(Ottawa) Le nombre de décès dans les centres de soins de longue durée devrait continuer d’augmenter même si la croissance des cas de COVID-19 atteint un plateau ou commence à ralentir, a prévenu lundi l’administratrice en chef de la santé publique du Canada.

La docteure Theresa Tam a rappelé que la propagation du virus dans les résidences pour personnes âgées et les centres de soins de longue durée était à l’origine de la moitié des quelque 770 décès recensés lundi dans tout le pays. « Même si le nombre de cas confirmés ralentit, le nombre de décès, lui, devrait malheureusement augmenter », a déclaré la docteure Tam en conférence de presse à Ottawa.

Le gouvernement fédéral a publié la semaine dernière ses scénarios de l’évolution de la pandémie. Le nombre total de décès projetés au Canada — entre 4400 et 44 000 morts — était basé sur un taux de mortalité de 1,1 % des personnes atteintes. Or, la docteure Tam a admis lundi que le taux de mortalité devrait augmenter compte tenu des foyers d’éclosion spécifiques dans des centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) à travers le pays.

On a notamment appris en fin de semaine qu’un CHSLD privé non conventionné de Dorval, dans l’ouest de l’île de Montréal, avait enregistré depuis le 13 mars 31 décès, dont au moins cinq liés à la COVID-19, sur un total de 150 résidents. La police et le gouvernement mènent leur enquête à cette résidence Herron, mise en tutelle, et le premier ministre François Legault a parlé samedi de « grosse négligence ».

Mais le Québec n’est pas le seul à tenter d’éteindre les éclosions dans les résidences pour personnes âgées et les CHSLD, a rappelé la docteure Tam. « Presque toutes les provinces essaient de faire face à ces éclosions dans des centres de soins de longue durée », a-t-elle précisé.

Vingt-neuf résidents d’un CHSLD de 65 lits à Bobcaygeon, en Ontario, sont morts depuis le début de l’épidémie ; 18 décès survenus au CHSLD Lynn Valley de Vancouver-Nord ont été attribués à la COVID-19. D’autres établissements d’un océan à l’autre ont connu des éclosions et, dans de nombreux cas, plusieurs employés ont également été malades.

Nouvelles lignes directrices

Bien que les provinces et les territoires soient responsables de leur intervention en matière de santé publique, la ministre fédérale des Aînés, Deb Schulte, a souligné les nouvelles lignes directrices d’Ottawa visant tous les CHSLD du pays pour tenter de freiner la propagation du virus.

Elle a rappelé que les CHSLD sont particulièrement exposés aux éclosions, non seulement en raison de leur clientèle âgée, mais également des espaces de vie communautaires et du nombre de personnes qui y circulent. Dans certains cas, les résidents sont aussi exposés aux visiteurs et aux travailleurs de la santé qui se déplacent d’un établissement à l’autre.

Les lignes directrices — non contraignantes —, élaborées en collaboration avec les autorités sanitaires provinciales et territoriales, expliquent comment ces risques peuvent être atténués. On suggère notamment de limiter les visites, de contrôler l’état de santé des travailleurs au début de chaque quart de travail et celui des résidents chaque jour. On recommande également, si possible, d’affecter les travailleurs à un seul CHSLD.

Certaines provinces ont déjà mis en place des mesures similaires, notamment l’Ontario, qui a signalé des éclosions dans 89 CHSLD, entraînant 120 décès jusqu’ici.

Le premier ministre Doug Ford a déclaré lundi qu’il savait par expérience à quel point les restrictions sur les visites familiales pouvaient être difficiles : sa belle-mère réside dans un CHSLD et M. Ford admet que ça lui brise le cœur de voir sa femme, Karla, se tenir à l’extérieur, en larmes. « C’est déchirant, mais nous devons pouvoir compter sur nos professionnels de la santé », a-t-il expliqué.

Tirer des leçons

Quant à savoir pourquoi les lignes directrices fédérales sont publiées des semaines après la déclaration de la première éclosion dans des CHSLD en Colombie-Britannique, au début de mars, la docteure Tam a expliqué qu’il avait fallu du temps pour tirer parti de l’expertise nécessaire avant de les rédiger.

Elle a déclaré que les lignes directrices sont le résultat de la contribution d’experts des soins de longue durée et du contrôle des infections, mais aussi le fruit des leçons apprises des autorités sanitaires provinciales et de preuves scientifiques récemment acceptées sur la transmission asymptomatique.

Ces lignes directrices sont susceptibles de changer à mesure que l’épidémie continue de se propager au Canada, a-t-elle déclaré.

Pendant ce temps, les provinces « intensifient » leur action pour soutenir les CHSLD et leurs travailleurs, a déclaré la ministre Schulte, en leur fournissant des fonds pour mettre en place de meilleures protections contre le virus. Elle a rappelé que le Québec avait promis 133 millions pour améliorer les mesures de lutte contre les infections ; la Colombie-Britannique a fourni 10 millions et l’Ontario a annoncé qu’elle consacrerait 243 millions.