Alors que les autorités de santé publique du Canada recommandent désormais le port du masque par la population dans les épiceries et les transports en commun pour se protéger contre la transmission de la COVID-19, les commandes de masques en tissu faits ici explosent sur internet.

« Ça n’arrête pas ! On reçoit beaucoup de demandes de masques de monsieur et madame Tout-le-Monde », affirme Philippe Beauregard-Totaro, dont l’entreprise, Endorphine Vélo & Triathlon, spécialisée dans la fabrication de vêtements de vélo sur mesure, s’est convertie à la production de matériel médical et non médical le 24 mars.

« On travaille sans arrêt, sept jours sur sept », dit-il.

Des dizaines d’entreprises québécoises ont changé de vocation au cours des dernières semaines pour commercialiser de l’équipement médical, plutôt que de mettre du personnel à pied. D’autres ont simplement commencé à fabriquer des masques « grand public » devant la pénurie de masques chirurgicaux et N95, réservés au personnel de la santé.

Endorphine Vélo & Triathlon, une petite entreprise de Blainville, a même augmenté la cadence.

« On a quadruplé notre équipe de production, assure Philippe Beauregard-Totaro, qui a embauché trois couturières pour fabriquer des uniformes d’hôpital et des chapeaux de protection, mais aussi des masques aux motifs variés et colorés en tissu hydrophobe, dont la demande est en forte croissance depuis la volte-face des États-Unis et du Canada sur le port du masque dans les lieux publics.

L’entreprise n’a pas eu besoin de publicité pour faire connaître ses nouveaux produits : le mot s’est passé rapidement sur les réseaux sociaux.

Les tissus proviennent de Club Tissus, à Saint-Hubert, dont les affaires vont aussi très bien malgré la fermeture des magasins ordonnée par le gouvernement pour tenter de freiner la propagation du virus.

« Les magasins fermés, ça fait mal au portefeuille, mais on vend plus que jamais sur le site transactionnel », souligne le président de l’entreprise, Frédérik Guérin. « C’est fou ! »

M. Guérin dit recevoir de 100 à 200 courriels par jour de clients qui veulent fabriquer leur propre masque à la maison, sans parler de la centaine d’entreprises qui l’a contacté pour acheter du tissu dans le but de commercialiser des masques et du matériel médical à plus grande échelle.

« Les gens nous demandent quel tissu ils devraient acheter, précise-t-il. Cette information est difficile à transmettre parce que les autorités de santé publique ne donnent pas d’information claire à ce sujet. Ça serait bien si Santé Canada disait que ça prend ça, ça et ça. »

Sur le site de l’Agence de la santé publique du Canada, on se contente de préciser que les masques fabriqués avec du tissu et des élastiques ne sont pas réglementés comme le sont les masques médicaux et les respirateurs. Il est donc difficile de juger de leur efficacité.

« Ces masques peuvent nécessiter un ajustement constant, augmentant le nombre de fois où vos mains entrent en contact avec votre visage et augmentant la probabilité d’infection », prévient-on.

Lors de son point de presse, mardi, le premier ministre François Legault a admis que le port du masque dans l’espace public est utile pour éviter de propager le virus, mais il a rappelé que c’est un outil destiné à protéger les autres plutôt que soi-même. En outre, cela ne remplace pas le lavage des mains, la distanciation sociale et le respect des mesures de confinement.

« Ce n’est pas dans la culture des Québécois de porter un masque. Ça peut avoir l’air étrange de voir beaucoup de monde qui se promène avec des masques », a-t-il ajouté.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a aussi modifié sa position ces derniers jours. « Nous devons réserver les masques médicaux et chirurgicaux au personnel en première ligne. Mais l’idée d’utiliser des masques recouvrant les voies respiratoires ou la bouche pour empêcher que la toux ou le reniflement projette la maladie dans l’environnement et vers les autres […] n’est pas une mauvaise idée en soi », a déclaré le docteur Mike Ryan, expert en situations d’urgence à l’OMS, lors d’une conférence de presse le 3 avril.

Le virologue Benoît Barbeau, professeur au département de sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal, partage cet avis. « Le changement dans les recommandations découle d’études récentes qui suggèrent que le port du masque à Singapour et dans d’autres contextes semble avoir diminué la propagation du virus. Le port du masque serait en fait approprié dans le contexte actuel, dans lequel les porteurs asymptomatiques semblent contribuer de façon importante à la propagation du virus », juge-t-il.

« Ceci dit, ajoute M. Barbeau, la possibilité qu’une personne non infectée portant un masque soit mieux protégée d’une infection par un individu porteur demeure toujours une question qui est débattue. »

Bon à savoir

Afin d’éviter tout risque de contamination, le masque en tissu doit être bien mis sur le visage. Il ne faut pas le remonter sur le front ou le descendre sous le menton. Il est aussi important de le laver à la machine après chaque utilisation, et il faut se laver les mains après l’avoir manipulé.