Le premier Super Bowl a eu lieu le 15 janvier 1967, au Memorial Coliseum de Los Angeles. Les Packers de Green Bay ont vaincu les Chiefs de Kansas City 35-10. Le trophée des champions ne s’appelait pas encore Vince Lombardi, puisque c’est lui qui l’a gagné, le coach des têtes fromagées. 

Une tradition venait de naître. Le gros party du football américain à la mi-janvier, c’était parfait. Après le festival des Bowls universitaires du temps des Fêtes, Rose, Orange, Cotton et tutti quanti, l’apothéose, quelques jours plus tard. Puis au fil des ans et des ajouts de parties au calendrier, le Super Bowl se jouait de plus en plus tard, en janvier. Mais comme il ne se passe jamais rien en janvier, rien ni personne n’en était désavantagé.

À partir du 38e Super Bowl, le gros show s’est tenu en février, plus précisément le premier dimanche de février, durant 18 éditions. Encore là, aucun dommage collatéral. 

Puis, l’an dernier, le Super Bowl s’est tenu pour la première fois de l’histoire le deuxième dimanche de février, soit le 13 février. Et il en sera ainsi cette année, ainsi que les suivantes.

Pourquoi, croyez-vous, que la célébration annuelle de la testostérone, des gros bras et du boys’ club se tient le deuxième dimanche de février ? C’est pas par hasard ! Oh non ! C’est un complot masculin pour tuer la Saint-Valentin ! C’est évident.

Que faisait avant le mâle nord-américain le deuxième dimanche de février ? Il était forcé, pression sociale oblige, d’inviter sa blonde au restaurant ou de lui préparer un bon souper à la maison, pour souligner la fête des amoureux. Que le 14 février tombe un lundi, un mardi ou n’importe quel jour de semaine, l’activité romantique avait toujours lieu le week-end précédent, parce que la semaine, on travaille, on fait des devoirs, des lunchs, on se couche et on dort.

En plaçant l’événement sportif le plus regardé le même week-end que celui dédié, depuis toujours, à l’amour, l’homme a voulu faire diversion et exprimer sa virile suprématie. Annulé, le rendez-vous en tête à tête avec sa douce, place au happening coude à coude avec sa horde de durs. 

Normalement, aujourd’hui, les médias seraient remplis de suggestions de restaurants branchés, de plats aphrodisiaques et de délicates attentions, comme des fleurs, du chocolat et des bijoux. Ce n’est plus ça, le propos. Il est question de bars sportifs, d’ailes de poulet et d’épaisses statistiques, comme des touchés, des placements et des échappés.

Bref, la Saint-Valentin passe dans le beurre. Pour ne pas dire que la Saint-Valentin passe dans la graisse, à la base de toute la bouffe qui sera consommée, et très difficilement digérée, en ce deuxième week-end de février.

Les licornes qui lisent cette chronique m’écriront pour prétendre que l’on peut très bien fêter la Saint-Valentin le samedi et le Super Bowl le dimanche ! Ah oui ???? Et pourquoi pas l’Halloween le lundi ??!!

C’est déjà assez compliqué de rentrer une activité supplémentaire dans l’horaire de la fin de semaine, quand on a déjà les matchs de hockey, les cours de ski, de karaté, de piano et de danse hip-hop des kids, sans oublier le Costco et le pelletage de l’entrée, que vous voulez en rentrer une deuxième qui demande, en plus, une gardienne !!

Budgétairement, c’est, comment dire, hypothéquant : un restaurant gastronomique un soir et une fiesta calorique le lendemain. La carte de crédit va exploser. Surtout que rien ne dit que les mises faites sur Bet Ninetynine vont rapporter. Au contraire. Mahomes, y’est-tu un peu blessé ou beaucoup blessé ? 

En plus, le week-end du Super Bowl, les gars ont la tête au Super Bowl. C’est bien connu, les gars ne peuvent avoir la tête qu’à une chose à la fois, et encore. Déjà qu’ils oubliaient la Saint-Valentin quand rien d’autre n’entrait en conflit avec elle, imaginez quand la grand-messe du football a lieu en même temps. Des plans pour qu’ils achètent un casque à bière à leur partenaire.

L’autre utopie serait de combiner Super Bowl et Saint-Valentin le dimanche. Rentrer des écrans géants à l’Europea, à Montréal, ou au Saint-Amour, à Québec, pour déguster un tendre repas avec sa dulcinée, sans rien manquer. Durant la mi-temps, aller en boîte pour danser sur Rihanna. Et enfin, regarder la dernière demie à l’hôtel, dans un lit couvert de pétales de roses rouges aux couleurs des Chiefs de Kansas City. Excitant programme. Mais les boys là-dedans ? Le Super Bowl, on regarde ça avec les chummys !

Vous direz que ma chronique fait très 2010, qu’elle est très genrée, puisque je présume que les gars veulent regarder le Super Bowl et que les filles préfèrent la Saint-Valentin, alors qu’il y a des gars qui sont plus Cupidon et des filles qui sont plus Tom Brady.

C’est vrai. Mais la transformation de la société n’étant pas encore complétée, ce sont en majorité des JiC qui tripent sur le football américain, plutôt que des Annie Ernaux.

Les temps changent, mais les gars restent en mou.

Bon week-end tout le monde ! Que vous soyez Super Bowl ou Saint-Valentin, l’important, c’est de s’aimer.

Et de profiter de la vie pendant que le destin nous le permet.