Face à la pandémie de COVID-19, quelque 6750 opérations chirurgicales ont été reportées dans les hôpitaux de la province uniquement depuis une semaine, a appris La Presse.

Il se fait en moyenne 9000 interventions chirurgicales par semaine dans la province.

Or, 75 % de ces interventions ont été remises pour diminuer les hospitalisations et ainsi faire de la place à l’affluence attendue de patients infectés par la COVID-19, confirme le président de l’Association québécoise de chirurgie, le Dr Serge Legault.

À l’heure actuelle, seules les opérations urgentes et quelques interventions semi-urgentes sont encore pratiquées. Ainsi, des patients atteints de cancer, notamment, voient leur opération reportée.

« Les patients trouvent ça difficile. Les médecins, aussi, trouvent ça difficile. Nous, les chirurgiens, en temps normal, on pousse toujours pour opérer le plus de patients possible », poursuit le Dr Legault, qui siège au sous-comité ministériel des blocs opératoires.

« Les décisions sont parfois déchirantes dans le cas des chirurgies semi-urgentes où l’on sait que les patients ont des douleurs importantes », ajoute-t-il.

« Mais tout le monde comprend que c’est primordial de faire ces efforts aujourd’hui pour avoir toutes les ressources nécessaires quand la pandémie frappera au plus fort, probablement d’ici deux semaines, et qu’un grand nombre de patients auront besoin en même temps d’être hospitalisés », ajoute le chirurgien d’expérience, qui pratique à la Cité-de-la-Santé, à Laval.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) demande de limiter au maximum la prestation chirurgicale pour les cas jugés semi-urgents, y compris l’oncologie, confirme une porte-parole du Ministère, Marie-Hélène Émond.

L’objectif est de s’assurer d’avoir suffisamment de lits de soins intensifs disponibles en fonction des besoins générés par la crise actuelle.

Marie-Hélène Émond, porte-parole du MSSS

Plus tôt cette semaine, un comité a été mis en place dans chaque établissement de santé pour évaluer tous les cas de patients atteints d’un cancer en attente d’une opération chirurgicale. Ce comité est formé de nombreux médecins spécialistes, dont un radio-oncologue par hôpital.

« C’est le médecin traitant qui, chaque fois que c’est possible, prévient le patient du report de l’opération chirurgicale, explique le Dr Legault. Et on va les rappeler dans les semaines suivantes pour s’enquérir de leur état. Leur intervention ne sera pas retardée indéfiniment. »

Des mécanismes de vigie ont été mis en place afin que tous les dossiers soient revus de manière régulière. « On s’assure qu’aucun patient ne tombe entre deux chaises », insiste le président de l’Association québécoise de chirurgie.

PHOTO FOURNIE PAR LE DR SERGE LEGAULT

Le Dr Serge Legault

Chirurgiens réaffectés

À partir de la semaine prochaine, et peut-être même de ce week-end, selon la courbe des cas, l’« opération réaffectation » commencera.

Ainsi, des médecins spécialistes, dont des chirurgiens, seront appelés à faire autre chose sur la base de leur compétence pour aider « sur le front de la COVID-19 », explique le Dr Legault.

Les chefs de service et les chefs de département des hôpitaux sondent actuellement leurs spécialistes pour qu’ils contribuent tous au combat. « À mesure que les hôpitaux se rempliront de patients atteints de la COVID-19, les médecins seront réaffectés à d’autres tâches, indique le Dr Legault. On va sortir de notre zone de confort. »

À l’heure actuelle, les chirurgiens sont sondés dans chaque établissement pour savoir s’ils ont des « compétences particulières utiles en temps de COVID-19 », comme l’intubation, la ventilation mécanique, les voies centrales ou les perfusions d’amines. On leur demande d’indiquer leur ordre de préférence concernant le secteur où ils veulent aider : soins intensifs, urgence, hospitalisation, étage ou milieu hors établissement.

Ainsi, des chirurgiens donneront un coup de main aux soins intensifs; des spécialistes deviendront des omnipraticiens; des médecins sortiront de leur retraite; des résidents seront jumelés à des médecins d’expérience, énumère le Dr Legault.

« Les médecins québécois – omnis et spécialistes – n’ont jamais été autant mobilisés. Tous ont compris l’importance du combat des prochaines semaines », conclut le président de l’Association québécoise de chirurgie.