En entendant le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, déclarer que les écoles vétustes n’étaient finalement peut-être pas si vétustes, j’ai eu un mouvement de sursaut, sans doute semblable à celui de l’enseignante de cinquième année de mon fils lorsqu’elle a vu une souris un peu trop curieuse venir assister à son cours.

Le problème d’infestation de souris était tel dans cette école publique montréalaise que les élèves connaissaient l’exterminateur par son nom. Les professeurs étaient obligés de nettoyer eux-mêmes les aires de jeu et de jeter aux ordures des livres imbibés d’excréments et d’urine.

À l’époque, il y a sept ans, cette école, par ailleurs excellente, ne faisait même pas partie de la liste prioritaire des écoles à rénover. Aujourd’hui, elle est délocalisée afin que l’on puisse y entreprendre des travaux de rénovation majeurs qui s’imposaient depuis longtemps.

Il en est de la vétusté des écoles comme des urgences engorgées… Avec le temps, les problèmes ne font que prendre de l’ampleur. Les manchettes et les hauts cris se suivent et se ressemblent. Mais c’est tout de même ironique, quand celui qui crie que l’on manque de ressources et celui qui dit de cesser de crier se trouvent à être la même personne qui a juste changé de chapeau.

Ainsi, en mars 2019, un animateur du 98,5 nommé Bernard Drainville s’insurgeait en ondes contre le manque de ressources prévues par le gouvernement caquiste pour la rénovation et la reconstruction des écoles vétustes. Drainville l’animateur disait essentiellement le contraire de ce que dit aujourd’hui Drainville le ministre de l’Éducation.

Tsé, le milliard qui est prévu par le gouvernement de la CAQ, on pourrait le mettre au complet sur l’île de Montréal, mais on n’en aurait plus pour les écoles à l’extérieur de l’île ! C’est vous dire à quel point il y a un problème ici sur l’île. Mais il y en a aussi ailleurs !

Bernard Drainville sur les ondes du 98,5, en mars 2019

Pour illustrer l’ampleur du problème, Bernard Drainville invitait les parents à témoigner des problèmes de vétusté dans l’école de leurs enfants. « On cherche des exemples très concrets. Et vous êtes les mieux placés pour en parler. Moi, j’aime bien mieux entendre un parent qui me parle de l’école de son enfant puis des choses qui ne fonctionnent pas… »

Des témoignages troublants ont suivi.

Robert, qui travaille dans le domaine des toitures, a dit que cela faisait dix ans qu’il était témoin de problèmes de moisissures dans les toitures d’écoles refaites « tout croche » et d’inspections mal faites. Il avait tenté en vain de mettre en garde des centres de services scolaires. Bernard Drainville lui a conseillé d’alerter la Commission de la construction ou la Régie du bâtiment.

Patrick, qui a aussi été appelé à faire des travaux dans une école comme sous-traitant, a raconté une histoire d’infiltration d’eau après la rupture d’un tuyau de chauffage durant le congé des Fêtes. L’eau a coulé pendant deux semaines, causant des dégâts majeurs. Il y avait des champignons noirs partout. On a « réglé » le problème avec quelques déshumidificateurs achetés chez Rona et de la peinture vite fait par-dessus les champignons. Bernard Drainville était choqué par son témoignage. « C’est sûr que les champignons sont encore là ! Ça, ça me rassure pas ! »

Un autre Robert, spécialiste en ventilation, a témoigné du fait que les coupes dans les services de concierge dans les écoles font en sorte que l’on ne fait plus l’entretien du système de ventilation. On se retrouve avec des filtres complètement bouchés où l’air ne passe plus.

« La qualité de l’air n’est donc pas optimale ? s’est inquiété Bernard Drainville.

— Exact ! »

Quatre ans plus tard, ce qui inquiétait Drainville l’animateur ne semble soudainement plus inquiéter Drainville le ministre.

Le ministre de l’Éducation dit aujourd’hui partager les « questionnements » du premier ministre François Legault, qui doute que 61 % des écoles et des autres infrastructures du réseau scolaire soient vétustes, soupçonnant les centres de services scolaires de gonfler leurs besoins afin d’obtenir plus d’argent1.

En commission parlementaire, alors qu’il était talonné par la porte-parole libérale en matière d’éducation, Marwah Rizqy, qui le questionnait sur l’absence de preuves pour appuyer ces soupçons, le ministre Bernard Drainville a expliqué que ses visites dans des écoles considérées comme vétustes l’ont poussé à remettre en cause la méthodologie avec laquelle on évalue la vétusté. Il s’attendait à voir l’« enfer » dans une école classée E selon une méthode d’évaluation qui a pourtant eu l’aval de son propre ministère. « Mais ce n’est pas l’enfer du tout ! »

Il dit plutôt avoir vu des écoles qui avaient « bonne mine ». Peut-être bien qu’il y a des problèmes à l’intérieur des murs, il en convient. Mais bon…

Une mère me raconte qu’elle a déjà reçu un avis de l’école l’an dernier l’informant qu’un morceau de plafond était tombé dans la classe. Je veux bien ! Ça peut arriver. Mais franchement, lâchez-nous avec la vétusté !

D’ailleurs, ne serait-il pas le temps de changer le regard que l’on porte sur les écoles vétustes ? À bien y penser, faut pas croire tout ce qu’on raconte à la radio. Tant que les souris restent dans les murs durant les heures de classe, que les champignons sont bien camouflés par de la peinture, que les filtres complètement bouchés, garantissant une piètre qualité de l’air pour nos enfants, demeurent à l’abri des regards indiscrets, il est où, le problème ?

Allez, baissons les impôts en paix. Ça va bien aller.

1. Lisez l’article « Legault doute du portrait sur la vétusté des écoles »