L’appellation de « candidat vedette » n’est pas contrôlée.

Elle est subjective et, avec le temps, elle rétrécit. Elle est venue à signifier : une personne qui passe à la télé.

Ce n’est pas une coïncidence.

La politique est une affaire de communications, et l’information en continu est une bête qui a constamment besoin d’être nourrie. Mais il y a plus. Le pouvoir se concentre au bureau du premier ministre. C’est vrai tant à Ottawa qu’à Québec, et ce, chez tous les partis.

Le candidat idéal est celui qui sait relayer le message.

Les gens au pouvoir n’avoueront pas que leur influence est proportionnelle à la longueur de la corde qui les sépare du grand patron. Les retraités sont toutefois plus loquaces.

« Le gouvernement est en train de détruire la fonction publique », s’inquiétait la semaine dernière Paul Tellier, ex-greffier du Conseil privé — le sous-ministre du chef de gouvernement1. Tout se décide au sommet de la pyramide, déplore-t-il. Selon lui, les hauts fonctionnaires peinent à faire valoir leur expertise.

Ce constat pourrait être repris pour les ministres.

Cela explique en partie pourquoi des candidats comme Bernard Drainville et Caroline St-Hilaire sont tant convoités. Ils connaissent les pièges médiatiques.

Mais il y a un effet pervers à réserver l’étiquette de « vedette » aux gens déjà connus. On parle moins des autres candidats qui ont acquis un bagage utile à l’ombre des projecteurs.

Par exemple, il y a quelques jours, la CAQ a recruté Sonia Bélanger, présidente-directrice générale du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. Son annonce a suscité un modeste intérêt, pendant quelques heures au mieux.

Malgré leurs résultats décevants dans les sondages, les libéraux, péquistes et solidaires ont eux aussi attiré des candidats qui sont prêts à suspendre une carrière enviable.

En officialisant sa candidature mardi, Bernard Drainville a expliqué que les Québécois tournaient le dos à l’indépendance. Reste qu’en se ralliant aux fédéralistes nationalistes de la CAQ, il contribue au problème qu’il dit constater.

D’autres, comme Alexis Deschênes, ex-journaliste chevronné devenu avocat, font le raisonnement contraire. Puisque l’indépendantisme chancelle, ce dernier veut mettre son talent à le relancer en se présentant pour le PQ dans Bonaventure.

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Alexis Deschênes, candidat à l’investiture du Parti québécois dans Bonaventure

Les principes l’intéressent plus que le pouvoir. Il sera épaulé par l’avocat Stéphane Handfield, qui tente de nouveau sa chance dans Masson. Après avoir travaillé à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, il a notamment défendu des clients comme Dany Villanueva et Carles Puigdemont.

Il pourra contredire ceux qui accusent le PQ de manquer d’ouverture aux immigrants. Autre prise de choix : Pierre Nantel, qui a laissé un emploi dans les médias de Québecor pour tenter sa chance avec un autre parti.

Parmi les prises libérales : Fred Beauchemin (Marguerite-Bourgeoys), directeur général et chef des marchés des capitaux à la Banque Scotia ; André A. Morin (Acadie), procureur fédéral en chef du Service des poursuites pénales du Canada pour la région du Québec ; Désirée McGraw (Notre-Dame-de-Grâce), rectrice du Collège Pearson et l’une des 100 femmes les plus influentes du Canada selon le Financial Post.

À cette liste s’ajoute un spécimen plutôt rare chez les libéraux : un comédien, ex-moitié de Crampe en masse, Mathieu Gratton (Laporte).

Certes, cela n’égale pas la cuvée de 2014, alors que Philippe Couillard avait notamment présenté le réputé prévisionniste Carlos Leitão et l’économiste de la Banque du Canada Martin Coiteux, qui était rompu à la joute médiatique. Mais étant donné l’impopularité des libéraux, c’était difficile de faire mieux.

Si les libéraux puisent surtout dans leur habituel bassin idéologique, les solidaires essaient de changer de visage.

Ils mettront sur leurs poteaux des médecins (Mélissa Généreux et Isabelle Leblanc), un représentant des régions (Philippe Pagé, maire de Saint-Camille et directeur général de la Fédération de la relève agricole), un avocat spécialisé en immigration (Guillaume Cliche-Rivard), un professeur d’économie à l’Université du Québec en Outaouais (Mathieu Perron-Dufour) et, enfin, une militante pour porter la voix des Premières Nations et des Inuits qui peuplent Ungava (Maïtée Labrecque-Saganash).

Il est difficile de savoir qui fera un bon député ou ministre. D’anciennes recrues dites « vedettes » ont souvent déçu. La liste est longue… Au fédéral, pensons seulement au règne brinquebalant de Michael Ignatieff, philosophe vedette qui s’est effondré en campagne électorale.

Inversement, des candidats méconnus au CV modeste finissent par se révéler. À leurs débuts, les péquistes Véronique Hivon et Sylvain Gaudreault n’étaient pas des vedettes. Mais avec le temps, ils se sont avérés des parlementaires d’exception. On pourrait dire la même chose aujourd’hui de la libérale Marwah Rizqy.

La politique est un métier à part, et il est difficile de savoir qui y excellera. Il faudrait donc s’intéresser davantage à ceux qui ne sont pas encore des vedettes. Car tous peuvent surprendre, pour le meilleur et pour le pire.

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