Sauver la planète ! Sauver la planète ! Voilà que les militants écologistes recommencent à se faire entendre, après deux années en sourdine, la COVID ayant pris toute la place. Difficile d’ameuter l’opinion publique avec les changements climatiques quand tout le monde est confiné dans sa maison. À quoi bon s’en faire avec la température en 2032 quand on ne sait pas si on va passer l’hiver. Maintenant que le virus ne nous a pas virés, on peut recommencer à voir plus loin que le bout de son nez démasqué.

En ce moment, le militantisme écolo se manifeste dans les musées : de la soupe de tomates lancée sur Les tournesols de Van Gogh, Les meules de Monet aspergées de purée, des mains collées à la glu sur La jeune fille à la perle de Vermeer. Tout ça pour protester contre l’industrie pétrolière.

De prime abord, on cherche le rapport avec les revendications du groupe Just Stop Oil. Parce que ces tableaux sont des huiles ? Parce qu’un musée, c’est raffiné ? Parce que dans le nom Van Gogh, il y a le mot Van ? Ça ne tient pas la route. Le sens de ces actions repose dans le sentiment qu’elles provoquent en nous. On a tous été horrifiés d’apprendre que de la sauce tomate avait aspergé la splendide nature morte du génial Van Gogh, alors que chaque jour qui passe, d’autres actions détruisent la nature vivante qui nous entoure, sans que cela nous atteigne. Pourquoi accorde-t-on plus d’importance aux tableaux des grands maîtres qu’au monde qu’ils représentent ? La démarche se défend, même si Van Gogh, Monet, Vermeer et les autres sont dans la même gang, la gang de ceux qui préservent la beauté. Ils sont nombreux, ceux qui méritent des tomates avant eux.

Cela dit, l’intention est louable : nous faire réagir. Objectif de plus en plus difficile à atteindre. Avant la pandémie, on sentait un mouvement citoyen fort pressant les dirigeants d’agir pour le bien de l’environnement. Depuis, on le sent moins. Beaucoup moins. Comme si le fait d’avoir échappé à une fin du monde nous avait vaccinés contre le fait de penser à une autre. On se croit invincibles. L’envie de ravoir du fun supplantant l’angoisse climatique.

Et puis, il y a ce malentendu à la base du combat environnemental. Sauver la planète, ce n’est pas vraiment ça. La planète va se sauver. Elle va se sauver de nous. C’est nous qui allons disparaître. La planète, elle était là quand elle était de glace, elle était là quand elle était de feu, et elle sera là quand elle le redeviendra. Le slogan, c’est Sauvez la race humaine ! Sauvez l’humanité ! Sauvez votre peau et celle de vos descendants !

En axant la sensibilisation sur le sort de la planète, on ne confronte pas notre sentiment de supériorité. Cette pensée qu’on a tous, dans le derrière de la tête : pauvre petite planète, si jamais elle pète, on ira voir ailleurs. L’univers est grand, on se trouvera bien un autre logement.

Rien n’est moins certain. Nous ne faisons pas qu’habiter la Terre, nous sommes la Terre. C’est elle qui nous a créés. Nous sommes une composante de cette planète. Notre vie dépend d’elle, comme celle d’un fœtus dépend de celle de sa mère. Pourquoi n’avons-nous pas croisé de petits bonhommes comme nous dans l’espace ? Parce que pour qu’existent des petits bonhommes comme nous, ça prend le mix de la Terre, son mélange d’éléments et ses séquences d’évolution. S’il y a de la vie, quelque part dans l’infini, elle a un autre aspect que le nôtre. Peu de chance qu’elle mange des sushis et qu’elle aille au gym.

Voilà pourquoi on s’illusionne, en pensant fuir l’apocalypse, à bord du vaisseau spatial Romano Fafard, à la recherche d’une autre planète habitable. Si on n’arrive pas à s’adapter aux changements climatiques de notre Terre natale, bonne chance avec les masses lointaines. Les exoplanètes les plus proches étant à quelques milliards d’années, va falloir encourager le covoiturage pour y arriver.

La conquête de l’espace, c’est important pour le rayonnement de la Terre, pour son expansion, pas pour son remplacement.

Un Terrien, sans la Terre, n’est rien. Ce n’est plus un Terrien.

Maintenant, la question est de savoir : qu’est-ce que ça va prendre pour que la lutte contre les changements climatiques devienne la priorité des humains, comme la pandémie le fut des gouvernements et des citoyens ? Pour l’instant, il fait beau en novembre, et personne ne s’en plaint.

Ce n’est pas en couvrant La Joconde de Caramilk qu’on va s’alarmer.

Alors quoi ?

Ça va être quoi, le déclic ?

La Terre a-t-elle réussi à créer un être capable de s’harmoniser avec elle ou devra-t-elle tout fondre, tout dissoudre, pour qu’émane une autre forme de vie plus brillante que la nôtre ?

Matière à penser, en ce week-end dans les 20 °C.