Il existe un bon moyen pour se protéger des fraudeurs qui ne manquent jamais d’imagination pour faire la passe en ligne : connaître leurs trucs.

Or, l’information ne circule pas assez vite lorsqu’une nouvelle tactique apparaît dans le paysage. Les fraudeurs, eux, sont très informés, agiles et vites. Le soir même où Québec avait annoncé le versement de 500 $ pour faire face à l’inflation, au printemps 2022, des personnes ont reçu des textos frauduleux à ce sujet. « Pour recevoir les 500 $ de Legault, cliquez ici ! » Idem lors du récent épisode de verglas, les faux textos d’Hydro-Québec offrant une compensation ont fusé.

Pour rééquilibrer les forces, un site web qui répertorie les fraudes grâce à la contribution du grand public a été lancé l’automne dernier par la Chaire de recherche en prévention de la cybercriminalité de l’Université de Montréal. Il s’agit de Fraude-Alerte.ca, votre nouvel allié pour éviter une arnaque au mieux chronophage, au pire coûteuse et humiliante. Après 6 mois, on y trouve déjà 4000 témoignages.

Quelques minutes sur Fraude-Alerte.ca suffisent pour réaliser que les locataires sont dans la ligne de mire des fraudeurs, ces jours-ci.

De fausses firmes de gestion les préviennent que leur loyer devra désormais être acheminé par virement Interac à une adresse donnée. Brillant ! Surtout quand les lettres sont bien faites, avec un logo de qualité et une rédaction irréprochable.

Vous avez reçu ce type de message par courriel ? Méfiez-vous, c’est fort probablement une arnaque. Appelez votre propriétaire avant de changer quoi que ce soit à vos habitudes ou de croire que votre dernier paiement n’a pas été reçu et qu’il doit être réacheminé.

Plusieurs internautes ont affiché ces lettres dont le seul but est d’arnaquer financièrement les moins méfiants. Certaines contiennent des fautes de français, ce qui devrait faire sonner une alarme, mais encore faut-il être capable de les repérer.

Autre constat qui saute aux yeux après deux minutes sur Fraude-Alerte.ca : les consommateurs sont nombreux à faire des achats en ligne sur n’importe quel site qui fait sa promotion sur Facebook ou d’autres plateformes. L’ère pas si lointaine où l’on hésitait à inscrire son numéro de carte de crédit sur l’internet est clairement révolue.

Vous vous souvenez de cette histoire de leggings faussement fabriqués à Granby⁠1 que je vous ai racontée l’an dernier ? Et celle de ces jouets éducatifs vendus par une entreprise soi-disant établie à Longueuil qui utilisait de faux témoignages de médecins montréalais⁠2 ? Malgré les mises en garde, l’histoire se répète. Malheureusement, Facebook donne de la crédibilité à ces « détaillants » dont personne n’a jamais entendu parler.

Sur Fraude-Alerte.ca, des internautes rapportent avoir acheté un manteau, des bas, des bottes… une foule d’articles qui n’ont jamais été livrés ou qui n’étaient pas du tout conformes à la description, et ce, sur une série de sites aux noms inconnus : Floweroou, Hallowa, Bestoffers-stores, La boutique grande nuit, Luven Fashion, Bloomie et j’en passe.

C’est toujours pareil : des prix alléchants, une livraison rapide et gratuite, des tonnes de clients satisfaits. La réalité diffère toutefois des messages affichés : impossible de parler au service à la clientèle, faux numéros de suivi des commandes, les plaintes sur Facebook sont automatiquement supprimées, alouette.

La volonté de réaliser une bonne affaire, combinée à une certaine dose de naïveté, amène constamment de l’eau au moulin de ces sites qui se ressemblent tous. Et, malheureusement, le fait que les cartes de crédit remboursent généralement sans rouspéter n’incite pas les consommateurs à se méfier autant qu’il le faudrait.

« Ce sont tous des sites qui fonctionnent avec Shopify. Ils ont quand même une responsabilité quand la même personne ouvre quatre ou cinq sites marchands pour vendre un seul produit. Il faudrait qu’ils lèvent un drapeau », croit Fyscillia Ream, cofondatrice de Fraude-Alerte.ca et coordonnatrice scientifique de la Chaire de recherche en prévention de la cybercriminalité de l’Université de Montréal.

Les fraudeurs qui créent des sites web à répétition pour y vendre de la camelote frustrent les consommateurs. Mais pas que. Une entreprise qui offre des espaces de travail partagé à Montréal en a aussi été victime récemment.

Un faux détaillant prétendait avoir son siège social dans ses bureaux. « On se faisait appeler sans arrêt parce que les gens ne recevaient pas leur colis. On a reçu une centaine d’appels. C’était très time consuming », relate Olivier Berthiaume, copropriétaire de la PME Halte 24-7. Fâchés, les clients floués faisaient tout pour parler à quelqu’un, y compris écrire de mauvais commentaires sur Facebook.

Si vous ne connaissez pas un site et que ses prix sont trop beaux pour être vrais, ayez le réflexe de « googler » son nom. Si vous tapez Hallowa, par exemple, vous tomberez sur Fraude-Alerte.ca. C’est mauvais signe. C’est justement pour cela que ce répertoire alimenté par le grand public était nécessaire, selon Fyscilla Ream, car notre premier réflexe, face à une fraude potentielle, est d’aller sur Google.

Malgré cet outil, « il est tout à fait normal d’être victime d’une fraude », insiste l’experte qui refuse de faire porter le blâme aux individus vu les techniques rusées des escrocs.

Soyez vigilant !

À lire aussi notre dossier « La fraude bouscule les gangs de rue » 1. Lisez la chronique « Gare aux leggings faussement fabriqués à Granby » 2. Lisez la chronique « Le Petit Écolier vous fait enrager »

Qui nous protège ?

Les parents qui se sont fait dérober tout l’argent contenu dans le REEE de leur enfant, en janvier, se sont fait rembourser par Kaleido (ex-Universitas). Mais si le spécialiste des régimes d’épargne-études ne l’avait pas fait, les victimes auraient-elles eu des recours ? Si un fraudeur vide votre compte bancaire et que la banque vous tient responsable sous prétexte que vous n’avez pas été assez prudent, existe-t-il un organisme vers lequel vous tourner ? La réponse courte à ces deux questions est non. La Société d’assurances-dépôts du Canada (SADC) rembourse uniquement les pertes subies en cas de faillite d’une institution financière membre. Même chose du côté du Fonds canadien de protection des investisseurs (FCPI) et de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Quant au Centre antifraude du Canada, son rôle est de recueillir et de fournir des données sur les fraudes. Le Fonds d’indemnisation des services financiers (FISC) peut indemniser les victimes en cas de fraude, mais à condition que celle-ci ait été orchestrée par un représentant en assurance, en épargne collective ou en plans de bourses d’études, un expert en sinistre, un planificateur financier ou un courtier hypothécaire. Le professionnel doit avoir agi « dans le but de vous tromper » et d’obtenir votre argent, prévient l’AMF. De plus, « les cas de faute, d’erreur, de négligence ou d’omission commises non volontairement » ne sont pas couverts par la protection maximale de 200 000 $.