Craignant d’être contaminés par la COVID-19, 10 migrants détenus au Centre de détention de l’immigration de Laval ont entamé une grève de la faim mardi pour obtenir leur libération immédiate.

Déjà, depuis jeudi de la semaine dernière, une pétition écrite à la main par un détenu circulait entre les murs de l’établissement. « Étant donné la situation d’urgence due à la propagation du coronavirus, nous estimons que nous faisons l’objet d’un haut risque de contamination », pouvait-on lire dans ce document signé par 34 personnes.

Estimant ne pas avoir été entendus, 10 d’entre eux ont décidé de sonner l’alarme en refusant de manger. Ils considèrent que la grande promiscuité des détenus dans ce centre où ils partagent des chambres et des aires communes pourrait favoriser la propagation éventuelle du coronavirus.

En Ontario, où une dizaine de prisonniers sont atteints de la COVID-19, des détenus ont d’ailleurs commencé à être libérés avant la fin de leur peine par le gouvernement provincial pour tenter d’éviter une propagation de la COVID-19 dans le système carcéral. Mais ces libérations ne semblent pas toucher pour l’instant les centres de détention de l’immigration.

« On ne se sent pas en sécurité. On croit que si quelqu’un est contaminé, on le sera tous », a dit Abdoul*, un des migrants détenus au Centre de détention de l’immigration de Laval.

Joint par téléphone, ce porte-parole a lancé un cri du cœur : « On veut être traités comme des gens normaux. On veut être confinés dans un endroit sûr afin d’éviter ce virus qui se propage. »

Si cet appel n’est pas entendu, le Sénégalais affirme que la dizaine de détenus passera à une étape ultime, soit d’arrêter de boire également. « On n’a pas peur d’aller jusqu’au bout », dit-il.

Les autres détenus qui ont décidé de faire la grève de la faim pour obtenir leur libération sont notamment originaires de l’Iran, de la Roumanie, de l’Érythrée, du Ghana, du Nigeria et du Congo. « La majorité des gens sont ici pour des soucis d’identité. Dès qu’ils sont arrivés au Canada, ils ont été emmenés ici », raconte Abdoul à propos du Centre de détention de l’immigration de Laval.

Crainte d’être déporté

Abdoul vit au Canada depuis 2017. Il est en attente d’une révision par la Cour fédérale du Canada de sa demande d’asile qui a été précédemment rejetée.

« J’ai très peur d’être déporté. Au Sénégal, je ne serais pas en sécurité à cause de mon orientation sexuelle. C’est très mal vu par les gens là-bas, et ma famille m’a rejeté », raconte-t-il.

S’ils sont libérés pendant la crise de la COVID-19, les 10 migrants seraient prêts à revenir au Centre de détention de l’immigration de Laval lorsque la pandémie sera résorbée.

Des groupes de défense de détenus demandent depuis plusieurs jours que le gouvernement s’assure que la santé des prisonniers soit une priorité. Au Québec, Solidarité sans frontières appuie les grévistes en « exigeant leur libération immédiate ».

« Enfermer les gens dans cet établissement et leur voler leur liberté est déjà injustifiable, mais de forcer des gens à rester incarcérés alors qu’il y a une pandémie est plus qu’injuste, c’est dangereux pour tout le monde », écrit le réseau de justice migrante de Montréal sur son site web.

Au ministère fédéral de la Sécurité publique et de la Protection civile, on dit être « conscients de la situation et qu’ils la suivaient de près », nous a indiqué par écrit Mary-Liz Power, attachée de presse du ministre Bill Blair.

Au moment d’écrire ces lignes, l’Agence des services frontaliers du Canada n’avait pas été en mesure de répondre à nos questions.

*Prénom fictif, par crainte de représailles