Êtes-vous prêt ? Il va faire beau. Vraiment beau. J’écris cette chronique, vendredi, il fait déjà beau. Vous la lisez, samedi, il fait encore plus beau. Et dimanche, il fera encore plus beau que plus beau. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le gars de MétéoMédia : « On prévoit une longue séquence de beau temps. Possible canicule, entre mardi et vendredi. »

Vous avez bien compris, canicule ! Il ne fera donc pas juste beau, il fera beau et chaud. Yes ! On a envie de faire les steppettes de Normand Brathwaite.

Rien ne fait plus l’unanimité que le beau temps. Si on faisait un vote de confiance au beau temps, il obtiendrait un score de 99 % ! Pas 100. Il y a une infime minorité de gens qui préfèrent le temps gris. Vous avez été assez gâtés. À nous, la majorité en manque, d’en profiter.

Le beau temps supplante tout ! On parle de tempête médiatique quand un évènement vient éclipser tous les autres : une conquête de la Coupe Stanley par le Canadien, la disparition d’un monstre sacré, une immense catastrophe. Le beau temps est plus fort que la tempête médiatique. Il est au-delà des médias. On ne le lit pas dans le journal. On ne l’écoute pas à la radio. On ne le regarde pas la télé. On ferme tout ça et on le vit. La CAQ ne pouvait pas rêver d’une meilleure semaine pour augmenter le salaire des députés.

Il aurait plu, on aurait tout suivi, on aurait été aigri. Il fait soleil, disputez-vous entre vous, nous, on s’occupe du BBQ.

Le beau temps est l’ultime distraction. Pendant les prochains jours, il n’y en aura que pour lui. Finis les airs de bœuf dans les rues. Place aux airs d’oiseaux. Au dépanneur, à l’épicerie, dans l’autobus, une seule conversation :

« – Aie, y fait-tu beau ?

— Mets-en qu’y fait beau ! »

Bien sûr, les médias vont tenter de récupérer cette euphorie, en faisant des reportages sur le beau temps. Un reporter va se planter devant une fontaine, dans laquelle des badauds pataugent, en disant, les yeux plissés par le soleil : « Le Québec traverse une vague de chaleur record… » On le sait ! On le sue !

Normalement, quand il se passe quelque chose d’exceptionnel, ça se passe à un endroit précis. Le couronnement du roi Charles III à Londres, le spectacle de Metallica au Stade olympique, la guerre en Ukraine. Les médias nous permettent d’y être. Mais le beau temps, lui, il est partout. Autant chez nous que chez vous. On n’a pas besoin de nous le montrer sur un écran de 50 pouces, il est dans notre cour jusqu’à aussi loin que l’on puisse voir.

Le beau temps a le contrôle des horaires. Les séries Netflix, les visites du Montréal souterrain, les après-midis au Planétarium attendront. On veut juste une chose : être où est le beau temps. Être dehors.

Avant, on appelait ça aller jouer dehors. Maintenant, on appelle ça le outdooring. C’est la même affaire, mais ça coûte plus cher. Avant, on mettait une couverture sur le gazon, pis on s’évachait. Maintenant, on met des divans de salon sur le gazon, pis on s’évache pareil.

Durant cette vague de ciel bleu, même nos problèmes semblent aller mieux. Rien n’a autant un effet bénéfique sur l’être humain que le soleil. Nous sommes tous des plantes vertes. Pas juste les députés, les électeurs aussi. On a besoin du soleil pour s’étendre et se détendre. Pour s’épanouir. Vrai, on a besoin de la pluie, aussi. Mais pas besoin de l’espérer, elle viendra bien.

En attendant, profitons bien de ces journées parfaites.

Je sais, rien n’est parfait. Il fut un temps où un jour de soleil et de chaleur l’était. Plus maintenant. Nous ne sommes qu’en mai. Est-ce le réchauffement de la planète qui nous permet de faire la planche dans la piscine ? De se croire en juillet ? Est-ce que notre bonheur est le présage d’un grand malheur ? Fort probable. On danse sur le volcan.

On ne peut plus bronzer idiot. Il faut pâlir conscient.

Et le plus fou, c’est que malgré l’apocalypse annoncée, malgré tout ce que l’on sait, cette semaine de beau temps va quand même nous faire du bien.

Puisse-t-elle éclairer assez nos esprits, pour nous donner envie de faire tout ce que l’on peut, pour que les générations à venir puissent encore profiter du beau temps.

À nous de le garder beau.