Dans ma bio Twitter, il n’y a qu’un seul mot.

Journaliste.

Oui, chroniqueur ; oui, animateur. Mais à la base, journaliste. D’abord et avant tout. Journaliste, c’est mon titre le plus noble. C’est ce que je voulais faire, petit. C’est ce que je fais, adulte. Je suis chanceux de faire partie de cette tribu.

Je ne vois pas les autres journalistes comme des concurrents, je les vois comme des collègues. Ce que nous faisons – décrire le réel, l’expliquer, le documenter, le contextualiser –, voilà ce qui nous unit. Aucun de nous n’est indispensable. Mais le métier l’est, indispensable.

Et pour voir ce que ça donne, un pays sans journalisme, un mot, un seul : Russie.

Je ne vois pas mes collègues comme des concurrents, je les vois comme des gens qui font le métier, mon métier. Et je suis souvent ébahi par la qualité de ce qui se fait, ici, avec nos petits moyens.

L’autre jour à Deux hommes en or, j’ai reçu Tamara Alteresco. Elle a couvert la Russie de Moscou, elle la couvre maintenant de Montréal depuis que Radio-Canada l’a rappelée. Respect infini pour son boulot. Et pour celui de Marie-Eve Bédard, en Ukraine : le courage impassible de cette femme est sidérant. Y’a Fabrice, mon ami Fabrice de Pierrebourg, qui revient lui aussi d’Ukraine, pour Cogeco et L’actualité. Et Isabelle Hachey, qui en revient aussi, pour La Presse, avec Martin Tremblay (qui incarne le talent de nos photographes). Chris Curtis, du Rover, en revient lui aussi.

Souvent, j’écris à des collègues, même ceux que je ne connais pas : beau coup, bravo ! Il peut s’agir d’un scoop, d’un dossier, d’une chronique.

Quand Pierre-Olivier Zappa de LCN a passé le K.-O. au CEO d’Air Canada avec une question géniale de simplicité, je lui ai écrit pour le féliciter. Quand Marie-Pier Bouchard de Radio-Canada a exposé les ratés de la SQ dans la disparition – et les meurtres – de deux fillettes, forçant le gouvernement à déclencher une commission d’enquête publique, idem. Je ne connais pourtant ni l’un ni l’autre. Mais comme ils sont de ma tribu, je me le permets.

Évidemment, j’ai une affection particulière pour ce qui se fait à La Presse. Je tripe sur notre équipe d’enquêteuses (le féminin englobe le masculin, dans ce cas), de Gabrielle à Katia en passant par Ariane (je vais lire votre livre, les filles) ; sur nos chroniqueurs, de Francis à Marie-Eve en passant par Alex, Philippe, Rima, Paul, Marc, Hugo, Chantal et, bien sûr, Yves (que je devrais haïr parce qu’il dit toujours mieux les choses que moi). Je ne peux pas nommer tout le monde, ça prendrait toute la chronique. Je tripe sur les petites facéties que nos journalistes des sports cachent dans leurs articles, sur les scoops de Tommy à Québec, sur la lumière dans la prose du p’tit nouveau, Dominic Tardif, aux arts…

Vincent Larouche et ses scoops impossibles, dénichés sur un spectre si large. Daniel Renaud, si bien branché dans la police. Louis-Samuel Perron, au palais de justice, qui n’en rate pas une. L’histoire cinglée du procès secret ? C’est grâce à ces deux-là, Vincent et Louis-Sam.

Tommy et sa bande, à Québec.

Will, notre gars des demandes d’accès à l’info.

Joël-Denis et sa gang, à Ottawa.

J’en oublie, je sais, sorry. Je vous admire tous.

Au Devoir, ils sont chanceux d’avoir Améli, Michel, Stéphanie, Marco, Stéphane, Jean-François et Jean-François, Dutrisac, Marie-Michèle, Marie, Boris et bien d’autres. Chez Urbania, il y a Hugo Meunier, reporter tout terrain, curieux de tous les humains.

Chez Québecor, beaucoup de talent au pied carré. Paul Larocque à LCN. Solide équipe d’enquête, menée par Jean-Louis, Félix et Éric. Quand ils ont sorti les confessions post-mortem d’un haut placé de la mafia, j’ai appelé Félix : « TU AS CONFESSÉ QUI ?! » J’étais en transe : tu parles d’un sacré coup d’éclat, qui ouvrait une fenêtre extraordinaire sur le fonctionnement de la mafia. Antoine, à l’analyse politique ; Réjean aux sports, ce vieux ratoureux qui sait encore détecter la bullshit, qui sait tremper la plume dans la plaie.

Paul Arcand, le matin : personne n’impose l’agenda comme lui, journaliste d’abord et avant tout, dont les questions sont autant de scalpels. Toujours au 98,5 FM (ma radio) : Philippe Bonneville, Valérie Lebeuf, Any Guillemette ; Louis Lacroix, à Québec.

