les Canadiens », a exprimé le chef conservateur Andrew Scheer.

Même son de cloche au Bloc québécois : en raison de « l’état de situation aux États-Unis, tant que la crise n’est pas raisonnablement finie, les mesures doivent être maintenues », et qui plus est, « certaines des mesures, dont la fermeture du chemin Roxham, devraient être permanentes », a déclaré la formation dans un communiqué, mardi.

Chez les néo-démocrates, le député Jack Harris considère qu’il est « très important de maintenir une frontière sécuritaire, en particulier vu l’incertitude qui règne aux États-Unis », où on « ne sait jamais ce qui va arriver ». Un bémol, cependant : Ottawa doit exiger de la part de Washington des garanties que les demandeurs d’asile irréguliers qui sont refoulés au sud de la frontière ne sont pas renvoyés dans leur pays d’origine, ce qui place le Canada en situation de « violation du droit international », a-t-il insisté en entrevue.