Si 80 % des Canadiens recommençaient à porter le masque à l’intérieur, cela réduirait des deux tiers le nombre d’hospitalisations et de morts liées à la COVID-19.

C’est ce qu’a calculé la chercheuse Tara Moriarty, de l’Université de Toronto.

Sachant qu’une mesure aussi simple a le pouvoir de sauver des vies et d’éviter de surcharger des soignants à bout de souffle, on peine à comprendre, au Québec comme ailleurs, la stratégie mollassonne des autorités de santé publique en pleine septième vague.

Interrogé la semaine dernière sur la pertinence de recommander formellement le port du masque dans les rassemblements festifs, le directeur national de santé publique, le DLuc Boileau, soulignait que cela était de mise principalement pour les gens à risque. Pour ce qui est des autres, qui peuvent pourtant transmettre le virus même en étant asymptomatiques, le message demeure timide. S’ils « veulent avoir la gentillesse de le porter pour éviter de transmettre ça, ce n’est pas une mauvaise idée ».

Si la protection de la santé des autres était une question de gentillesse, on n’aurait pas interdit la cigarette à l’intérieur des lieux publics.

On aurait juste dit aux gens que ce serait gentil de ne pas fumer, sans tenir compte des impacts néfastes d’un tel laisser-aller sur la santé des non-fumeurs.

On peut faire un parallèle avec la COVID-19, qui se propage principalement dans l’air par voie d’aérosols infectieux. Ces aérosols se déplacent comme de la fumée de cigarette. Ils peuvent rester en suspension dans l’air pendant quelques heures et infecter toute personne à proximité, même si elle se trouve à plus de deux mètres. Les risques sont plus élevés dans un espace fermé et mal ventilé ou une foule compacte. Dans de tels cas, gel antiseptique ou pas, ça ne change pas grand-chose. Ce serait plus important encore de faire ce que la majorité des gens ont cessé de faire : porter un masque.

Si 80 % de la population recommençait à porter le masque à l’intérieur, cela réduirait des deux tiers le nombre d’hospitalisations et de morts liées à la COVID-19, disais-je.

Ces projections ont attiré l’attention du DAlain Vadeboncœur 1. Au Québec, ça voudrait dire qu’au lieu de 2000 personnes hospitalisées (avec ou pour la COVID), on aurait pu se limiter à 600 et avoir 1400 lits de plus pour soigner d’autres patients. Ce n’est pas rien !

En réfléchissant avec d’autres internautes à des voies de passage pour aborder la pandémie de façon plus proactive, le DVadeboncœur a proposé un plan intéressant dont l’acronyme est VIVRE.

V pour vacciner.

I pour informer clairement.

V pour ventiler.

R pour relaxer quand ça va bien.

E pour encourager le masque à l’intérieur lorsque les cas sont à la hausse.

Qu’en a pensé la Santé publique ? Pas grand-chose.

« Il semble y avoir une mauvaise compréhension qui suggérerait que la Santé publique ne recommande plus le port du masque. C’est faux », m’a répondu par courriel une porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux.

« La Santé publique n’a jamais cessé de recommander le port du masque, plus particulièrement lorsque la distance avec les autres ne peut être observée et pour les personnes vulnérables. […] Nous croyons que les gens sensibilisés et informés sont en mesure de faire les bons choix pour leur santé et celle des autres. »

Je le crois aussi. Mais c’est bien là le problème, souligne la Dre Amélie Boisclair, intensiviste à l’hôpital Pierre-Le Gardeur, qui a applaudi la proposition du DVadeboncœur. « Le message de la Santé publique ne passe pas. »

Tout se passe comme si nous étions restés en 2020, à l’époque où on pensait que le lavage des mains était une mesure plus importante que le port du masque.

On dit aux gens de gérer individuellement leur risque sans leur en expliquer la teneur. « On présente le masque comme étant surtout pour les plus vulnérables – alors que souvent, les gens ne savent même pas s’ils le sont ou pas. »

Ce n’est pas exactement un consentement libre et éclairé. « Une vraie gestion du risque, il faut comprendre son risque individuel et collectif. Quel est le risque de laisser courir le virus à moyen et à long terme ? »

Tout cela entraîne une gestion de pensée magique dont les plus vulnérables et les travailleurs de la santé épuisés paient le prix. Sans compter tous les dommages collatéraux qui demeurent invisibles dans les statistiques quotidiennes. Les gens qui ne peuvent plus retourner au travail après une COVID longue. Ceux qui ont eu des complications à la suite de la COVID, comme un AVC ou une embolie pulmonaire. Le stress financier. L’isolement. L’impact sur les jeunes dans des classes mal ventilées. Les gens qui souffrent seuls à la maison, dont la santé se détériore, dont les tests médicaux importants et les opérations sont reportés.

« On regarde une branche. Mais on ne voit jamais la forêt », déplore la Dre Boisclair.

Disons qu’on n’est pas sortis du bois.

1. Lisez la chronique du DVadeboncœur