Le titre de cette chronique est une référence à une scène du film The Shining, quand le personnage incarné par Jack Nicholson tente de défoncer la porte de la salle de bain où sa femme terrifiée se terre.

« Heeeeeere’s Johnnnnnnnnny ! », annonce-t-il, les yeux fous, en écho au célèbre « Heeeeeere’s Johnnnnny ! » qui annonçait le début du talk-show de Johnny Carson…

Mardi, à Mar-a-Lago, Donny Trump était donc à la porte des États-Unis, encore une fois, hache de la désinformation à la main. Une bonne partie des Américains se trouve de l’autre côté de la porte…

Il a été fidèle à lui-même sur le fond des choses, mitraillant son auditoire de déclarations folles et pour la plupart fausses (pensées et prières pour les fact checkers) qui, mises bout à bout, décrivent une Amérique inventée se résumant à ceci : quand Trump était à la Maison-Blanche, tout était formidable ; depuis que Biden est là, tout est de la m…

Le 45e président s’est moqué de Joe Biden, l’a dépeint comme un homme sénile… En affirmant bizarrement que quand il était président, lui, Trump, les États-Unis avaient « passé des décennies sans guerre »…

Le fond était donc le même que depuis toujours – puant –, mais c’est dans la forme que quelque chose était manifestement changé en Donny Trump. On a vu sa version télésouffleur, ce qui est son incarnation la moins efficace, a ingénieusement constaté un analyste à CNN. Trump donne le « meilleur » de lui-même quand il improvise, pas quand il lit un discours.

Le séditieux mauvais perdant qui a tenté de renverser les résultats de l’élection présidentielle en janvier 2021 en incitant une foule tout aussi séditieuse manquait follement d’énergie, mardi. On aurait dit Joe Biden, en fait.

Était-ce à cause des résultats décevants des élections de mi-mandat pour ses poulains républicains ?

Qui sait…

La réalité – la vraie, pas la réalité alternative où Trump a prospéré depuis 2016 –, c’est que Donny Trump, mardi, a lu son discours avec le même déficit d’enthousiasme que celui d’une agente de bord qui aurait trop répété ce jour-là les consignes de sécurité précédant le décollage.

On le dit fini, en raison de l’échec de plusieurs de ses poulains, il y a une semaine. On dit que le trumpisme a subi une défaite mortelle avec cette vague rouge qui n’a jamais levé. J’en doute.

D’abord, les démocrates n’ont pas exactement passé le K.-O. aux républicains, malgré le fait que les républicains n’ont jamais été aussi extrémistes, de notre vivant.

Et je me souviens surtout qu’on disait en 2016 que l’ancienne star de téléréalité n’allait jamais gagner l’investiture républicaine (il l’a gagnée), puis qu’il n’allait jamais pouvoir battre Hillary Clinton (il l’a battue), puis qu’il allait faire à ce point un fou de lui que Trump ne se représenterait probablement pas en 2020 (googlez la suite)…

PHOTO GIORGIO VIERA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Une partisane de l’ancien président Donald Trump célèbre l’annonce de celui-ci, à l’extérieur de sa résidence de Mar-a-Lago, tout en montrant une affiche associée à la mouvance complotiste QAnon

Et 70 % des Américains qui votent républicain croient au Grand Mensonge du vol de l’élection de 2020, en plus de croire à un impressionnant assortiment de théories du complot plus débiles les unes que les autres. Ces Américains forment une immense secte qu’il sera à peu près impossible de déprogrammer.

Donner Trump pour battu, on l’a vu dans le passé, est risqué. Il y a suffisamment d’Américains débranchés du réel et paranos de tout – des étrangers, des Noirs, du gouvernement, du Deep State, du communisme, de l’islam, des wokes, etc. – pour que Trump puisse continuer à fesser dans la démocratie américaine à grands coups de hache.

Deux ans, c’est long, le trumpisme est encore vivant et Trump est encore politiquement vivant.