À Radio-Canada, il y a Thomas Gerbet, my God, comment dire… Laisses-en pour les autres, Thomas ! Toujours à Radio-Canada : Michel C. (aussi à La Presse+), Romain Schué, les Décrypteurs (salut, Jeff), Geneviève Garon et Isabelle Richer, Marie-Maude, Alain le week-end, et j’en oublie…

Y a plein de journalistes allumés à la Gazette (greetings, Aaron). Et dans les quotidiens des Coops de l’information, de Gatineau (salut, Jeff, Mathieu, Justine, Marie-Claude, Sylvain) à Chicoutimi (oui, Chicoutimi), en passant par Granby (salut, Marie-Eve), Sherbrooke, Trois-Rivières et Québec (salut, JF Cliche, Isabelle, Mylène, Annie).

Je ne vois pas ces gens-là comme des concurrents. Leur travail m’informe comme citoyen. M’éclaire, comme journaliste. Chacun fait sa part. Mettez le travail de tous ces gens-là bout à bout, et vous avez une bonne idée de ce qu’est le réel. Je n’ai pas dit une idée parfaite du réel, ça n’existe pas, la perfection. Une bonne idée du réel.

Je reviens à La Presse. Cette semaine, Denis Lessard, le semi-retraité le plus prolifique de l’histoire du journalisme québécois, a sorti un scoop juteux, à l’intersection du sport, des affaires et de la politique : les Sénateurs d’Ottawa sont en pourparlers pour disputer cinq matchs à Québec !

Ça fait 40 ans que Denis Lessard bouscule les plans de comm de tout le monde à Québec, qu’importe la couleur du gouvernement en place, 40 ans que Denis révèle, aussi, ce qui ne devait jamais se trouver dans un plan de comm, ce qui devait rester caché…

Et là, ce scoop intéressant ET d’intérêt public : le gouvernement du Québec est pressenti pour offrir des garanties financières, si la LNH présente en effet ces cinq matchs au Centre Vidéotron (financé par les deniers publics). Ce projet ravive l’espoir d’un retour – on croise les doigts – des Nordiques sous l’égide de Québecor, si jamais la franchise d’Ottawa continue à agoniser comme elle agonise…

J’ai lu ce scoop, admiratif, comme tous ceux, j’en suis sûr, qui tripent sur ce métier. Une manchette-coup de tonnerre. Sacré Denis…

Il n’y a que Renaud Lavoie de TVA Sports qui a vomi sans ménagement sur le scoop de La Presse. Dans une crise du bacon aussi incohérente que bizarre, Renaud a critiqué le fait que La Presse ait osé sortir cette nouvelle…

Celui qui couvre le Canadien pour TVA Sports a expliqué à l’animateur Jean-Charles Lajoie qu’il savait que ce projet de matchs des Sens à Québec était dans l’air…

(Mais il n’en a pas parlé !)

Si j’ai bien compris, Renaud savait que ce projet existait, mais il n’en a pas parlé pour ne pas nuire au plan de communication des parties prenantes. Vous pouvez constater ses propos ici1, dans la vidéo intitulée « La mise en échec ».

Le scoop serait la faute, toujours si j’ai bien compris Renaud, de la famille Desmarais… Qui n’est plus propriétaire de La Presse depuis 2018.

Le rapport avec le scoop de La Presse ? Je l’ignore. Comme je le disais plus haut : son envolée n’était pas des plus cohérentes. Il a ensuite décrété que le scoop de La Presse était « dégueulasse » pour les Sénateurs, « le pire scénario » pour la CAQ, pour qui « ç’aurait été extraordinaire d’annoncer ça à trois mois des élections »… Tout en se désolant pour la LNH et pour Québecor, qu’il s’est mis à vanter, encensant notamment les émissions de TVA comme La Voix et Star Académie.

Pourquoi Renaud a-t-il vanté La Voix et Star Ac à TVA Sports ? Fouille-moi.

J’ai connu Renaud il y a 25 ans, à Ottawa, à Radio-Canada. Il m’impressionnait par sa perspicacité, même s’il était parmi les plus jeunes journalistes de CBOF. Un talent, vraiment.

Mais l’autre jour, en te regardant, Renaud, je me suis fermé les yeux et je me suis dit : tiens, Renaud parle comme s’il portait non pas un, mais quatre chapeaux de relationniste – celui de la LNH, celui des Sénateurs, celui de Québecor ET celui de la CAQ…

J’ai aussi vu que tu prêtais ton image à BET99, Renaud. Belle photo de toi sur la pub de cette entreprise de paris sportifs. Te voilà homme-sandwich, en plus.

Y a rien de mal à être relationniste, mon gars. Ni à être homme-sandwich. Je trouve juste ça incompatible avec le journalisme. Un journaliste, ça se fiche des plans de comm.

Je suis allé voir ta bio Twitter, Renaud, in English only, pas un mot dans la langue des Pepsi, dans ta bio : « Hockey reporter @tvasports ».

Reporter, comme journaliste ?

Je pense pas, non.

1. Regardez la vidéo (la deuxième en partant du haut)