Le maire Luis Miranda règne sur Anjou comme des souverains règnent sur leur royaume. Depuis 25 ans, il est maire de cette banlieue dans la ville, dans l’est de Montréal.

La vie étant ce qu’elle est, il y a à Anjou des problèmes d’incivilité, comme… partout ailleurs. Des petits tatas défient les règles et abîment du mobilier urbain, comme c’est le cas dans les parcs… depuis toujours.

Fin août, Anjou a interdit le soccer libre sur les terrains synthétiques des parcs Goncourt, Lucie-Bruneau et Roger-Rousseau, pour rétablir l’ordre.

Il semble que des jeunes aient roulé sur les terrains de soccer à surface synthétique à vélo et à trottinette, ce qui endommage ladite surface. Et des surveillants ont été invectivés quand ils sont intervenus. Bref, des petits bums.

Le maire Luis Miranda se serait même fait personnellement envoyer promener par lesdits petits bums. Furibond, le premier magistrat n’a fait ni une ni deux, il a fermé lesdits terrains pour les plages de soccer libre…

Réaction de jeunes joueurs de soccer d’Anjou : pis nous autres ? Nous qui n’avons rien fait ? On nous punit pour les dérapages de quelques petits cons ?

Un des jeunes s’estimant injustement lésés a fait ce qu’un citoyen peut faire : il s’est présenté au conseil municipal pour demander au maire Miranda de réviser ses positions et de faire la part des choses. Son nom : Hocine Ouendi.

J’ai visionné la séquence vidéo du conseil municipal du 4 octobre. Le jeune Ouendi est tout ce qu’il y a de plus poli. Il interpelle le maire calmement, lors de la période de questions, lui demande de revenir sur sa décision…

Hocine Ouendi a 15 ans. Dans l’échange, Hocine Ouendi est posé et respectueux. Devinez qui a l’air d’un ado colérique qui vient de se faire dire qu’il n’a pas le droit de jouer avec sa PS4 parce qu’il n’a pas fait ses devoirs de maths ? Eh oui, Luis Miranda, 67 ans.

L’œil mauvais, le maire interrompt le jeune Ouendi à répétition, le tance constamment, se plaint du comportement des jeunes, il rouspète, interrompt encore l’adolescent, avant de faire le récit de façon haletante du moment où lui, le maire, est intervenu auprès des jeunes et comment, mesdames et messieurs, on lui a manqué de respect !

Et il y a même la danse en ligne des vieux qui a été perturbée par ces jeunes, imaginez-vous donc !

Pas mêlant : le maire Miranda engueule le jeune Ouendi comme s’il avait devant lui tout le terrifiant gang du parc Goncourt.

À un moment donné, le maire interrompt sa tirade et reconnaît même être « agressif » avec le jeune Ouendi. Mais attention : il a une bonne raison ! Lui, le maire, aurait été traité de manière « agressive » dans l’en-tête d’une pétition le visant ! Pétition dont il soupçonne à voix haute le jeune Ouendi d’être un des signataires…

Bref, le maire Miranda a l’air hystérique.

Fait cocasse, le maire pensait par ailleurs que Hocine Ouendi était un adulte. Or, Hocine Ouendi a 15 ans. Quand il découvre cela, le maire s’emporte encore : « avoir su, je ne vous aurais pas répondu ! » Il apostrophe alors la mère de l’ado, toujours aussi cassant : « j’aurais même pas dû lui parler ! »

L’ado a pourtant le droit de poser des questions et il en posait posément une légitime : n’êtes-vous pas en train de punir une majorité de jeunes qui ne causent pas de trouble en agissant contre une minorité de fauteurs de trouble ?

Réponse du maire, excédé : le dossier est clos !

Je ne dis pas que le maire Miranda a tort sur le fond des choses, sur les incivilités. Je ne suis pas spécialiste de la sécurité publique angevine. Peut-être que ces petits bums en trottinettes sont aussi terrifiants que les Hells Angels et qu’il fallait, en effet, fermer les terrains de soccer pour rétablir la loi et l’ordre dans cette ville où « il fait bon vivre et grandir », selon les mots du maire Miranda dans une épître à ses citoyens⁠1…

Je dis qu’un maire qui perd les pédales avec un jeune venu poliment et légitimement lui poser des questions pertinentes au conseil municipal est un furoncle sur un certain idéal démocratique. On veut que des kids de 15 ans viennent talonner des élus, de façon posée et respectueuse. Mais le maire Miranda le dit : à 15 ans, un adolescent ne devrait pas interpeller un maire…

Après 25 ans comme maire, peut-être qu’un moignon de pouvoir, comme celui de fermer des terrains de soccer, ça peut monter à la tête d’un homme, allez savoir…

Je dis aussi, Monsieur le Maire, qu’il faudrait que vous répondiez à une question, question que vous avez vous-même posée à la mère du jeune Ouendi…

Vous avez dit ne pas avoir « ce problème-là » avec le baseball, avec la piscine, avec le tennis ou avec le hockey, vous avez insisté : sur ces plateaux sportifs, les gens ont du respect…

Puis, après avoir bizarrement intimé à la mère « d’éduquer vos jeunes » (le sien semble diablement bien éduqué) : « Pourquoi j’ai ce problème-là seulement qu’au soccer ? Posez-vous la question. Se poser la question, c’est y répondre… »

Pourriez-vous nous éclairer, Monsieur le Maire ?

Quelle est la réponse qui vous semble si évidente : pourquoi ces « problèmes » ne surviennent qu’au soccer ?

Consultez l’infolettre du 8 septembre du maire Luis Miranda