Ils ont tous deux été frappés par le coronavirus, qui s’est infiltré sournoisement dans leurs vies. Ils ont fini par passer au travers. Ils nous racontent leur histoire.

« Ç’a été l’enfer. »

Fernand Mercier a cru que son heure était arrivée. Fièvre brûlante, quintes de toux interminables, transport en ambulance vers l’hôpital… Tout au long de l’entrevue, l’homme de 83 ans répète qu’il a eu si peur, seul, dans son appartement de Le Gardeur. « La peur, il n’y a rien de pire que ça », raconte celui qui est sur le point de venir à bout de la COVID-19.

Le 21 février dernier, alors que le Québec ne comptait aucun cas de COVID-19, Fernand Mercier s’est envolé vers le Portugal pour un voyage qu’il avait prévu depuis longtemps. Au bout de 14 jours, il a commencé à présenter des symptômes de grippe et à ressentir de la fatigue. Le Canadien a consulté un médecin dans une clinique. Celui-ci lui a dit de ne pas s’inquiéter du coronavirus, que le Portugal ne recensait aucun cas. Il l’a renvoyé dans son appartement de Faro avec une ordonnance pour un antibiotique.

M. Mercier est rentré au Canada, le 11 mars, en pensant qu’il avait une vilaine grippe, comme le lui avait dit un docteur. Mais deux jours plus tard, son état de santé s’est détérioré.

J’étais fatigué, une fatigue extrême. J’étais totalement épuisé, je n’avais plus d’énergie, je n’avais plus de jambes. J’avais l’impression qu’elles n’allaient pas me soutenir si j’avais à bouger.

Fernand Mercier

M. Mercier a composé le 911 de peine et de misère. À son arrivée à l’hôpital Le Gardeur, on lui a demandé s’il avait fait un voyage récemment. Étant donné sa réponse affirmative, le personnel médical l’a immédiatement placé en isolement et lui a fait passer le test de dépistage de la COVID-19.

« Positif. » Après trois jours, il a obtenu le résultat tant redouté.

« Ç’a été l’enfer ! dit M. Mercier. C’est épouvantable, ce virus. J’avais peur de mourir, et personne ne pouvait venir me voir. J’étais tout seul. »

Le photographe à la retraite n’a pas été complètement abandonné à son sort. Ses deux fils lui ont souvent apporté des provisions – et du réconfort – en restant sur le seuil de la porte de son condo. Des infirmières l’ont aussi visité pour surveiller la progression de ses symptômes.

Deux semaines et demie après son retour de voyage, M. Mercier commence à prendre du mieux. Dans les prochains jours, il subira deux tests de dépistage pour déterminer s’il est guéri du coronavirus.

À son âge, M. Mercier sait qu’il aurait pu faire partie des tristes statistiques : il aurait pu mourir de la maladie. « Mon médecin m’a dit que j’avais les poumons d’un homme de 43 ans, explique-t-il. Je n’ai jamais touché à une cigarette de ma vie. Je m’entraîne trois fois par semaine. »

« C’est ça qui m’a sauvé la vie. »

Un souper pas du tout parfait

Luc B., 53 ans, est capable de situer avec précision le moment où il a contracté la COVID-19. C’était le 14 mars, lors d’une soirée entre amis. « À l’époque, on pouvait encore se réunir à moins de 250 personnes. On a eu un souper pour accueillir l’une de nos amies qui revenait de France. On était 12. On était conscients de ce qui se passait avec le virus, mais on n’aurait jamais pensé que ça pourrait nous affecter avec un si petit groupe. On s’est dit : on est juste 12, on peut encore se voir. »

Mais voilà, l’amie en question faisait partie d’une troupe de théâtre amateur. La veille, ses membres avaient eu une répétition générale. Une vingtaine de personnes, dont certaines revenaient de voyage, une petite salle, quelques heures de répétition. Ce que tout le monde ignorait, c’est que quelques-uns des comédiens amateurs étaient infectés sans le savoir.

Résultat, Luc B. est tombé malade. Comme la totalité des 12 personnes présentes à son souper d’amis. « La propagation s’est probablement faite lors de la répétition et, ensuite, du souper. »

Ce qui illustre très bien la contagiosité du satané virus : en l’espace de 48 heures, il s’était logé dans de nombreux nouveaux hôtes.

Le lendemain du souper, Luc B. a commencé à ressentir une pression dans la gorge et le thorax. « Au départ, je me suis dit : c’est probablement la grippe. Je n’ai pas paniqué. Comme plusieurs commerces commençaient à fermer, je ne suis pas sorti. Le lendemain, c’était toujours là. J’ai décidé de me mettre en isolement volontaire. »

Dans les jours qui ont suivi, il a réalisé que tous ses amis présentaient des symptômes de la COVID-19. « L’un d’entre eux s’est fait tester. Il était positif. » Ses symptômes ont empiré. « J’avais de la fièvre, des courbatures. » Il passe lui-même le test le 21 mars. « J’ai marché pendant une heure, aller et retour, pour aller à la clinique parce que je ne voulais prendre ni le métro ni un taxi. »

Luc B. s’estime tout de même chanceux. « Quand je regarde d’autres cas, j’ai quand même été chanceux. Je suis resté fonctionnel pendant tout le temps que j’ai été malade. Je n’ai jamais eu de symptômes majeurs, même si je fais de l’asthme. »

Bien sûr, l’énergie n’était plus là. Il faisait deux ou trois siestes par jour. Le plus grand défi ? Demeurer autonome. « J’ai essayé par deux fois de faire l’épicerie en ligne. Ça n’a jamais fonctionné. Finalement, c’est un ami qui m’a dépanné. »

Luc B. vit avec un colocataire. Il a fait l’impossible pour ne pas lui transmettre le virus. « J’ai pris mes distances avec lui. J’ai passé beaucoup de temps dans ma chambre. » Son coloc n’a pas été infecté, mais a dû prendre une pause de son travail. Quant à Luc, il est travailleur autonome. À la maladie se sont ajoutés les soucis financiers : la maladie lui a fait perdre tous ses revenus. Il compte profiter de l’aide d’urgence offerte par le fédéral.