La nouvelle est passée un peu inaperçue au cœur d’une longue fin de semaine langoureuse d’automne. J’avais plus le cœur à faire du bouillon de poulet qu’à me déchirer la chemise.

Alors voilà, parlons du flic David Ross, de la police de Trois-Rivières, objet d’un article1 de Louis-Samuel Perron dans La Presse de samedi. Le titre : « Un ex-policier jaloux et contrôlant évite la prison ».

Je résume les faits : l’agent Ross a entraîné deux femmes dans l’enfer de la violence conjugale, les soumettant à ce qui a été décrit comme une « emprise totale ». Ces deux femmes ont vécu le même genre de traitement contrôlant aux mains de David Ross, à dix ans d’intervalle.

Extrait de l’article : « [Ross] frappait dans les murs, claquait des portes, se frappait les mains, se tirait les cheveux et serrait les bras de la victime. Quand la femme a réussi à le quitter, le policier s’est littéralement accroché à sa jambe pour la retenir. Il est même allé jusqu’à passer plusieurs fois devant la nouvelle maison de la victime, alors qu’il était en service… »

Le policier Ross a aussi utilisé la base de données de renseignement criminel québécoise (CRPQ) à des fins purement personnelles, en y cherchant illégalement des informations confidentielles pour en savoir plus sur quatre femmes, trois conjointes et la mère de l’une de celles-ci, notamment leurs adresses et leurs véhicules.

Dix ans après avoir terrorisé une première conjointe, l’agent Ross a récidivé avec une autre. L’article de La Presse, encore : « Pendant un évènement mondain, il l’a agrippée par le bras pour l’emmener voir quelqu’un. Un soir, il l’a poussée brusquement en se réveillant. Apeurée, elle l’a quitté le lendemain. Mais quand elle a tenté d’organiser en cachette son déménagement avec des amis, le policier est débarqué sur place. La victime était terrorisée. Après leur rupture, David Ross a continué d’appeler souvent la femme, et même la mère de celle-ci… »

David Ross a d’ailleurs plaidé coupable à deux chefs d’accusation de harcèlement criminel et à un chef d’accusation pour avoir utilisé des renseignements policiers à des fins personnelles.

Mais le juge André Perreault a refusé de condamner le policier Ross à 11 mois de prison, comme le réclamait la Couronne2. Il a choisi de croire que David Ross avait vu la lumière de la Rédemption (mon expression), grâce à une coach de vie et une thérapie. Probation de trois ans, pas de prison.

À cette étape de l’histoire, on peut penser que David Ross en serait rendu au stade de penser à son avenir professionnel hors de la police. Parce que bon, après avoir plaidé coupable à de telles accusations, il est assez clair qu’un type comme David Ross ne mérite pas de porter un badge de policier et le gun qui vient avec…

Mais c’est sans compter le dévouement absolument sans faille de l’Association des policiers de Trois-Rivières, mesdames et messieurs !

Voyez-vous, l’Association conteste par grief le congédiement du policier Ross, au motif que la Ville de Trois-Rivières a agi trop vite. L’Association considère que la municipalité aurait dû attendre la fin des procédures judiciaires avant de congédier l’agent.

Ce n’est pas pour ça que je grimpe dans les rideaux. Le principe est valable et se défend : virez le syndiqué quand le processus judiciaire est terminé. OK.

Mais le bogue, c’est que Serge Mailloux, président de l’Association des policiers de Trois-Rivières, a offert une défense dix étoiles à David Ross, en allant bien au-delà de la simple obligation-syndicale-de-défendre-un-membre.

Voyez-vous, le président Mailloux a sorti les mots qu’on réserve à la crème de la crème de la force constabulaire : David Ross, a-t-il dit au tribunal, a toujours été un policier « exemplaire » qui représentait dignement la garde d’honneur du Service de police de Trois-Rivières…

Et si le syndicat remporte son grief, Serge Mailloux a bon espoir de voir David Ross atterrir dans un poste de policier… communautaire !

M. Ross, lui, voudrait retrouver son poste d’enseignant… à l’École nationale de police. Non, je n’invente pas ça. David Ross, harceleur criminellement reconnu, veut enseigner aux futurs flics.

Le président Mailloux s’est même ému devant le Tribunal de ce que son pauvre membre ait dû changer de gym et d’épicerie pendant les procédures judiciaires : on le reconnaissait…

J’ai vérifié, chers lecteurs : nous ne sommes pas le 1er avril et ces déclarations ne sont pas des inventions désopilantes du site de nouvelles satiriques The Onion. Non, la seule blague, ici, c’est la mentalité syndicale policière dans toute sa splendeur.

Je sais que des leaders syndicaux vont m’écrire pour me dire oui-mais-le-syndicat-est-obligé-de-défendre-ses-membres, ce à quoi je vais répondre deux choses.

Un, on ne vous entend pas souvent décrier cette « obligation ». Vous devriez.

Deux, rien n’obligeait Serge Mailloux à défendre le camarade Ross avec un tel enthousiasme, avec un tel choix de mots, rien ne l’obligeait à asperger des litres d’essence de lilas sur David Ross pour tenter de lui refaire une virginité…

Me semble que les faits reconnus par le policier Ross auraient dû tempérer le choix des mots par l’Association.

Sauf que non.

Sauf que so-so-so…

La police a fort mauvaise presse et cette mauvaise presse, je l’ai déjà écrit, est souvent injuste. Policier, c’est un métier difficile, difficile à faire et facile à juger.

Mais des présidents de syndicat policier qui défendent avec enthousiasme l’indéfendable, ça fait partie des raisons qui mettent à mal l’image de la police.

1. Lisez l’article de Louis-Samuel Perron sur le site La Presse 2. Lisez l’article de Jonathan Roberge sur le site de Radio-Canada