Pour limiter les ravages liés à la COVID-19, Québec a décrété lundi la fermeture obligatoire de nombreux endroits jusqu’au 13 avril. Certains ont dû faire des adieux précipités à leur magasin favori, et d’autres consommateurs sont sortis en urgence faire leurs achats alors que la province amorce un hiatus de trois semaines.

Ruée vers les congélateurs

« J’essaye de me procurer la pièce pour réparer une laveuse, sans succès depuis deux semaines », explique nerveusement Isabelle Leboulanger. Même si le monde cesse de tourner, « il faut bien laver son linge », rappelle-t-elle. Mardi, elle faisait une tournée générale. C’était sa « dernière chance », selon elle.

Elle s’est rendue chez Ameublement Elvis, fournisseur de meubles et d’électroménagers usagers de l’avenue Papineau, qui demeure ouvert jusqu’à nouvel ordre. Daniel Côté, propriétaire, ne chômait pas mardi. « J’ai eu du monde qui ont pleuré ici… il y a quelque chose qui se passe ces temps-ci. Depuis 15 jours, c’est la folie totale, aujourd’hui encore plus », a-t-il confié entre deux appels téléphoniques. À 9 h, il avait déjà reçu plusieurs appels de clients craintifs à l’idée de ne plus pouvoir acheter d’électroménagers. La plupart cherchaient un congélateur, ou deux. « Certains en cherchent un deuxième ou un troisième à bon prix, pour stocker tous les surplus de nourriture achetés dans les derniers jours ou en vue d’un déménagement cet été », poursuit l’homme moustachu au regard espiègle. Le choix devient limité pour se procurer des électroménagers abordables, et l’annonce de lundi en a fait paniquer plus d’un.

Depuis 45 ans, M. Côté a vu beaucoup de gens passer dans sa boutique, qui lui ont raconté leurs petits déboires comme leurs grandes détresses. « Mais en ce moment, ce qu’on vit, c’est fou. Les clients réagissent à toutes ces nouvelles fermetures… Ils ont tous peur. »

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Un dernier bouquet

Le marché Jean-Talon demeure ouvert, mais Binette et Filles, situé à l’intérieur, pliait bagage temporairement mardi, comme la majorité des fleuristes. Tous les articles étaient soldés à 50 %. Sur les réseaux sociaux lundi soir, nombreux sont les fleuristes de quartier qui annonçaient déjà leur fermeture imminente et la liquidation de leur marchandise. Glaïeuls, orchidées et eucalyptus ont rapidement disparu des étalages. Les plantes et les fleurs ne sont peut-être pas essentielles, mais elles sont une source de réconfort en ces temps difficiles, pense le copropriétaire de Binette et Filles, Patrick Bessette. Et pour faire face à la déprime, les clients se ruaient effectivement vers les bouquets en matinée.

« On a besoin de beauté », a confirmé Amélie Chartrand. Avec un petit pincement au cœur, la cliente venait acheter plusieurs bouquets pour les distribuer à son voisinage, à deux mètres de distance. Certains, dit-elle, traversent les récentes mesures de confinement avec difficulté.

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Partie en fumée

Les détaillants de cigarettes électroniques ne font pas partie de la liste d’établissements aux services et produits jugés essentiels en temps de crise. Lundi soir et mardi, les adeptes du vapotage se sont empressés de faire leurs emplettes avant qu’il ne soit trop tard.

Christina Xydous, propriétaire de La Vapote, ne savait plus où donner de la tête mardi matin. Par précaution, elle accueillait les gens un par un dans sa boutique de Rosemont. Beaucoup se sont approvisionnés pour les trois ou quatre prochaines semaines. « Nous sommes un quartier assez mixte ici. D’autres gens n’ont pas les moyens d’acheter autant et vont opter pour la cigarette », craint-elle.

Plusieurs propriétaires de boutiques d’accessoires de vapotage trouvent illogique que la SQDC et la SAQ demeurent ouvertes, alors qu’ils sont contraints de suspendre temporairement leurs ventes, dit-elle.

Ce « deux poids, deux mesures » dérange énormément Michel Daigneault, client fidèle de l’établissement. « La conséquence, c’est que je pourrais retourner aux cigarettes. Je fumais trois paquets par jour avant ! », lâche le retraité, indigné.