Le Service de sécurité incendie de Montréal (SIM) réorganise ses effectifs pour conserver une masse critique de pompiers prêts à affronter le feu pendant la pandémie : les troupes n’agissent plus comme premiers répondants auprès de gens qui présentent des symptômes grippaux et elles travailleront maintenant sur des quarts de travail de 24 h.

En temps normal, les pompiers peuvent agir comme premiers répondants lorsque le 9-1-1 reçoit un appel pour une urgence médicale. L’an dernier, ils sont intervenus 78 500 fois pour des crises cardiaques, des évanouissements, des chutes, des accidents de voiture avec blessés, divers traumatismes physiques et maladies.

Mais depuis le 14 mars, le SIM s’est entendu avec Urgence Santé et le ministère de la Santé pour ne plus envoyer les pompiers assister les personnes qui présentent des symptômes associés à la COVID-19, sauf si c’est absolument nécessaire.

La mesure a fait grincer des dents chez certains partenaires du service. La Presse a reçu des témoignages de membres de services d’urgence, ambulanciers paramédicaux ou policiers, qui critiquaient la mesure et se plaignaient du manque d’aide des pompiers en cette période de crise.

Le directeur par intérim du SIM, Richard Liebmann, a entendu ces critiques, mais il les rejette catégoriquement.

« Ce n’est pas parce que les pompiers ont peur ! Pendant que tout le monde est confiné à la maison, ils viennent au travail tous les jours. Ce sont des hommes et des femmes très courageux qui viennent au travail pour protéger la population et qui exposent quand même leurs familles à un certain niveau de risque », martèle-t-il en entrevue avec La Presse.

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Le directeur par intérim du SIM, Richard Liebmann

M.  Liebmann affirme que la décision de ne plus répondre à certains appels de premiers répondants n’était même pas une demande de la base.

« Ce ne sont pas les pompiers qui ont demandé ça ! C’est la direction du SIM, en collaboration avec le ministère et Urgence santé, qui se sont dit : on va limiter leur exposition pour réduire le nombre de vecteurs de propagation et protéger la force de frappe des pompiers. On n’appellera pas les pompiers pour les appels où leurs services ne sont pas essentiels. Car on sait que quand il y a un feu, il n’y personne d’autre qui s’en vient, ce sont eux qui doivent répondre », dit-il.

Les répartiteurs font donc un tri préalable et posent des questions pointues sur les symptômes des personnes en détresse avant de choisir qui envoyer.

« On ne doit pas perdre de vue notre mission première : les incendies et les sauvetages spécialisés », ajoute le gestionnaire.

Si trop de pompiers étaient en contact avec des gens malades et devaient se mettre en isolement ou en congé de maladie, il y aurait un risque d’impact sur la capacité de réaction aux feux, croit le directeur par intérim. Il ajoute que le service dispose de suffisamment de masques, lunettes de protection et blouses, mais qu’il faut les économiser pour les situations où les pompiers sont absolument nécessaires.

« Les appels critiques où on peut faire une différence, on y va. On continue de répondre aux appels d’urgences vitales, les personnes inconscientes, les traumas majeurs, les accidents d’auto. Mais quand on sait qu’il y a un risque que la personne soit infectée par la COVID-19, il n’y a pas de bénéfice à exposer les pompiers en attendant que les paramédics s’en viennent, parce qu’ils doivent venir de toute façon. On ne peut pas se substituer à eux », dit-il.

Par ailleurs, le syndicat s’est entendu avec la direction pour faire travailler les équipes sur des quarts de 24 h d’affilée, afin d’éviter la « fatigue cumulative » des quarts de travail consécutifs en cas de hausse des appels ou de baisse des effectifs liés à la pandémie. Les membres doivent approuver l’entente, qui prévoit aussi des mesures pour éviter la propagation d’une caserne à l’autre si un pompier est infecté.