Mardi soir, le Canadien joue contre le puissant Lightning de Tampa Bay, au Centre Bell. Ayoye. À quelle heure l’éclair va-t-il frapper ? À quelle heure le CH sera-t-il foudroyé ?

Ben non. Ce n’est pas la catastrophe naturelle attendue. Pas du tout. Le Tricolore joue bien. Son gardien, Samuel Montembeault, joue plus que bien. Et les locaux remportent le match 3 à 2. Martin St-Louis est content. Je sais, gagne ou perd, Martin St-Louis est toujours content, mais là, ça paraît dans ses yeux.

Bon, c’est la pub à L’antichambre. Zappons voir le match de hockey diffusé à TVA Sports. En reculant de RDS à TVA Sports, on passe par TVA Sports 2. C’est du baseball. Du baseball, le 21 mars ? Non, ce n’est pas la reprise d’une partie Expos contre Padres, si chère à Elvis Gratton. C’est la grande finale de la Classique mondiale de baseball, en direct.

La Classique mondiale est au baseball ce que le Mondial est au foot. Je sais, il y a déjà les Séries mondiales. Mais les Séries mondiales ne sont accessibles qu’à 29 villes américaines et une canadienne. C’est la vision Donald du monde. Tandis que 20 pays participent à la Classique mondiale de baseball, dont la Chine, l’Australie, Israël, l’Italie et le Canada. C’est la 5e édition. Mais la première dont on entend autant parler et qui regroupe le plus grand nombre de vedettes de la Major League Baseball. Ceci expliquant cela.

C’est la 9e manche. Le Japon mène 3 à 2 sur les États-Unis. Les Américains sont au bâton. L’autre match de hockey attendra. Je reste là. À entendre l’émotion dans la voix des commentateurs, je réalise que j’arrive à la conclusion d’un grand moment, dont on parlera encore longtemps.

Mike Trout s’en vient frapper. Mike Trout est l’un des meilleurs frappeurs du nouveau millénaire. Le meilleur joueur de l’équipe américaine et son capitaine.

Devant lui, au monticule, Shohei Ohtani. Shohei Ohtani est l’un des plus grands phénomènes des temps modernes. De nos jours, les lanceurs se concentrent sur l’action de lancer, quand ils doivent frapper, ils frappent pour la forme. Pas Shohei Ohtani. Shohei Ohtani est un excellent lanceur. Shohei Ohtani est un excellent frappeur. Alors Shohei Ohtani lance, Shohei Ohtani frappe et Shohei Ohtani joue au champ extérieur. Shohei Ohtani fait tout.

PHOTO SAM NAVARRO, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Mike Trout, après avoir frappé un double en première manche, mardi, lors du match États-Unis–Japon

Si je répète souvent Shohei Ohtani, c’est pour apprivoiser son nom. J’ai beau suivre ses exploits depuis 2021, mon cerveau n’a pas encore sauvegardé son appellation. Pourtant, s’il y a un nom que l’amateur de sport ne devrait jamais oublier, c’est le sien, tant ce qu’est en train d’accomplir Shohei Ohtani est au-delà du réel.

Imaginez si, certains soirs, Samuel Montembeault était devant le filet, et d’autres soirs, il jouait sur le premier trio, avec Suzuki et Caufield. C’est ça, Shohei Ohtani.

Pour ajouter un peu de drama à la confrontation Trout-Ohtani, les deux hommes jouent pour la même équipe, les Angels de la Californie. Ils n’ont jamais été des adversaires avant ce soir. Deux frères. Soudain, ennemis. L’un a le Japon derrière lui, l’autre, les États-Unis. C’est la suite de la guerre du Pacifique.

PHOTO RINGO H.W. CHIU, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Shohei Ohtani et Mike Trout, qui se sont affrontés dans la dernière séquence du match final de la Classique mondiale de baseball opposant le Japon aux États-Unis, jouent tous les deux pour les Angels de la Californie dans la MLB.

Il y a deux retraits. D’un coup de bâton, Mike Trout peut créer l’égalité. En lançant trois prises, Shohei Ohtani peut donner le championnat mondial à son pays. Une balle… Une prise sur élan… Deux balles… Une deuxième prise sur élan, lancée à 100 milles à l’heure… Troisième balle… Compte complet ! Prochain lancer… PRISE ! Rodger Brulotte explose ! Le Japon est vengé ! Le pays du soleil couchant vient de se lever. Ce sont eux, les senseis du baseball.

C’est fini. J’ai presque tout manqué, je n’ai vu que le climax. Comme si j’étais arrivé à la fin du film Titanic, quand Rose est sur son radeau de fortune, pendant que Jack se meurt d’hypothermie, à côté d’elle.

Ça m’apprendra à être le fan fini d’une équipe finie. Pour cette saison, du moins.

Il y a des tonnes de supporteurs du Canadien qui ont préféré regarder leur club disputer un match qui ne veut rien dire, plutôt que de savourer l’évènement sportif de l’année, jusqu’ici.

Grâce à ce moment magique, la Classique mondiale du baseball vient d’entrer dans les ligues majeures, c’est le cas de le dire. Ce rendez-vous manqué ne le sera pas, l’an prochain.

Connor McDavid, le plus grand joueur de hockey au monde, a déclaré, cette semaine, que le hockey devrait imiter le baseball, et créer une compétition internationale où les meilleurs de partout pourraient s’affronter. J’espère que le commissaire Bettman écoute sa plus grande star.

Il y a quelque chose dans ces affrontements entre pays qui oppose et unit à la fois.

En 1972, lors de la Série du siècle, autant on voulait battre les Russes, autant on s’est rapprochés d’eux comme jamais dans l’Histoire.

C’est ça, le sport, une façon d’être ensemble. Dans le même lieu. En même temps.

Pour autant que l’on ne soit pas en retard !