Dans le traité du péquisme zen, il faudra ajouter une nouvelle énigme : si un député se couche par terre devant l’entrée du Salon bleu, fait-il encore du bruit ?

Plus le temps passe, moins on l’entend.

Le Parti québécois dit avoir l’appui de la population. Près de deux sondés sur trois croient que nos élus ne devraient pas être obligés de prêter serment au roi Charles III afin de pouvoir siéger.

Mais le sujet les intéresse-t-il pour autant ? J’ai l’impression que cela ressemble plus à un match préparatoire de la Coupe Spengler : on souhaite que notre équipe gagne, sans forcément regarder la partie au complet.

Sur le fond, le raisonnement de Paul St-Pierre Plamondon se défend très bien.

En politique, les symboles comptent. Il est anormal que le premier geste d’un député québécois soit de prêter allégeance à un roi étranger. Son mandat commence ainsi par un parjure.

Vrai, René Lévesque, Jacques Parizeau et tous les autres péquistes l’ont fait. C’était toutefois sous Élisabeth II, qui incarnait la fonction de façon impersonnelle, telle une admirable statue de cire. Le visage du trône est devenu plus concret avec l’arrivée de son fils et de ses défauts particulièrement humains. Et de toute façon, quelqu’un doit marquer une rupture.

Le problème est ailleurs. Pour l’abolir, il faut un geste. Une simple motion suffirait, selon certains constitutionnalistes nationalistes. Un projet de loi serait toutefois préférable. Et peu importe, dans les deux cas, un vote serait requis. Or, pour voter, il faut siéger. On ne s’en sort pas.

Même si l’Assemblée nationale consentait à une des suggestions péquistes en leur permettant de s’asseoir dans le Salon bleu sans avoir droit de vote, ils laisseraient les autres faire ce travail.

En promettant de ne pas faire de vague mercredi durant le discours inaugural du premier ministre Legault, M. St-Pierre Plamondon a fait preuve de bonne foi. Mais son combat reste périphérique.

Le gouvernement caquiste s’est engagé à déposer un projet de loi avant Noël pour que le serment au roi soit aboli ou rendu facultatif – les détails restent à voir.

Si on fait de la politique, c’est pour changer la société. Et dans ce cas-ci, le changement est déjà annoncé.

Le PQ peut, avec Québec solidaire, se vanter d’avoir mis la pression sur le gouvernement caquiste pour mettre fin au serment. Mais on sait comment l’histoire devrait se terminer. Le suspense péquiste porte seulement sur une intrigue parallèle au milieu du film.

La présidence de l’Assemblée nationale est un poste important, comme le montre cette histoire.

En octobre, le président sortant, François Paradis, a manqué une formidable occasion de garder le silence. Il venait de quitter la politique. Il n’occupait la fonction que pour en assurer l’intendance, avant la nomination de sa successeure. Et malgré tout, il a imposé une décision : tant que la loi ne sera pas changée, le serment demeurera obligatoire.

Nathalie Roy, nouvelle présidente désignée mardi, ne doit pas lui en vouloir. Elle n’a pas besoin de commencer son mandat avec une décision délicate.

Le PQ n’est pas dans l’urgence. Les travaux parlementaires dureront en pratique moins de deux semaines avant le congé de Noël. Ils reprendront en février.

Après quelques mois, leur absence deviendra difficile à justifier. Ce pourrait d’ailleurs être plus long que prévu. La durée d’étude d’un projet de loi est imprévisible. Les libéraux veulent prendre le temps de consulter des constitutionnalistes pour faire correctement leur travail de législateur.

Le Québec n’a rien à gagner à voir les trois péquistes poireauter dans les limbes parlementaires. Ils pourraient être utiles en commission parlementaire.

Un bon exemple : c’est Pascal Bérubé qui avait sonné l’alarme en mai 2020 au sujet de l’implication de la firme McKinsey dans la gestion de la pandémie.

À titre de député errant dans les corridors de l’Assemblée, ses futures interventions se feraient désormais devant un public très confidentiel.

Depuis les dernières élections, le PQ se dit aussi victime d’une attaque concertée pour réduire son budget et son temps de parole.

La réalité est plus plate. Les autres partis ont au contraire bonifié le règlement à trois reprises pour aider le PQ. Mais il y a une limite au sacrifice qu’un parti fera pour son rival.

Le vrai coupable, c’est le mode de scrutin.

M. St-Pierre Plamondon a raison, on pourrait aller plus loin. Le projet de réforme du mode de scrutin fixait à 10 % de votes le seuil pour profiter de la proportionnelle. Pourquoi ne pas utiliser ce même seuil pour autoriser un parti à poser une question au minimum ?

Et qu’a-t-on à perdre à permettre à Éric Duhaime d’assister aux breffages à huis clos ? Ce travail de fond rendrait ses interventions plus sérieuses.

Mais le PQ n’a pas aidé sa cause dans les dernières semaines. En faisant fuiter les détails des négociations et en accusant ses adversaires, il fragilise la confiance que tout parti de l’opposition doit entretenir avec ses vis-à-vis afin de négocier.

Si le PQ s’accroche à des batailles symboliques, c’est aussi parce qu’il perd du pouvoir dans ce système.