Celui qui vous parle ici est l’amateur de hockey moyen. Mes trois fils ont joué avec enthousiasme – et avec beaucoup plus de succès que leur père. Et quoi qu’on puisse dire de mal sur l’ambiance des « arénas », c’est un sport d’équipe formidable.

Mais s’il faut une intervention musclée du gouvernement, ce n’est pas pour redresser notre sport national. C’est pour développer une culture de l’activité physique en général.

J’irais jusqu’à dire que la fixation politique sur le hockey fait partie du problème. Un sport que j’adore, j’insiste, mais qui est vite abandonné par la masse après l’adolescence.

Songez que le premier ministre du Québec a lui-même annoncé la mise sur pied d’un comité sur l’avenir du hockey au Québec, comme si une crise commandait l’intervention de l’État.

Le comité, formé de plusieurs vedettes du milieu du hockey, vient de rendre son rapport. Il est plein de constats et de recommandations sensés – on spécialise les enfants trop jeunes, il manque de soutien technique, d’arénas, de structures pour les filles, ça coûte trop cher, on n’axe pas assez sur le plaisir, etc.

Mais ce qui a vraiment motivé François Legault à s’impliquer, c’est l’amincissement constant de l’élite québécoise dans le hockey professionnel. Tandis que les Finlandais, les Suédois et les autres progressent, les Québécois déclinent.

Ce qui l’agace, c’est la dilution du symbole national.

C’est sans doute matière à réflexion et à réforme pour les gens de hockey. Et même pour la ministre déléguée à l’Éducation et responsable des Sports, Isabelle Charest.

Mais ce qui devrait mobiliser le gouvernement, Santé et Éducation d’abord, ce n’est pas le déclin du hockey. C’est la sédentarité en général.

Il est frappant de voir l’attention reçue par le rapport Denis, comparée à celle réservée au rapport de 2020 pour la même ministre, intitulé « Pour une population québécoise physiquement active ». Ce document faisait le tour de la recherche en matière de « saines habitudes de vie » et faisait une série de recommandations pour faire bouger les gens, comme le recommande l’Organisation mondiale de la santé – et des milliers d’études. Tout ça pour diminuer l’incidence des maladies, améliorer la santé mentale, diminuer la morbidité.

Vous me direz : un rapport sorti une année de pandémie n’est vraiment pas chanceux. C’est vrai.

N’empêche : ce qu’il y a dans ce document est beaucoup plus urgent à communiquer et à mettre en œuvre. Mais il n’y avait pas de vedettes comme porte-parole…

« Aucun sport n’a reçu autant d’attention de la part du gouvernement du Québec que le hockey sur glace, peut-on lire dans le rapport Denis de jeudi dernier. Cela est le résultat d’un contexte très particulier, c’est-à-dire notamment le nombre d’adeptes et la place que ce sport occupe dans les médias et dans la culture québécoise. »

On ne saurait mieux dire.

C’est justement pour ça qu’il faut attirer l’attention, inlassablement, sur l’importance générale de l’activité physique et le développement d’une culture du sport-participation.

Il n’y a pas de contradiction entre le développement du hockey d’élite, et des autres sports d’élite, et la promotion de l’activité physique en général, me direz-vous.

Sans doute.

Mais les ressources n’étant pas illimitées, posons-nous la question : faut-il investir des centaines de millions pour bâtir des arénas (le Québec en compte 395, contre 450 pour l’Alberta, qui a 45 % moins d’habitants), ou pour des gymnases ? Des sentiers ? Des pistes de ski de fond ? Pour des conseillers techniques de hockey, ou des profs d’éducation physique ?

Oui, moi aussi, je voudrais les deux. Mais on ne fera pas les deux. Et je sais qu’un nouvel aréna financé par un programme « national » (car il est suggéré de « hisser le hockey au niveau de sport national du Québec ») est plus vendeur qu’une piste d’athlétisme et de l’équipement pour les écoles.

Le rapport Denis, tout en prenant bien soin de ne pas trop écorcher notre modèle « professionnel » du hockey junior, prône un rapprochement de l’école et du hockey. Rien de radical, mais c’est déjà ça. Et tant mieux si les gens de hockey finissent par travailler avec les villes, qui gèrent les arénas.

À côté de ça, il y a tant à faire pour combattre la sédentarité, et si peu d’énergie politique.

C’est ce contraste qui est ahurissant. Tant de bruit pour notre sport-spectacle national chéri. Si peu d’acharnement pour combattre la sédentarité. On a beaucoup de vedettes de hockey disponibles pour répandre la bonne nouvelle de leur sport – notre sport.

Il nous manque de Pierre Lavoie.

S’il faut que les pouvoirs publics au plus haut niveau se mêlent d’un « problème de sport », me semble qu’il faut commencer par faire marcher, courir, rouler le plus possible les gens, du CPE au CHSLD.