Quatre hommes détenus au Centre de surveillance de l’immigration de Laval ont poursuivi samedi une grève de la faim pour une cinquième journée dans l’espoir d’obtenir leur libération et un suivi médical afin de réduire les risques de contamination à la COVID-19.

Lors d’une vidéoconférence, un homme originaire du Sénégal utilisant le pseudonyme d’Abdoul pour préserver son anonymat a réitéré son engagement à poursuivre sa grève de la faim malgré ce qu’il a qualifié de pression et de tactique d’intimidation de certains des responsables du centre.

« Cette grève, on l’a faite après de multiples tentatives de parler aux autorités, spécialement aux agents de l’immigration, a affirmé Abdoul. La situation que nous vivons, ce regroupement, représente un danger dans le cadre de la pandémie de coronavirus. Malgré les mesures prises, qui sont une distanciation d’un mètre, nous estimons que ce n’est pas assez.

“Nous demandons un changement radical des conditions. Nous voulons être confinés personnellement chez nous en attendant que la crise se calme, tel que recommandé par les médecins. »

Environ 45 personnes sont présentement détenues dans le secteur des hommes du centre de détention. Selon Abdoul, 30 détenus ont commencé la grève de la faim, puis ce chiffre a chuté à huit, vendredi après-midi. Quatre autres personnes ont depuis cessé la grève : un sous promesse de libération conditionnelle et les trois autres seront remis en liberté lundi après que leur processus d’identification eut été complété, a affirmé Abdoul.

Abdoul a raconté être arrivé au Canada en 2017, mais sa demande pour obtenir un permis d’asile a été refusée en raison de ce qu’il a qualifié de problème technique en vertu de son moyen d’arrivée au pays. Il a été placé au Centre de surveillance de l’immigration de Laval quand son permis de travail est arrivé à échéance et qu’il n’avait plus les moyens de payer son loyer.

À son cinquième jour de grève, il a indiqué ne plus ressentir de faim, mais a parfois des maux de tête. Il continue à boire de l’eau vitaminé et des boissons sportives.

Une représentante du centre de santé communautaire Parkdale Queen West, à Toronto, Nanky Rai, a indiqué que des médecins suivaient de l’extérieur l’évolution de l’état de santé des grévistes.

« Nous continuons à nous battre, même si ça devient de plus en plus dur, a admis Abdoul. Ce que nous demandons, c’est d’être traités comme tout le monde, de nous donner la chance de bénéficier des mêmes opportunités que les autres, d’être nous aussi en sécurité. C’est un combat que nous menons pas seulement pour nous, mais pour tous les détenus migrants – pour le respect de nos droits humains. »

L’Agence des services frontaliers du Canada n’a pas été en mesure de commenter la situation au Centre de surveillance de l’immigration de Laval lorsque rejoint par La Presse canadienne.

Une réalité inquiétante

Plusieurs organisations canadiennes de défense des droits et liberté ont manifesté leur appui envers les quatre grévistes. Elles ont noté que les mesures recommandées par le gouvernement, comme la distanciation sociale, ne tenaient pas compte de la réalité des détenus – que ce soit dans des centres de surveillance de l’immigration, dans des centres de détention juvénile ou dans les prisons.

« Dans le contexte de la pandémie à la COVID-19, la santé physique et mentale des détenus migrants devraient être une priorité », a dit une représentant de l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique Harsha Walia.

« Une grève de la faim cause des risques pour la santé des individus. Et le fait qu’ils effectuent une grève de la faim démontre l’importance de la situation, a ajouté Mme Walia. Il s’agit d’un appel grave à la justice. Nous exhortons le gouvernement à agir immédiatement et à libérer les détenus migrants au centre à Laval et partout à travers le pays. »

La situation dans un centre carcéral du sud de Toronto a été citée en exemple pour démontrer les risques que courent ces personnes. Un agent correctionnel d’un centre de détention à Etobicoke a subi un contrôle positif à la COVID-19 la semaine dernière, puis le test d’un détenu s’est avéré positif cette semaine.

Au Québec, un détenu a été déclaré positif à la suite d’un test de dépistage à la COVID-19 à la prison de Sherbrooke cette semaine.

« En Ontario et dans l’État de New York, certaines personnes incarcérées ont été libérées à la suite de demande liée aux risques de contamination à la COVID-19. J’imagine donc qu’Ottawa a les outils pour emboîter le pas », a noté la vice-président de la Ligue des droits et libertés, Alexandra Pierre.

« Nous sommes surpris, déçus et alertés par le fait que le gouvernement fédéral ne réagisse pas et ne prenne pas ce dossier en main », a-t-elle ajouté.