La fermeture des écoles risque de se prolonger bien au-delà des deux semaines initialement annoncées. Mardi, le premier ministre François Legault a évoqué un scénario « pessimiste » qui prévoit leur réouverture à l’automne, voire en décembre. Dans les écoles, on se prépare déjà à la suite des choses.

« Je n’y ai jamais cru. »

Le directeur général du Collège Saint-Bernard de Drummondville, Dominic Guévin, estime qu’il ne faut pas une « boule de cristal » pour comprendre que les écoles seront fermées longtemps. Officiellement, les garderies, écoles, cégeps et universités sont fermés jusqu’au 27 mars inclusivement.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Dominic Guévin, directeur général du Collège Saint-Bernard, de Drummondville

J’ai dit à tout le monde : ça risque d’être long. J’espère qu’on va éviter la crise, mais plus on évite la crise, plus c’est long. Je n’ai jamais cru aux deux semaines, et je l’ai dit à mon personnel.

Dominic Guévin, directeur général du Collège Saint-Bernard de Drummondville

Son état d’esprit traduit celui de nombreux parents, étudiants et enseignants. Mardi, le premier ministre a expliqué en point de presse que dans le milieu de l’éducation comme ailleurs, plusieurs scénarios sont envisagés dans le contexte de la pandémie de la COVID-19.

« Dans les scénarios qu’on a, il y a un scénario un peu plus pessimiste qui nous amènerait jusqu’à l’automne, jusqu’au mois de décembre. Il ne faut pas exclure ça, mais en ce moment, il y a beaucoup d’incertitude. Je pense qu’il n’y a personne, pas même les plus grands spécialistes dans le monde, qui sont capables de dire si ça va durer deux mois ou un an », a déclaré François Legault.

L’exemple albertain

L’Alberta est sur toutes les lèvres depuis que la province a annoncé la fin de l’année scolaire en cours. Les élèves de la maternelle à la douzième année scolaire vont recevoir leurs notes finales et passeront automatiquement à l’année suivante lors de la rentrée scolaire. Quant aux élèves qui finissaient leur parcours secondaire, ils obtiendront automatiquement leur diplôme.

On prépare plus loin que deux semaines. Je regarde ce que l’Alberta a fait et on prépare un scénario à plus long terme, jusqu’à la fermeture jusqu’en juin. On ne le sait pas, mais on se prépare à toute éventualité.

Philippe Bertrand, directeur général du Collège Bourget, à Rigaud

Une source bien au fait des démarches en cours dans les commissions scolaires affirme que les « commissions scolaires se préparent au pire » et envisagent une fermeture allant de six à huit semaines.

En alerte

À la Fédération des syndicats de l’enseignement, on constate que des commissions scolaires ont déjà commencé à s’activer pour la suite des choses. « Il y a des commissions scolaires qui sont allées demander [aux enseignants] de préparer de la formation à distance. Restons calmes », soutient sa présidente, Josée Scalabrini. Elle souhaite que les écoles puissent s’appuyer sur des « directives claires » du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur pour être au diapason.

Le réseau privé est aussi en état d’alerte. « C’est certain qu’on n’a pas besoin de le dire [aux établissements membres], tout le monde se prépare à la possibilité que ça puisse s’échelonner plus longtemps, surtout après l’annonce de l’Alberta. Ce qu’on a comme information officielle, c’est deux semaines. Mais même si on n’a pas d’indication formelle, tout le monde se prépare », souligne son président, David Bowles.

Il souhaite aussi que le gouvernement envoie bientôt un signal officiel sur la suite des choses. 

On aimerait le savoir le plus rapidement possible, parce qu’on aimerait pouvoir offrir de l’enseignement à distance si ça venait à se prolonger.

David Bowles, président de la Fédération des établissements d’enseignement privé 

Le ministère de l’Éducation dit pour l’instant que l’enseignement à distance n’est pas interdit et que ces « initiatives peuvent être demandées, mais elles ne peuvent pas être exigées ».

« Un tour de force » dans le public

Le réseau des écoles publiques pourrait-il donner de l’enseignement à distance ? Rien n’est moins sûr.

« Présentement, le milieu scolaire, à des degrés variables, n’est pas équipé pour cet enseignement à distance-là. Mais je présume que si le Ministère prend son temps pour donner des directives, c’est parce qu’il est à évaluer ce qui pourrait être fait », explique la présidente de la FSE, Josée Scalabrini. Une direction d’école publique a confié à La Presse qu’enseigner à distance aux élèves serait un « tour de force ». 

En point de presse mardi, le premier ministre François Legault a précisé que le réseau scolaire ne se préparait pas à l’école à domicile.

Les cégeps et universités aussi s’activent. À HEC Montréal, on entend bien finir le trimestre à temps. En quelques jours, tout a été mis en place pour que les étudiants puissent faire leurs cours en ligne, quel que soit leur programme. Les examens seront donnés à distance.

Tout le monde planifie pour plus que deux semaines. Dans nos communications avec nos étudiants, on ne laisse pas entendre qu’on se revoit dans deux semaines, au contraire.

Marie-Pierre Hamel, porte-parole de HEC Montréal

L’Université du Québec à Montréal dit de son côté qu’il est « prématuré » d’envisager ce type de scénario. « Bien entendu, la Direction de l’Université et l’ensemble du personnel mettent tout en œuvre pour que le trimestre d’hiver 2020 ne soit pas compromis », nous a répondu la porte-parole de l’établissement.

– Avec Gabrielle Duchaine, La Presse