Alors que le spectre d’une pénurie de matériel médical plane sur le Québec, le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, a de nouveau commenté la nécessité de porter un masque en public, mercredi, durant la conférence de presse quotidienne.

« Si quelqu’un porte les masques parce qu’il a peur… ou, dans la communauté, qui veut se mettre un foulard, vous pouvez le mettre, a dit le Dr Arruda. C’est sûr que si vous toussez, vous allez accumuler vos sécrétions. Mais faites attention à ne pas toucher à vos mains, oublier de les laver puis d’aller contaminer un endroit. »

Le Dr Arruda a été jusqu’à avancer que porter un masque dans la rue crée un faux sentiment de sécurité. « C’est un élément qui a probablement plus d’effet, à mon sens, au point de vue perceptuel. Mais s’il vient remplacer un lavage de mains rigoureux puis une étiquette respiratoire… Moi, je préfère quelqu’un qui tousse dans son coude, qui va se laver les mains, que quelqu’un qui va avoir un masque plein de sécrétions sur lequel il va mettre les mains [dessus] puis qui va toucher à quelque chose. Maintenant, vous faites votre choix. »

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Horacio Arruda, directeur national de santé publique

Les autorités canadiennes, de leur côté, envoient le signal que cet équipement facial n’est pas réellement utile, sauf pour les personnes qui sont infectées, et que les masques devraient aller en priorité aux travailleurs de la santé.

Invité à ajouter son grain de sel, Justin Trudeau a décliné. « Je m’en remets à la Dre [Theresa] Tam », a-t-il insisté, en faisant référence à l’administratrice en chef de la Santé publique du Canada.

Une fois installée dans la salle du parlement où elle répond tous les jours aux questions des journalistes, la Dre Tam a argué que la « priorité numéro un » demeurait de réserver ce matériel protecteur aux professionnels de la santé qui sont au front. La ministre de la Santé, Patty Hajdu, a quant à elle parlé d’un « choix personnel ». « La prémisse que la science est claire à ce sujet n’est pas exacte, a dit Mme Hajdu. Mais en effet, il se pose de plus en plus de questions sur le recours aux masques pour la population dans son ensemble. »

Le port du masque à la maison

Que dit la science sur la question ? Une dizaine d’études ont été menées, durant la dizaine d’années où une menace de pandémie de grippe dévastatrice planait sur la planète, puis un peu après la pandémie de H1N1 en 2009-2010.

En 2009, dans la revue Emerging Infectious Diseases, des chercheurs australiens ont conclu que « le port de masques à la maison n’est pas efficace pour contrôler les maladies infectieuses saisonnières », mais que « durant une pandémie grave, si l’utilisation des masques est plus rigoureuse, la transmission à domicile pourrait être variée ». L’étude avait suivi 286 adultes habitant avec un enfant malade, à qui on avait demandé de porter un masque, ce que seulement la moitié avaient fait consciencieusement.

« Il y a des études montrant que les masques protègent contre l’infection à la maison, soit dans un milieu où la transmission est élevée », explique en entrevue Raina MacIntyre, de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud, qui était l’auteure principale de l’étude. « Si cela s’avère, les masques protégeront aussi à l’extérieur, là où le risque de transmission est plus faible. »

Néanmoins, la Dre MacIntyre ne pense pas que les gouvernements occidentaux exigeront le port du masque, comme en Chine. Peut-être même que le masque ne sera pas recommandé. « On fait face à une pénurie de masques, dit-elle. La priorité est d’équiper le personnel de la santé. »

Rien n’empêche la population de porter des masques artisanaux, précise la Dre MacIntyre. Une recherche rapide permet de constater qu’au moins trois études ont montré qu’ils offrent une certaine protection contre l’infection par autrui, même si cette protection est beaucoup moins élevée que celle des masques chirurgicaux. Un masque artisanal n’est pas non plus très efficace pour protéger les autres quand la personne qui le porte est elle-même infectée, conclut une étude néerlandaise publiée en 2008 dans la revue PLOS One.