Depuis le retour de la semaine de relâche, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES), Jean-François Roberge, a des semaines bien remplies. Trouver des solutions pour permettre aux centaines de milliers d’élèves et d’étudiants du Québec de terminer sans trop de dommages leur année scolaire est un défi qui l’occupe sept jours par semaine.

« Je ne m’attends pas à avoir une journée de pause avant un bout », m’a-t-il dit lors d’une entrevue téléphonique vendredi dernier. Je ne me plains pas. Mais c’est un bon marathon, disons. »

Je me suis entretenu avec Jean-François Roberge quelques heures avant que François Legault n’évoque un possible retour en classe autour du 4 mai. Le ministre de l’Éducation n’a pas eu le temps de réagir, car dès le lendemain, le premier ministre s’est empressé de rassurer les parents inquiets de voir leurs enfants quitter les règles de distanciation pour apprendre celle de trois.

Je ne fais pas partie de ceux qui trouvent que le MEES a fait un si mauvais travail depuis le début de la crise de la COVID-19. Je n’embarque pas dans le jeu des comparaisons entre le Québec et l’Ontario, entre le public et le privé, entre les francos et les anglos, etc. Est-ce que certains aspects auraient pu être réglés plus promptement et plus efficacement ? Sans aucun doute. Reste que cette grosse machine arrive à fonctionner malgré sa grande complexité.

Mais je fais partie de ceux qui pensent que le mérite revient beaucoup aux enseignants et aux établissements qui ont mis en place des mécanismes autonomes pour assurer une communication avec les étudiants et maintenir un suivi pédagogique.

On voit bien que la débrouillardise est une composante du milieu de l’enseignement.

Au cours des derniers jours, j’ai reçu un nombre incalculable de courriels d’enseignants dévoués qui m’ont fait part de leurs états d’âme. « Je ne sais plus si je dois pleurer ou crier tant je n’en peux plus de lire ou d’entendre dans les médias que les enseignants sont payés à ne rien faire », m’a écrit une enseignante de Laval.

Il faut d’abord rappeler que, lorsqu’on a annoncé la fermeture des écoles et des garderies le 13 mars dernier, c’était d’abord pour une période de deux semaines. Le 22 mars, on a ensuite prolongé la fermeture des établissements jusqu’au 1er mai. C’est à partir de là que les choses ont véritablement commencé à bouger.

Parmi les nombreux témoignages reçus, j’ai lu une chose et son contraire. Certains enseignants trouvent que les trousses pédagogiques créées par le Ministère sont utiles ; d’autres, que c’est de la bouillie pour les chats. Certains trouvent qu’ils sont bien encadrés ; d’autres, laissés à eux-mêmes.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

« Je ne fais pas partie de ceux qui trouvent que le MEES a fait un si mauvais travail depuis le début de la crise de la COVID-19 », écrit Mario Girard.

Des enseignants m’ont écrit pour me dire qu’ils avaient reçu la directive du MEES de ne pas entrer en contact avec leurs élèves. J’ai dit cela à Jean-François Roberge. Il a bondi. « Si c’est le cas, il faut tout de suite corriger la situation. C’est absurde ! Je comprends que dans les deux premières semaines, des gens avaient compris que c’était un congé. Mais depuis ce temps, j’ai envoyé quatre lettres au réseau précisant qu’ils peuvent communiquer avec leurs élèves, qu’ils peuvent travailler avec les trousses pédagogiques. Bref, il n’y a absolument rien pour empêcher un enseignant d’intervenir et d’interagir avec ses élèves. »

À compter de ce lundi, une programmation spéciale est lancée sur les ondes de Télé-Québec pour accompagner les élèves du primaire et du secondaire. « C’est un outil supplémentaire qui s’ajoute au travail des enseignants, m’a dit Jean-François Roberge. C’est comme cela qu’il faut le voir. »

> Consultez la programmation éducative de Télé-Québec

Loin de moi l’idée de diminuer l’importance de l’enseignement du primaire et du secondaire, mais on sent bien que les chantiers des cégeps et des universités sont davantage une priorité pour les équipes du MEES. Les enjeux sont plus importants.

Pour les universités, où les premiers examens seront offerts cette semaine, un énorme défi s’offre aux professeurs et chargés de cours. Quelle formule adopter ? Un examen à livre ouvert en ligne ? Une présentation orale en ligne ? Un examen à emporter (un take-home) à faire en deux ou trois jours ? Un examen à choix multiples ? Les facultés et les départements redoublent d’ardeur en ce moment pour coordonner cette délicate opération.

Et dans ce cadre virtuel, comment allons-nous lutter contre le plagiat ? Cela est une grande préoccupation pour les doyens, les administrateurs et les professeurs. Comment contrôler les échanges entre étudiants ou l’utilisation de documents (anciens examens) lors de ces étapes cruciales ?

Au niveau collégial, on était fier de me dire vendredi que, sur les 48 cégeps, 45 ont repris les cours. Ceux de Matane, de l’Outaouais ainsi que le cégep Édouard-Montpetit doivent être opérationnels cette semaine. Des normes ministérielles limitaient la marge de manœuvre des établissements collégiaux. Jean-François Roberge est intervenu. « Je leur ai donné de l’autonomie comme ils n’en ont jamais eu. Ça touche notamment les prolongations de session et les façons d’attribuer les notes. »

Là encore, ce fut une opération monstre de remettre sur les « bancs d’école » 170 000 élèves à partir de leur chambre à coucher ou leur sous-sol. Il faut savoir que beaucoup d’entre eux avaient laissé leur matériel scolaire dans leur casier. Jeudi soir dernier, le MEES a envoyé une directive disant qu’on pouvait organiser des opérations de récupération de matériel.

On a également dû équiper des milliers d’élèves du cégep en ordinateurs. On a tendance à l’oublier, mais ce n’est pas dans tous les foyers du Québec qu’on retrouve du matériel informatique et des moyens de se brancher à l’internet.

Jean-François Roberge m’a confié qu’il avait une excellente collaboration avec des syndicats. « Je leur parle presque tous les jours. Parfois, on discute parce qu’on n’est pas d’accord sur certaines mesures. Mais, dans l’ensemble, le dialogue est bon. Je crois même qu’il n’a jamais été aussi bon depuis longtemps. Tout le monde partage les mêmes préoccupations : celles des élèves, d’un point de vue de la santé et de la pédagogie. Personne n’utilise le contexte actuel à des fins corporatistes, et cela me rassure. »