La science éclaire le juge, mais parfois, elle l’éblouit.

Est-ce que, vraiment, une commotion cérébrale a désinhibé une femme au point de la faire sauter sur André Chenail, pour qu’il couche avec elle ?

C’est en tout cas grâce à cette explication que l’ancien député vient d’être acquitté d’agression sexuelle.

Le problème de la poursuite dans cette affaire est que la plaignante ne se souvient de rien. Elle est allée prendre un verre chez Chenail. Quand elle s’est réveillée sur son divan, elle était nue sous une couverture, du vomi dans les cheveux. Aucune idée de ce qui s’était passé pendant la nuit.

Sauf ce flash : Chenail, nu, par-dessus elle, qui la pénètre.

L’ex-député a expliqué qu’en invitant cette femme qui a déjà été son employée, il n’avait aucune arrière-pensée sexuelle.

Après deux verres à peine, pendant qu’il est à la toilette (fâcheux hasard), il entend un fracas. C’est X, effondrée sur le plancher, qui vient de renverser et briser la chaise dans sa chute.

Elle est alors « un peu sans connaissance ». Il la transporte sur le divan. Elle reprend ses esprits. Va à la toilette. Quand elle en ressort, c’est une autre femme : elle lui saute littéralement dessus, se déshabille, lui fait une fellation, saisit son pénis et s’en pénètre sans même lui demander son avis.

Ça, c’est la version de M. Chenail.

X, elle, est convaincue d’avoir été droguée et violée. Elle ne s’explique pas cette chute autrement. Mais c’est seulement deux jours plus tard qu’elle se rend à l’hôpital. On constate des ecchymoses, mais aucune anomalie chimique dans le sang, la drogue du viol n’étant détectable que quelques heures durant.

Comment savoir ce qui s’est vraiment passé ?

C’est ici que la science vient à la rescousse pour la défense…

Le neuropsychologue réputé Dave Ellemberg est appelé à la barre pour M. Chenail. Il explique au juge Joey Dubois, de la Cour du Québec, qu’un des effets secondaires possibles d’une commotion est la perte d’inhibition. Un symptôme qui touche de « 22 % à 32 % » des victimes de commotion. Cela se traduit par des accès de violence soudains (surtout chez les hommes) ou une perte d’inhibition sexuelle (davantage observée chez les femmes).

Selon l’expert, ce changement de comportement est donc plausible, et a déjà été observé.

Le juge en conclut que le consentement apparent de X n’était pas valide : il était induit par une commotion.

Mais du même souffle, le juge acquitte Chenail parce qu’il avait une « croyance sincère » en ce consentement. Vu le comportement sexuel de X, il pouvait raisonnablement se méprendre, conclut le juge, tout en reconnaissant qu’il s’agit d’un cas « limite ».

Je ne remets évidemment pas en cause l’expertise du DEllemberg.

C’est l’analyse judiciaire qui m’intéresse. Le bon sens a tout de même encore ses droits, malgré les choses étonnantes que la science nous enseigne.

Admettons que la version de Chenail soit vraie. Donc, ce septuagénaire qui en a vu d’autres trouve cette pauvre femme par terre en sortant de la toilette. Elle est « un peu sans connaissance » et « comme pas là ». Au point qu’il doit l’emmener lui-même sur un divan.

Admettons que, comme il le dit, cette femme qui vient de vomir sa vie soit ressortie de la salle de bains quelques minutes plus tard, transformée en nymphomane. Elle a encore du vomi plein les cheveux. Mais lui ne se pose pas de question, allez, amusons-nous !

Me semble que si quelqu’un s’assomme dans la cuisine, et qu’on n’a rien à se reprocher (aucune preuve de drogue, on l’a dit), le mieux, ou même juste « la chose raisonnable » à faire, est d’appeler un médecin, non ? Le 911 ? Y a pas comme un doute sur l’état véritable de cette personne « pas là » mentalement ? Une femme qui, inexplicablement, vient vous attraper le sexe ?

Je n’ai vraiment pas la même définition de ce qu’il est « raisonnable » de « croire sincèrement ».

Cette « perte d’inhibition » subite ne s’est pas manifestée par la suite. C’est plein de mystère, les commotions.

X a fui tout contact avec Chenail et a dit à ses proches dès le lendemain qu’elle s’était fait violer. Elle en est certaine, malgré ce « black out » mystérieux. C’est sa fille qui l’a convaincue d’aller à l’hôpital, pour passer des tests.

Si tout ça ne dresse pas un portrait d’agression sexuelle, ça montre à tout le moins un homme dangereusement insouciant de la sécurité de cette femme qui s’est assommée sur le plancher.

Je ne sais pas s’il y aura un appel, mais je sais ceci au-delà de tout doute : je n’irais jamais dîner chez cet individu.