Au début de la COP15, la mairesse de Montréal a invité les décideurs présents à faire des changements « radicaux » en matière d’environnement. En politique, le terme « radical » est radioactif. Alors que les extrêmes le sont de plus en plus, tous ceux qui aspirent à gouverner veulent être au centre. Tout le monde veut avoir l’air d’être celui qui fait des compromis, qui est raisonnable, qui est pragmatique.

Par contre, en matière de politiques publiques, cette philosophie est souvent l’équivalent d’un anesthésiant, elle nous empêche de prendre de vraies décisions.

Interdire aux gens de fumer dans les bars, les restaurants ou encore les avions était un choix radical. Le compromis a donc longtemps été de faire des sections pour les non-fumeurs. Pourtant, nous savions que l’élimination de la fumée à l’intérieur des locaux était la seule solution scientifiquement valable pour protéger les clients et les travailleurs contre l’exposition à la fumée secondaire. C’était une solution de compromis, oui, mais inutile si l’on voulait réduire significativement la prévalence des maladies associées à la cigarette.

Quand Camille Laurin et le Parti québécois ont fait adopter la loi 101, ils n’ont échappé à aucune insulte, incluant les plus laides. Pourquoi ? Parce que la loi 101 était « radicale ».

En effet, elle allait au bout du principe qu’elle défendait, la langue commune au Québec était dorénavant le français, et cela voulait dire quelque chose. Des enfants n’auraient plus la possibilité d’aller à l’école dans la langue de leur choix, des commerçants devraient afficher en français, les entreprises devraient travailler en français. Les adversaires de Laurin auraient voulu une loi sans conséquence, comme le demandent aujourd’hui certains adversaires de la loi 96. Si Laurin avait cédé, il aurait été l’homme du compromis, mais la loi ne serait pas passée à l’histoire comme notre plus grand succès législatif linguistique.

Quand le gouvernement actuel a adopté la loi sur la laïcité, ils étaient nombreux à réclamer une laïcité « ouverte », c’est-à-dire une laïcité qui ne change rien, qui n’a pas de conséquences, qui ne dérange personne. Pour ce qui est des signes religieux, le gouvernement s’est assumé. Il ne sera pas possible pour un employé de l’État en position d’autorité d’afficher sa religion pendant les heures de bureau. Comme pour la justice, il doit y avoir laïcité et apparence de laïcité.

La nationalisation de l’électricité, la protection des terres agricoles, la mise en place de l’assurance maladie ou de l’assurance automobile sont toutes des mesures qui, à leur époque, auront été considérées comme radicales.

Elles sont toutes aujourd’hui perçues comme des réformes justes et bonnes. Non, la vertu ne se tient pas nécessairement au milieu.

Il n’est peut-être pas le premier à l’avoir dit, mais c’est de lui que j’ai entendu cette phrase pour la première fois. Luc Ferrandez, ancien maire de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, à Montréal, disait qu’aujourd’hui, en environnement, les bonnes décisions sont nécessairement radicales. Pourquoi ? Parce que devant les bouleversements climatiques, les bonnes décisions sont celles qui exigent des changements de comportement. Faire payer les pollueurs, arrêter d’élargir les autoroutes, taxer l’essence encore plus, interdire les pesticides, rendre le compostage et le recyclage obligatoires, protéger le caribou, donc parfois dire non à l’industrie du bois, réduire le nombre de stationnements et en augmenter le coût, faire payer aux promoteurs immobiliers le vrai coût de la croissance, et ce, même si cela veut dire limiter l’accès à une unifamiliale, etc.

Si les choix et les messages issus de la COP15 plaisent à tout le monde, s’ils ne dérangent personne, s’ils ne sont pas « radicaux », cela voudra dire que la conférence n’aura pas atteint son but. J’espère que Mme Plante sera entendue.