(OTTAWA)  L’incertitude planait mardi après-midi sur l’adoption du plan d’urgence de 82 milliards de dollars promis par le gouvernement Trudeau, les partis de l’opposition réclamant des changements majeurs au projet de loi du ministre des Finances Bill Morneau qui doit permettre de le mettre en œuvre et qui doit être adopté par la Chambre des communes.

Les travaux des Communes sont d’ailleurs suspendus depuis 13 h afin de permettre aux émissaires du gouvernement Trudeau et à ceux des partis de l’opposition de s’entendre sur le contenu du projet de loi, qui vise a donner un coup de pouce financier aux familles, aux travailleurs et aux entreprises durement touchées par la pandémie de la COVID-19.

Dans la première mouture du projet de loi, qui a fait l’objet d’une fuite médiatique, le gouvernement Trudeau a inclus des clauses qui lui auraient accordé des pouvoirs sans précédent de réduire ou d’augmenter les impôts et les taxes sans obtenir au préalable l’aval du Parlement, et cela jusqu’en décembre 2021.

Cette mesure exceptionnelle a été retirée devant les hauts cris des partis de l’opposition, qui y ont vu une tentative du gouvernement libéral, qui est minoritaire aux Communes depuis les dernières élections, de s’arroger des pouvoirs exceptionnels durant une crise. Résultat : l’esprit de collaboration qui existait entre tous les partis a quelque peu cédé le pas à la méfiance.

Alors que la crise de la pandémie de la COVID-19 a déjà forcé plus de 900 000 Canadiens au chômage en une semaine, le gouvernement Trudeau voulait s’accorder des pouvoirs en matière de taxation dignes des temps de guerre pour adopter rapidement des mesures afin de contrer les effets désastreux de la pandémie sur l’économie canadienne.

Durant sa conférence de presse quotidienne, mardi, le premier ministre Justin Trudeau a tenu à faire une profession de foi envers les institutions démocratiques du pays mardi afin de calmer le jeu.

« Je crois en nos institutions démocratiques. […] Nous allons toujours protéger nos valeurs démocratiques », a affirmé M. Trudeau devant le Rideau Cottage.

Le premier ministre a ainsi tenté de tourner rapidement la page sur la controverse qui a éclaté lundi soir après que cette mesure controversée eut fait l’objet d’une fuite médiatique. Le Parti conservateur a d’ailleurs servi un avertissement au gouvernement Trudeau en disant qu’il était hors de question d’accorder « un chèque en blanc » au cabinet fédéral durant cette crise.

« Les conservateurs sont prêts à travailler pour aider les Canadiens en cette période de crise. […] Nous sommes toujours prêts à adopter ces mesures si le gouvernement les propose. […] Cependant, nous n’allons pas donner au gouvernement le pouvoir d’augmenter les impôts sans un vote parlementaire. Nous allons autoriser toute mesure de dépense justifiée pour répondre à la situation, mais nous n’allons pas signer un chèque en blanc », a signifié le chef conservateur Andrew Scheer.

Lundi soir, La Presse a obtenu une ébauche du projet de loi de 53 pages qui s’intitule la « Loi concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19 ».

Parmi les mesures contenues dans la première ébauche du projet de loi, on comptait notamment une baisse d’impôt immédiate d’au moins 580 $ pour tout contribuable qui remplit une déclaration de revenus. La baisse du fardeau fiscal pourrait être plus importante si le contribuable a un proche ou des personnes à charge admissibles.

Cette réduction du fardeau fiscal s’ajouterait donc aux mesures annoncées la semaine dernière, dont la création d’une allocation pour soins d’urgence pouvant atteindre 900  $ aux deux semaines pour les travailleurs qui doivent rester à la maison et qui n’ont pas de congés de maladie payés de même que la création de l’Allocation de soutien d’urgence aux travailleurs qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi. Les premiers chèques devraient être déposés le 6 avril, selon nos informations.

Également, le projet de loi accorderait le pouvoir au ministre des Finances d’augmenter de façon discrétionnaire les paiements de transferts aux provinces pour la santé en raison « d’événements de santé publique d’intérêt national ». Déjà, les provinces redoutent que la pandémie surtaxe leur réseau de santé respectif. Elles avaient déjà réclamé l’automne dernier un effort financier supplémentaire d’Ottawa.