Si François Legault a un mandat fort, ce n’est pas grâce aux jeunes. À peine le cinquième d’entre eux l’appuyait avant la campagne électorale.

Son discours inaugural montre le chemin qu’il reste à parcourir dans deux dossiers qui les toucheront : l’environnement et le français. Des enjeux où M. Legault a déçu ou n’a pas encore convaincu.

Pour tout gouvernement, l’économie et la santé sont les grands morceaux. Mais avec la Coalition avenir Québec (CAQ), il n’y a pas de mystère. En santé, le ministre Christian Dubé a déjà déposé son vaste projet de réforme. Et en économie, Eric Girard est occupé à mettre en œuvre les engagements électoraux, un chèque à la fois.

La pénurie de main-d’œuvre complique le travail de tout l’État, particulièrement en éducation. Mais là encore, la solution est connue.

Il faut améliorer les conditions de travail et, lorsque cela est possible, former, requalifier ou rapatrier les travailleurs.

Si on cherche un élément de nouveauté dans ce discours, un avant-goût des périls à venir, il réside ailleurs.

Après son élection en 2018, M. Legault avait reconnu que l’environnement se trouvait dans son angle mort. Quatre ans plus tard, il le voit seulement à moitié.

Le plan actuel ne permet d’atteindre que la moitié des réductions promises d’émissions de gaz à effet de serre. M. Legault réduit souvent le sujet à une occasion économique pour la croissance verte.

Or, l’économie et l’environnement ne vont pas toujours ensemble. Parfois, il faut choisir. Et certains dossiers, comme la biodiversité, ne nous enrichissent pas si on pense uniquement aux chiffres.

Le réseau d’aires protégées sera étendu et un Fonds bleu pour l’eau sera créé, a annoncé M. Legault. Le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent devrait aussi bientôt être élargi. Mais ailleurs, les avancées sont modestes.

Depuis le début du règne caquiste en 2018, le comité qui désigne les espèces menacées ou vulnérables ne s’est pas réuni une seule fois. À la veille de la COP15, ce n’est pas une belle carte de visite.

M. Legault a évoqué « l’efficacité et la sobriété énergétiques ». Avec un déficit appréhendé d’au moins 100 térawattheures, c’est nécessaire. Reste à voir comment il y arrivera.

Autre source d’inquiétude : le fonds qui alimente les travaux en transport routier et en transports en commun est désormais déficitaire, et le trou va se creuser. Le premier ministre n’ose pas renforcer le principe du pollueur-payeur pour les voitures.

Il s’est toutefois vanté d’avoir atteint un « certain consensus » avec le troisième lien – de l’autre côté du Salon bleu, les oppositions ont ri.

Sans renier sa cible pour 2030, M. Legault insiste sur la carboneutralité en 2050. C’est à la fois une nécessité et un piège. Cet échéancier à long terme incite à avancer à petits pas, en espérant que des innovations technologiques nous sauveront. Or, les climatologues sont clairs : le carbone envoyé dans l’atmosphère aujourd’hui y restera longtemps, et en 2050, certains dégâts seront irréparables.

Le premier ministre a raison, le Québec n’est pas un cancre. Le reste du Canada pollue deux fois plus par habitant. Mais nous ne sommes pas un modèle non plus.

À défaut de se préciser, les promesses vertes de la CAQ n’enthousiasmeront pas les jeunes, et ce n’est pas leur faute.

En français, la logique est différente. Les jeunes ne sont pas aux avant-postes de la bataille pour protéger notre langue publique commune. Mais c’est en pensant à eux que M. Legault s’inquiète.

Son « réveil national » peut néanmoins étonner. Sa réforme de la loi 101 n’est pas encore complètement en vigueur – par exemple, Francisation Québec sera créé officiellement l’année prochaine. Et déjà, il reconnaît que ces efforts seront insuffisants.

Au moins, il semble vouloir mieux choisir ses combats.

En immigration, il n’insiste plus autant pour que les candidats à la réunification familiale parlent français. L’effet aurait été minime pour la langue et dramatique pour les individus – une grand-mère n’aurait pas pu retrouver sa famille, sous prétexte qu’à 80 ans, elle ne parle pas français.

Difficile toutefois de savoir où s’en va le gouvernement caquiste. C’est seulement l’année prochaine qu’il entamera les consultations pour réviser la politique d’immigration. D’ici la fin du mandat actuel, la quasi-totalité des candidats pourraient devoir parler français pour être sélectionnés. Il songe aussi à hausser le nombre d’étudiants étrangers – francophones ou fréquentant une université francophone, cela reste à voir. Et enfin, il y a les cours de francisation au travail qui sont sous-utilisés.

L’Entente Canada-Québec de 1992 est également scrutée à la loupe pour vérifier comment exiger que le fédéral accueille plus d’immigrants temporaires maîtrisant le français.

Voilà beaucoup de points d’interrogation qui demeurent.

Si M. Legault échoue à son devoir de protéger la langue de la nation, il ne se le pardonnera pas. Et s’il ne se montre pas à la hauteur en environnement, les jeunes ne le lui pardonneront pas non plus.