« Voici un verre d’eau à moitié plein », s’est félicité le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, en montrant jeudi la mise à jour de son plan vert.

Québec a seulement identifié la moitié des réductions requises d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pour respecter sa cible en 2030.

M. Charette est un homme à la fois optimiste et patient.

D’ici 2030, le Québec vise à diminuer ses émissions de GES de 37,5 % par rapport à 1990.

L’année dernière, on estimait que les mesures en chantier donneraient 42 % des baisses requises. Avec les annonces récentes, on arrive à 51 % de l’effort.

À ce rythme, soutient M. Charette, le Québec arrivera à sa cible d’ici 2030. Il vante la méthode caquiste, qui chiffre le coût et les réductions anticipées pour chaque mesure, et qui n’inclut pas dans son calcul l’effet d’innovations encore incertaines comme l’aluminium vert. Il n’alimente pas non plus de faux espoirs face à l’hydrogène vert.

L’approche est honnête, mais elle est aussi prudente. Les petits pas ne nous mèneront pas loin.

La crise économique de 2008 a fait baisser les émissions de GES pendant quelques années, juste assez pour se rendre à l’objectif de -6 % en 2012. Mais cette crise n’était pas prévue ou voulue, et son effet n’a pas duré. De 2015 à 2019, les émissions sont reparties à la hausse.

Sur le plan politique, si le gouvernement caquiste atteignait son but en 2030, ce serait donc un petit exploit. Mais sur le plan climatique, cela resterait insuffisant.

L’accord de Paris enjoignait aux États de renforcer leurs cibles tous les cinq ans. Or, le gouvernement caquiste colle encore à la cible adoptée sous les libéraux en 2015. C’est ce modeste objectif qu’il prend tout son temps pour atteindre.

Il est difficile de trouver le bon ton pour commenter le bilan québécois en GES.

Contrairement au Canada, le Québec n’est pas un cancre. Par exemple, depuis 1990, l’Alberta a ajouté plus de 90 mégatonnes à ses émissions. Même si nous respections notre engagement en 2030, la province pétrolière aura plus que trois fois annulé cet effort.

Nous sommes le territoire qui pollue le moins en Amérique du Nord. Mais à l’échelle mondiale, nos émissions par habitant (9,9 mégatonnes) sont légèrement supérieures à la moyenne de l’OCDE (8,8 mégatonnes).

Le Québec n’est donc pas non plus un modèle. C’est un élève très moyen. Face à l’urgence climatique, comme le reste de la planète, il doit donc lui aussi apporter sa contribution.

Or, plusieurs solutions sont ignorées par le gouvernement caquiste pour des raisons idéologiques ou partisanes.

Le plan de Québec repose sur deux piliers : le marché du carbone avec la Californie et l’électrification des transports.

À ses débuts, ce marché était avant-gardiste. Mais il est devenu laxiste, et ça ne s’améliorera pas. Selon les projections actuelles, en 2030, ce marché imposera un prix deux fois plus faible que la taxe fédérale.

Malgré ses vertus, l’électrification des transports a des limites. Le programme pour forcer les concessionnaires à offrir un certain pourcentage de modèles électriques a été mal conçu. Il sera sans effets avant 2029. M. Charette promet de l’ajuster, mais cela ne réglerait pas le cœur du problème : même si les modèles électriques augmentent, le nombre de véhicules à essence reste en croissance. Au net, il y aura encore toujours plus d’essence brûlée pendant la prochaine décennie.

Autre changement : le marché du carbone financera moins le transport collectif. Auparavant, 66 % de la cagnotte était consacrée aux autobus et métros. Désormais, ce ne sera que 25 %. En contrepartie, les entreprises seront davantage aidées pour réduire leurs émissions.

Les caquistes promettent de financer le transport collectif autrement. On attend de le voir… Pour l’instant, ce volet reçoit moins d’argent que le secteur routier (entretien et construction).

Et en même temps, Québec continue d’ajouter des routes (tunnel Québec-Lévis, élargissement ou prolongement des autoroutes 19, 30, 50). Il encourage l’auto solo autant qu’il la combat.

La rigueur du plan caquiste doit aussi être relativisée. Les libéraux n’évaluaient pas l’efficacité de leurs mesures. Les caquistes ne le font pas davantage, déplore Pierre-Olivier Pineau, de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal.

De plus, les caquistes ont aboli le Conseil de gestion du Fonds vert, un organisme indépendant de suivi. Pour croire aux réductions promises, il faut donc avoir la foi.

M. Charette sert la même phrase à ses critiques : que proposez-vous ?

Mon collègue Philippe Mercure a relevé plusieurs solutions dimanche.

Lisez « Pour une Révolution tranquille climatique »

Il est vrai que l’opposition ne formule pas tant de propositions concrètes. Mais il y en a tout de même.

Le Parti québécois réclame un budget carbone, qui fixerait un plafond d’émissions de GES à ne pas dépasser. C’est un outil qui forcerait à être transparent et efficace.

Québec solidaire suggère un bonus-malus pour taxer les véhicules énergivores et offrir un rabais aux modèles écoénergétiques. « Fausse bonne idée », répond M. Charette. Vrai, ce n’est pas une solution miracle. Vrai aussi, il ne serait pas simple d’exempter les grandes familles et les travailleurs ayant besoin par exemple d’un pick-up. Mais cela reste possible, comme le montre le cas de la Norvège.

Tant que le ministre ne respectera pas sa cible, il sera malvenu de rejeter ce qui l’aiderait à s’en approcher.

Autre suggestion : pour chaque projet d’infrastructure, allouer 1 % du budget aux solutions vertes (toit vert, captation de l’eau de pluie, lutte contre les îlots de chaleur, piste cyclable).

Les caquistes trouvent qu’on leur donne peu de mérite pour avoir interdit à jamais l’exploration et l’exploitation d’énergies fossiles. Et en effet, à écouter Pierre Poilievre et Jean Charest qui s’obstinent à vouloir ressusciter GNL Québec contre la volonté de l’Assemblée nationale, la loi caquiste paraît nécessaire.

Si M. Charest prend ce virage brun, c’est pour courtiser les militants du Parti conservateur. Ironiquement, François Legault exhortait les Québécois à voter pour cette formation. Voilà une contradiction qui résume bien son bilan mitigé.

Non, le Québec n’a pas à avoir honte en environnement. Mais il n’a pas encore de raison d’être fier. À moins que notre fierté, ce soit d’être moyen.