En fin de semaine, j’ai un peu décroché pour cause de reprise de mon party de fête remis pour cause de recrudescence de la pandémie, en janvier. Je me suis tenu loin de l’actualité et j’ai bu un peu plus d’alcool qu’à l’habitude.

Dimanche, en rattrapant l’actualité, je me suis demandé si un petit comique n’avait pas glissé du crystal meth dans mon gin tonic, en fin de semaine…

Car j’ai lu qu’en congrès, la CAQ a attrapé la Fierté Nationale par les épaules et lui a fait une longue et langoureuse étreinte. Je cite Le Soleil : « Congrès de la CAQ : le thème de la fierté chasse tous les autres ».

On a même ressorti lord Durham des boules à mythes (sic, mais c’est voulu) pour marquer le coup. Personnellement, je ne remonte jamais plus loin que Mordecai.

On vit une pénurie de main-d’œuvre qui pousse des commerces à embaucher des enfants de 11 ans, on subit une pénurie de logements locatifs qui fait mal aux individus et aux familles dans à peu près toutes les régions du Québec, l’inflation donne la nausée, on manque d’ambulanciers, de familles d’accueil pour la DPJ, d’infirmières, de pédopsychiatres pour des enfants de plus en plus nombreux à vouloir se crisser en bas d’un pont, ça se tire dans les rues de Montréal (et de Laval), des familles s’arrachent les cheveux à chercher des places en garderie, un adulte sur deux souffre d’une forme ou d’une autre d’analphabétisme, des municipalités québécoises commencent à manquer d’eau, on a deux ans d’attente pour certaines interventions chirurgicales, pis la CAQ…

Pis la CAQ est fière d’être Fière ?

C’est ça, le grand thème de son congrès à quelques mois des élections ?

Ark.

Bien sûr que je suis fier d’être Québécois. Fier de ce qu’on est, et même de ce qu’on n’est pas. Pas trop cons collectivement, pas trop portés sur la guerre civile, pas trop rétrogrades, généralement dans le « vivre et laisser vivre » : notre petit morceau de continent est chanceux d’être un havre de paix et de sérénité, quand on se compare, on se console… 

Des fois, j’ai utilisé mes tribunes pour défendre la Nation (j’utilise le N majuscule avec une dérision ostentatoire) et je l’ai fait, dans l’honneur et l’enthousiasme, par exemple ici1, ici2, ici3 et ici4 – parfois même en anglais, pour être bien certain d’être compris dans la langue de Mordecai.

Je cite donc La Presse Canadienne à propos du congrès de la CAQ : « Toute la journée, samedi, le mot ‟fierté” était sur toutes les lèvres, répété à toutes les sauces, martelé sur la scène, dans les corridors et dans les points de presse et interventions des ministres du gouvernement Legault… »

Hein, quoi ? Tous les ministres du gouvernement Legault ont martelé le thème de la fierté comme s’ils étaient des robots interchangeables ? Comme les ministres péquistes et libéraux avant eux, quand ils étaient au pouvoir…

C’est pas un programme, la fierté. C’est pas une politique publique, la fierté. Même avec un F majuscule.

À saupoudrer la fierté partout, François Legault me fait penser à ces néo-gastronomes qui viennent de découvrir la coriandre et qui en sacrent partout, même dans leurs Corn Flakes.

C’est de l’esbroufe, te dire « fier » à toutes les sauces. Comment tu mesures ça, la fierté ? Et comment tu mesures ça, la fierté « retrouvée » ?

Ça ne se mesure pas… 

À moins d’inventer un paramètre, disons comme celui du nombre de ponts par million d’habitants.

Le gouvernement Legault veut faire de la prochaine élection une élection sur l’immigration, sur le contrôle de l’immigration. Fort bien. Le PM veut un « mandat fort » pour affronter Ottawa là-dessus. On contrôle déjà une grande partie de notre immigration, mais oui, forçons une bonne vieille chicane avec le fédéral pour le contrôle du bout qui nous échappe… 

Sans définir les paramètres du succès de l’affrontement.

Je dois le dire, y a des militants caquistes qui ont cependant eu un sacré beau flash, pendant le congrès (ils peuvent être fiers de ce flash) : ils ont interpellé le gouvernement pour qu’il organise un référendum sur la question… 

Pas fou : si la survie de la Nation (les mots du PM) dépend du contrôle de l’immigration à 100 %, pourquoi ne pas aller chercher une légitimité en béton avec un référendum sur la question ?

Réponse de la députée caquiste qui avait fort bien appris ses lignes : non, non, on va laisser les ministres porter ces dossiers-là…

LOL.

Je ris, car même si le PM va chercher 100 députés en octobre, François Legault va devoir s’étouffer avec sa coriandre si Ottawa ne veut pas discuter d’immigration. Organiser un référendum sur la question, par contre : voilà qui irait au-delà du slogan politique, voilà qui nous ferait tomber dans le fond des choses… 

Le PM est plus à l’aise dans les slogans.

1. Lisez la chronique « “The Globe”, reporting from Mars ! » 2. Lisez la chronique « Le pet de cerveau de Mr Potter » 3. Lisez la chronique « Quebeckers aren’t thin-skinned; they just don’t tolerate falsehoods », sur le site du Globe and Mail (en anglais) 4. Lisez la chronique « GUYS, REMEMBER PASTAGATE ? !  » (en anglais et en français)