Le 23 octobre 2019, au Gala de l’industrie, l’ADISQ rend hommage à la pionnière des attachées de presse, Francine Chaloult. Durant une vidéo, projetée sur l’écran géant, de nombreuses étoiles apparaissent : Yvon Deschamps, Judi Richards, Jean-Pierre Ferland, Bruno Pelletier, Roch Voisine, Garou…

Dans leur description de celle à qui on rend hommage, un mot revient toujours : amour.

Ginette Reno : « Pour moi, Francine Chaloult, c’est du cœur, c’est de la dévotion, c’est de l’émerveillement. »

Josélito Michaud : « L’honnêteté, l’authenticité, la vibration. »

André-Philippe Gagnon : « C’est un beau soleil ! »

Isabelle Boulay : « Francine, c’est la tendresse. »

Murielle Blondeau, sa complice de toujours : « C’est le charme, c’est la générosité et l’efficacité dans tout ce qu’elle entreprend. »

Florence K. : « C’est la reine mère. »

On vante sa force, son énergie, cette volonté à laquelle personne ne peut résister.

Je regarde Francine regarder les témoignages. Les yeux grands, le sourire immense, le visage radieux. Et dans mon âme, je suis content, et dans ma tête, je me dis, il était temps. Plus que temps. Francine est atteinte de la maladie d’Alzheimer, cette souffrance qui efface de notre mémoire, les lignes de notre histoire. Pour le moment, elle en est à un stade où elle peut encore apprécier le doux souvenir des lumières de son passé.

C’est au tour de Céline : « Merci pour tout ce que tu as fait pour moi… Je t’aime. »

La foule est debout. C’est l’ovation. Francine est en larmes, depuis longtemps. Elle salue les gens. Sa grande copine, Anne-Marie Dussault, vient la serrer dans ses bras, pendant que retentit, dans la salle, Une chance qu’on s’a.

Une heure plus tard, on se retrouve, quelques amis, au restaurant Leméac, en compagnie de Francine et de deux de ses filles, Dominique et Rafaële.

Des fêtes d’après-show, Francine Chaloult en a organisé, plus que quiconque, pour les plus grandes stars du show-business québécois. Et lors de ces occasions, pour être certain de passer la plus belle des fins de soirée, il suffisait de s’asseoir à ses côtés. Dans l’art de la conversation, Francine, c’est Léonard de Vinci.

Ce soir, c’est plus intime, et c’est tant mieux. On a tous la chance d’être proches d’elle. Dominique lui tend une tablette, sur laquelle la vidéo hommage a été téléchargée. Elle pourra la revoir à volonté.

PHOTO CAMILLE LAPORTE

Francine Chaloult et sa fille Dominique

Francine s’empresse de peser sur play. Et elle s’extasie encore, en voyant Yvon, Jean-Pierre, Gilles, Ginette, Isabelle et tous les autres. À la fin, elle demande, qui sont les responsables de cette vidéo ? C’est la relationniste Elisabeth Roy et l’imprésario Mario Lefebvre, les maîtres d’œuvre de ce touchant document. Je le lui dis. Elle sourit.

Pendant que l’on échange nos millions d’anecdotes à propos de la célébrée, Francine ne peut s’empêcher de regarder, de nouveau, la vidéo.

Elle donne un coup de coude à Rafaële : « As-tu vu, c’est Vigneault ! ? Vigneault est là ! Pis lui, c’est Roch ! » Et à la fin, elle me demande :

« Mais c’est qui qui a fait ça !?

— C’est Elisabeth Roy et Mario Lefebvre, pour l’ADISQ. »

Elle sourit. Josélito lui dit à quel point elle a l’air bien, à quel point elle est belle. Francine lui envoie un baiser.

On est rendus au dessert, Francine reprend sa tablette et regarde, une fois de plus, l’hommage. Comme si c’était la première fois. C’est la première fois. Je la regarde, surprise de voir André-Philippe, Florence, Bruno : « C’est Céline ! Ma Céline ! Saviez-vous qu’elle était là ? »

Elle m’interpelle, les yeux grands, remplis de reconnaissance : « Mais c’est qui qui a fait ça ! ? » Je lui réponds, comme si c’était la première fois : « C’est Elisabeth Roy et Mario Lefebvre, avec l’ADISQ. » Elle sourit. Mon cœur se serre.

Francine Chaloult, pour moi, c’est l’incarnation de la vivacité d’esprit. Chacune de nos rencontres est un match de ping-pong de réflexions, d’opinions et de punchs, à décontenancer l’adversaire bien aimé, qu’elle ne cesse de remporter.

Et voilà que je constate que cet esprit si pétillant est atteint. Qu’un mal est entré dans son identité, dans ce qui fait qu’elle est ce qu’elle est. Pour l’instant, il n’a ravagé que sa mémoire récente, mais viendra un temps où il aura détruit son univers au complet.

Francine me demande à nouveau à qui elle doit sa vidéo, et je lui réponds à nouveau, Elisabeth et Mario. Elle sourit. Je souris. L’important, ce n’est pas son oubli, l’important, c’est son bonheur renouvelé. Francine s’est éteinte, mardi dernier.

Elle est allée rejoindre ses souvenirs. Son Georges-Hébert. Son René.

Il y a maintenant une étoile de plus dans la nuit. Mieux que ça. Toutes les étoiles autour d’elle brillent encore plus fort, sont encore plus belles, grâce à elle. Comme toujours.

Merci pour tout, Francine.

Je nous souhaite de ne jamais t’oublier.