Malgré la frénésie entourant le combat contre la pandémie de COVID-19, les urgences des hôpitaux sont étonnamment tranquilles ces jours-ci, conséquences des mesures de confinement de la population. Mais il s’agit sans doute du calme avant la tempête.

Dans l’ensemble du Québec, 52 % des civières dans les urgences sont occupées ; pour Montréal, c’est 58 %, en moyenne. On observe rarement des taux aussi bas.

Habituellement, ils tournent autour de 100 % à cette période de l’année, et il n’est pas rare de les voir grimper jusqu’à 200 %.

Par exemple, le 19 mars 2019, 14 des 21 salles d’urgence de Montréal affichaient un taux d’occupation de 100 % ou plus. En avril 2019, le taux moyen d’occupation dans les hôpitaux de 30 civières et plus était de 133 %. Il atteignait 145 % au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), 132 % à l’Hôpital général juif, 131 % à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont et 122 % à l’hôpital du Sacré-Cœur.

Le portrait est tout autre actuellement : les taux d’occupation varient entre 19 % (CHU Sainte-Justine) et 91 % (hôpital Royal Victoria), selon le répertoire indexsante.ca, ce qui signifie que les patients qui se présentent dans ces établissements attendent beaucoup moins longtemps que d’habitude avant de recevoir des soins.

« Dans les urgences pédiatriques partout au pays, il y a une diminution d’au moins 50 % des visites. Le confinement et la distanciation sociale ont beaucoup à voir là-dedans », explique le Dr Antonio D’Angelo, chef du département de pédiatrie d’urgence du CHU Sainte-Justine.

Les hôpitaux pour adultes observent la même tendance.

Taux d’occupation des civières le 1er avril à 16 h 30

Province de Québec : 52 %
Montréal : 58 %
CHU Sainte-Justine : 19 %
CHUM : 49 %
Hôpital Maisonneuve-Rosemont : 63 %
Hôpital du Sacré-Cœur : 33 %
Hôpital Royal Victoria : 91 %
Hôpital général de Montréal : 65 %
Hôpital de Montréal pour enfants : 50 %
Montérégie : 60 %
Laval : 55 %
Laurentides : 55 %
Lanaudière : 77 %
Estrie : 55 %

Source : Indexsante.ca

Comme il y a moins de circulation automobile, il y a moins de collisions, moins de piétons heurtés par des voitures, et donc moins de polytraumatismes, note le Dr D’Angelo.

Moins de transmission d’infections aussi, notamment des pathologies pédiatriques, puisque les écoles et les garderies sont fermées, tout comme la majorité des lieux de travail. « On a moins de risques d’attraper le rhume ou la grippe du voisin », souligne le pédiatre.

« En raison de l’annulation des activités sportives, comme le soccer, le football ou le hockey, on voit aussi moins de blessures causées par le sport. »

Enfin, la crainte d’être exposé à la COVID-19 explique que des patients préfèrent éviter les hôpitaux à tout prix.

« Les gens ont compris le message qu’il ne fallait pas visiter les hôpitaux, mais on ne veut pas non plus que ceux qui ont vraiment besoin de consulter aient peur de se rendre à l’urgence », dit le Dr D’Angelo.

Urgences-santé moins sollicité

Le constat est semblable chez Urgences-santé : les interventions ont diminué de 10 à 15 % depuis le début de la crise, notamment parce qu’il y a moins d’appels pour des accidents, des chutes dans la rue, « toutes les blessures liées aux déplacements de citoyens », révèle Catherine Bourgault-Poulin, porte-parole d’Urgences-santé.

« La fin de semaine et le soir, on a souvent des appels pour des personnes [aux facultés affaiblies], mais comme plus personne ne sort dans les restaurants et les bars, on n’a plus à faire ce genre d’interventions », illustre-t-elle.

Cependant, quand les paramédicaux doivent porter assistance à une personne qui pourrait être atteinte de la COVID-19, ils doivent enfiler des équipements de protection, ce qui allonge le temps d’intervention.

Mme Bourgault-Poulin souligne que 109 paramédicaux sont actuellement en quarantaine, à la suite de contacts avec des personnes infectées, et que 5 d’entre eux sont atteints de la COVID-19.

Le gros de la vague arrive

Pour les paramédicaux, comme pour les employés des urgences, ce répit est le bienvenu, puisqu’on s’attend à être très sollicité très bientôt.

Le réseau est en train de se préparer pour le gros de la vague de patients qui va arriver, parce qu’on est juste au début.

Le Dr Antonio D’Angelo

À Sainte-Justine, on prépare justement les listes de réaffectation du personnel, dans l’éventualité où d’autres hôpitaux auraient besoin de soutien. « Nous ne sommes pas encore à un point critique, alors on n’a pas encore commencé les échanges de personnel », dit-il.

Il note qu’une certaine proportion des employés du réseau hospitalier risque de tomber malade, ce qui doit aussi être pris en considération.