La campagne électorale n’est pas officiellement commencée, mais elle se dirige déjà vers un record.

Il n’y aura jamais eu autant de femmes candidates. Et tout indique qu’un nombre sans précédent de femmes siègeront comme députées.

J’ai croisé les listes de candidatures avec les sondages et les projections de sièges du site Qc125⁠1. Il en ressort que les femmes ne sont plus affectées à des circonscriptions perdues d’avance. C’est particulièrement vrai pour Québec solidaire (QS) et la Coalition avenir Québec (CAQ).

De nombreuses politiciennes et organisatrices électorales m’ont déjà raconté la même chose : il serait plus difficile de convaincre une femme de se lancer en politique. Agir en amont est donc crucial. Plus il y aura de candidates, plus il devrait y avoir de députées et de ministres.

Le portrait s’améliore.

Proportion de candidates et d'élues aux élections provinciales

  • 2003 : 27,0 % / 30,4 %
  • 2007 : 31,0 % / 25,6 %
  • 2008 : 31,0 % / 29,6 %
  • 2012 : 28,5 % / 32,8 %
  • 2014 : 29,6 % / 27,2 %
  • 2018 : 39,9 % / 42,4 %

Le pourcentage pour 2022 n’est pas encore connu, car les partis n’ont pas fini d’annoncer leurs candidatures. Mais tout indique qu’on s’approche enfin de la parité.

La CAQ a déjà présenté 65 femmes sur 116 candidats (56 %). C’est plus qu’en 2018 (52 %). Et puisque son recrutement est presque terminé, ce taux fluctuera peu.

Même chose pour QS, où presque toutes les candidatures sont connues. À la dernière élection, le parti de gauche menait la marche avec 53 % de femmes. Cette année, le taux est de 54 %.

Les libéraux et péquistes ont plus de peine. Ils présentent respectivement 39 % et 41 % de femmes. Ce taux est toutefois à interpréter avec prudence, car il leur reste chacun plus de 50 circonscriptions où leur porte-couleur n’est pas encore annoncé. Cela peut être une stratégie pour que de possibles vedettes soient dévoilées au début de la campagne. Mais cela semble aussi — voire surtout – montrer leur difficulté à attirer de gros noms.

Le Parti conservateur ferme la marche, avec seulement un tiers de femmes au sein de son équipe.

Le pourcentage de candidates est un indicateur imprécis. Il est plus utile de vérifier le taux de femmes parmi les gens ayant une chance raisonnable d’être élus. Là encore, ça s’améliore. Même si la parité n’est pas gagnée, on s’en approche plus que jamais.

Commençons par la CAQ.

D’abord, avec les récentes annonces dans les circonscriptions qu’elle détient.

Dans 11 circonscriptions, le député ne sollicite pas un nouveau mandat. Le bilan du recrutement pour les remplacer : 10 femmes et 1 homme. Soit un ajout net de deux femmes par rapport à 2018.

Ensuite, examinons les circonscriptions que la CAQ a une chance de ravir à ses adversaires. J’en ai identifié 24 où c’est possible, sans être forcément probable. C’est là que la CAQ mise le plus sur ses recrues féminines. Pas moins de 66 % des candidats de ces circonscriptions « prenables » sont des femmes.

Maintenant, Québec solidaire. Dans les circonscriptions que le parti détient, il présentera quatre femmes et six hommes. À en juger par les sondages et les déplacements de son co-porte-parole, QS ciblera aussi un nombre limité de circonscriptions où il espère pouvoir faire des gains. J’en vois six en particulier : Maurice-Richard, Saint-Henri–Sainte-Anne, Verdun, Saint-François, Ungava et Rimouski, et les femmes y sont deux fois plus nombreuses que les hommes.

Quant aux libéraux, c’est difficile à évaluer. Le parti subit un changement de garde. Pas moins de 9 de ses 29 députés élus en 2018 quittent la politique. Cela laisse des châteaux forts orphelins. Il y a six circonscriptions rouges où une annonce est encore attendue. Pour l’instant, en matière de candidatures féminines, les libéraux sont derrière les autres partis reconnus à l’Assemblée.

Le Parti québécois éprouve un défi semblable. Parmi ses dix députés élus aux dernières élections, seuls trois se présenteront de nouveau. Cette vague de départs n’a pas permis de s’approcher de la parité. Dans ces dix circonscriptions, il n’y aura que trois candidates cet automne.

Quant au Parti conservateur, j’ai identifié quatre endroits où il a une certaine chance de gagner (Chauveau, Beauce-Nord, Beauce-Sud et Chutes-de-la-Chaudières). Il y présente quatre hommes.

Comment se compare le Québec ? Il est mieux que le Canada et bon élève sur la scène internationale, sans non plus être un leader.

Proportion de candidates aux élections fédérales

  • 2006 : 20,8 %
  • 2008 : 22,4 %
  • 2011 : 24,7 %
  • 2015 : 26,0 %
  • 2019 : 29,0 %
  • 2021 : 30,5 %

Le Canada se classe ainsi au 60e rang mondial du palmarès de l’Union parlementaire⁠2. Si le Québec était un pays, il serait 18e, derrière la Suède, la Finlande, la Norvège, l’Argentine et la Namibie.

Cela dit, ce qui compte ultimement, c’est le pouvoir. Au Québec, le cercle de ministres influents se compose essentiellement d’hommes ayant côtoyé François Legault dans le milieu des affaires, comme Pierre Fitzgibbon et Christian Dubé.

La dernière marche, celle qui mène au sommet, est la plus haute. Mais cet automne, l’ascension continuera, en route vers la parité. Ce n’est pas un exploit héroïque. On s’approche lentement d’une autre chose : la normalité.

1. Consultez les projections de Qc125 2. Consultez le palmarès de l’Union parlementaire