Le Canadien a gagné. Vous ne rêvez pas. Le Canadien a gagné à la loterie. Je sais, n’importe qui peut gagner à la loterie. D’autant plus que dans la Ligue nationale de hockey, moins tu es bon, plus tu as de chances de gagner à la loterie. Le Canadien avait donc plein de chances. Plus que n’importe qui. Et il a obtenu le premier choix au prochain repêchage, qui aura lieu le 7 juillet, à Montréal.

Dans n’importe quel autre champ d’activité, l’élite se joint à l’élite. Le plus doué des diplômés en droit ne se joint pas à la pire équipe d’avocats. Mais le hockey est un jeu, beaucoup plus passionnant lorsque les équipes sont du même calibre, d’où le système de péréquation.

Parmi tous les jeunes espoirs, la pire équipe pourra choisir le meilleur. C’est merveilleux ! Mais encore faut-il savoir qui est le meilleur. C’est angoissant. Car choisir le premier, c’est ne pas choisir tous les autres. Et comment être certain qu’il n’y a pas, parmi tous les autres, un joueur qui brillera plus que son premier ?

Il y a des années où c’est évident. En 1984, Mario Lemieux. En 2005, Sidney Crosby. En 2015, Connor McDavid. Le directeur général possédant le premier choix, ces étés-là, passait plus de temps à choisir la destination de ses vacances que son heureux élu.

En 2022, ce n’est pas aussi simple. La plupart des experts ont, en haut de leur liste, Shane Wright, 18 ans, né à Burlington, en Ontario, 6 pieds, 190 livres, capitaine des Frontenacs de Kingston. Oui, Frontenacs, comme dans Louis de Buade de Frontenac, gouverneur de la Nouvelle-France de 1672 à 1682, qui a établi le fort Frontenac à Kingston. Le 7 juillet, à la question, « quel est votre premier choix ? », le Canadien devrait répondre, par la bouche de son canon : Shane Wright !

Sauf que d’autres experts prétendent que le canon est un pétard mouillé. Ils lui préfèrent l’Américain Logan Cooley ou le Finlandais Juraj Slafkovsky ou le Tchèque David Jiricek ou le Slovaque Simon Nemec ou…

Je sais, ça fait beaucoup de noms que vous n’avez jamais entendus. Mais ne vous en faites pas, ce n’est pas parce que vous n’en avez jamais entendu parler que vous ne pouvez pas avoir une opinion à leur sujet. En ce moment, chaque amateur de hockey sait qui le Canadien devrait repêcher, même s’il n’a jamais vu jouer un seul de ces joueurs. Comme on sait comment régler la pandémie, la guerre en Ukraine ou le chemin Roxham. Parce qu’on sait tout !

La dernière fois que le Tricolore a eu le privilège de repêcher en première position, c’était en 1980. Il n’avait pas fini dernier. Loin de là. Il n’avait juste pas réussi à remporter une cinquième Coupe Stanley d’affilée. Honte aux Glorieux ! Il avait la chance de prolonger sa dynastie, en choisissant la perle rare. Les dépisteurs avaient, en haut de leur liste, un solide gaillard de Regina, Doug Wickenheiser. Ils l’ont pris. Pourtant, à quelques kilomètres du Forum, triomphait, à l’aréna de Verdun, le prodigieux Denis Savard. Futur membre du Temple de la renommée. Qui aurait transformé la fin de carrière de Guy Lafleur et allongé les années glorieuses. Favoriser le produit local, parfois c’est payant.

Le DG avait fait le mauvais choix. Facile à dire après. C’est le propre de tous les choix, être jugés au tribunal du temps. Patrick Roy, l’un des meilleurs gardiens de tous les temps, a été choisi au 51e rang du repêchage. Toutes les équipes sont passées à côté plusieurs fois, avant que Serge Savard le réclame. On lui doit deux Coupes Stanley.

C’est au repêchage que se font et se défont les organisations. Si le Canadien est en dégringolade, c’est parce qu’il a trop souvent mal évalué les jeunes talents.

Il a longtemps été une équipe moyenne, qui repêchait au milieu du peloton, et il pouvait expliquer ainsi ses joueurs moyens. Cette année, il n’aura pas cette excuse.

C’est une équipe de queue, repêchant en tête. Tout est à lui. Il est le premier à entrer dans le magasin. Il peut prendre ce qu’il veut. L’embarras du choix. Il n’aura aucune excuse si son choix est embarrassant.

Pas facile, pas facile…

Vous allez sûrement aller au marché, aujourd’hui, acheter vos fleurs pour l’été. Choisir vos jardinières. Bonne chance ! Bien sûr, vous pouvez prendre celles qui sont les plus belles dans les étalages, mais dans un mois, elles seront peut-être fanées. Tandis que si vous choisissez celle dont l’éclosion semble la plus prometteuse, elles embelliront peut-être votre demeure toute la belle saison.

Je vous souhaite d’être un bon DG de votre jardin.

Et d’être patient avec le DG du Canadien.

Parfois, la fleur met quelques années à s’épanouir.

Bons choix, tout le monde !