Il y a une raison pour laquelle l’éducation n’est pas au cœur de la campagne électorale : les partis sont souvent d’accord. Sur le court terme, du moins.

Leurs objectifs immédiats se ressemblent : embaucher des enseignants et du personnel spécialisé, rénover les écoles et en construire d’autres.

Le différend porte sur les moyens. Les engagements sont plutôt techniques. Une accumulation de petites mesures. Pas de quoi alimenter les jasettes de machine à café.

Certes, sur l’égalité des chances, de profonds désaccords demeurent – j’y reviendrai dimanche. Mais il s’agit de vastes réformes dont l’application prendrait du temps.

En attendant, il y a urgence d’éteindre le feu.

Permettez-moi d’ajuster ma typographie à des fins didactiques : PLUS DE 40 % DES PROFS PRENDRAIENT LEUR RETRAITE D’ICI 2030 ET LE NOMBRE D’ÉLÈVES VA AUGMENTER D’ICI LÀ. PRÈS DE 20 % DES NOUVEAUX ENSEIGNANTS QUITTERAIENT LA PROFESSION DANS LEURS CINQ PREMIÈRES ANNÉES DE MÉTIER.

Sans oublier que MÊME SI LE NOMBRE D’INSCRIPTIONS À L’UNIVERSITÉ EN ENSEIGNEMENT A AUGMENTÉ DE 9 % SOUS LE GOUVERNEMENT CAQUISTE, CELA NE COMPENSE PAS LA CHUTE OBSERVÉE ENTRE 1996 ET 2018 (– 40 % AU SECONDAIRE ET – 15 % AU PRIMAIRE).

Voilà, j’espère que tout le monde comprend l’urgence.

Que proposent les partis ?

Pour attirer plus de profs, le gouvernement caquiste a déjà haussé le salaire en moyenne de 15 %. Il a approuvé quatre programmes de formation accélérée malgré les réserves de certains experts. Et la campagne de recrutement « Répondez présent » a été lancée.

Les caquistes promettent d’ajouter 2000 ressources en soutien à la réussite et de rapatrier 700 retraités dans le réseau grâce à des mesures incitatives financières. Ils engageraient aussi des « aides à la classe » dans 100 écoles primaires, comme des techniciens en éducation spécialisée et en services de garde.

Reste qu’il faut se méfier des cibles. Avec la pénurie de main-d’œuvre, ce n’est pas parce qu’on annonce des embauches qu’elles se feront.

Les libéraux misent sur des mesures fiscales pour ramener des profs retraités en classe ou inciter les plus vieux à prolonger leur carrière : congé de cotisation au régime des rentes à partir de 62 ans et exemption d’impôt pour les revenus entre 16 143 et 30 000 $. Comme les caquistes, ils veulent autoriser les maîtrises qualifiantes et hausser le personnel spécialisé en classe.

Les solidaires et les péquistes obligeraient quant à eux les centres de services scolaires à embaucher le personnel requis afin d’assurer un seuil minimal d’aide aux élèves et interdiraient les compressions budgétaires dans le réseau.

Le gouvernement caquiste avait essayé de réduire la paperasse imposée aux intervenants. Les solidaires voudraient aller plus loin en ce sens.

Les péquistes créeraient des classes moins nombreuses et assureraient un « ratio équitable » aux services d’aide pour les élèves en difficulté d’adaptation et d’apprentissage. Cela risquerait toutefois d’aggraver la pénurie d’enseignants.

Les promesses des partis se résument à deux idées : améliorer les conditions de travail et ouvrir plus de postes.

Pour les rénovations d’école, les caquistes, libéraux, péquistes et solidaires promettent d’accélérer la cadence. Ils ne prévoient pas tous la même somme. Dans le passé, les gouvernements peinaient toutefois à investir les sommes prévues. Je n’ose donc pas affirmer qu’un parti est meilleur qu’un autre à cet égard.

La grande différence, c’est que la Coalition avenir Québec s’en remet à des détecteurs de CO2 pour mesurer la qualité de l’air. Les autres veulent des purificateurs pour l’améliorer.

Et le Parti conservateur ? Sa plateforme ne parle pas de la pénurie.

Je reviens aux chiffres mentionnés en début de chronique. Ce sont malheureusement des « estimations rudimentaires », m’a dit Geneviève Sirois, professeure de l’Université TELUQ et chercheuse au Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante.

« Le ministère de l’Éducation manque de données, et c’est justement le problème », déplore-t-elle.

En fait, on évalue que le taux de profs qui quittent le métier dans les cinq premières années se situerait entre 15 % et 40 %. « Comment voulez-vous planifier le recrutement de ressources humaines si on n’a pas une idée claire du nombre de départs ? »

Autre exemple : les enseignants non qualifiés. Ils ont augmenté depuis le début de la pandémie. Mais de combien ? Impossible de le savoir. Le Ministère ne veut plus dévoiler ces données. Ce qui lui évite de devoir rendre des comptes…

On touche au cœur du problème.

Au-delà des promesses, ce qui comptera tout autant, c’est la personnalité du ou de la prochaine ministre de l’Éducation. Il faut une personne qui n’essaie pas d’embellir le portrait de crainte d’être critiquée. Quelqu’un qui forcerait les lobbys à travailler en équipe. Une personnalité rassembleuse capable d’identifier les solutions validées par les experts. Toutes les petites mesures qui, rapiécées ensemble, feraient une grosse différence.

Par exemple, inciter les universités à former les enseignants non légalement qualifiés. Vérifier s’il serait possible d’intégrer les étudiants plus rapidement dans les classes avant la fin de leur formation. Tenir tête à la bureaucratie qui exige trop de redditions de comptes. Et ainsi de suite.

Et au sommet de la pyramide, il faudrait que le gouvernement soit dirigé par une personne qui se poserait les grandes questions sur ce que devient notre système d’éducation. Sur ce qu’il reste de l’égalité des chances. Ce sera le sujet de ma prochaine chronique.

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