Le choix n’est pas toujours un embarras.

Le ministre des Finances, Eric Girard, a commencé son mandat en se penchant pour ramasser le surplus laissé par les libéraux provinciaux. Et il le termine en distribuant les recettes inespérées de la relance en profitant de l’aide pandémique du fédéral.

Cela limite les arbitrages à faire. Et donc, le nombre de mécontents. Ce n’est pas rien, à la veille d’une campagne électorale…

Un gouvernement montre sa couleur à travers ses choix. Les caquistes, eux, n’ont pas trop eu à se révéler. Ils ont pu gouverner en s’étalant au centre. Avec des budgets caméléons voulant plaire à tous.

En 2018, la gauche dépeignait François Legault comme une menace contre le modèle québécois. Avec un ministre des Finances pressenti, M. Girard, qui avait déjà été candidat pour les conservateurs de Stephen Harper.

Finalement, les idées comptent parfois moins que le contexte. En début de mandat, M. Girard a hérité d’un surplus de 4 milliards de dollars. Il n’a pas essayé de réduire la taille de l’État, une vieille priorité caquiste. Ses budgets ont plutôt investi dans les services publics tout en diminuant le fardeau fiscal. Certaines mesures aidaient un peu les personnes aux revenus modestes. D’autres avantageaient les plus fortunés (harmonisation et réduction de la taxe scolaire, fin de la modulation des tarifs de garderies subventionnées).

Ensuite, il y a eu la COVID-19. Même si ce ne fut pas un cadeau pour le gouvernement Legault, l’électorat le jugeait plus victime que responsable.

Et maintenant que le pire de la pandémie est derrière nous, l’économie étonne par sa vigueur.

À la fin de 2020, on se demandait comment le Québec éliminerait son déficit structurel. Un retour à l’austérité était craint. Mais l’année dernière, le déficit avait déjà baissé de moitié. Et depuis quelques mois, il continue de fondre.

Une fois de plus, M. Girard a donc le plaisir de surprendre.

Selon les nouvelles prévisions, les revenus égaleront les dépenses dès 2023-2024. Le déficit restant proviendra alors uniquement de l’argent mis de côté dans le Fonds des générations pour rembourser la dette. Et puisque le gouvernement changera la Loi sur l’équilibre budgétaire, il aura deux ans de plus pour éliminer ce déficit.

Cette marge de manœuvre arrive à une période bénie : juste avant les élections.

Elle est d’autant plus grande que l’inflation gonfle déjà les revenus de l’État, alors que son impact sur les dépenses se fera ressentir plus tard. C’est aussi seulement l’année prochaine que la hausse des taux d’intérêt devrait alourdir le remboursement de la dette.

M. Girard utilise ce coussin pour donner 500 $ à presque tout le monde. Seule exception : ceux dont le revenu net dépasse 100 000 $. Près de 6,4 millions des 6,8 millions de contribuables auront ainsi leur chèque.

Il n’était pas nécessaire d’en faire autant.

L’emploi est revenu à son niveau prépandémique. En février, le salaire horaire moyen a augmenté plus vite que l’inflation. Et le taux d’épargne a presque triplé en 2021.

En novembre dernier, M. Girard avait eu la bonne idée d’envoyer une prestation d’environ 250 $ aux Québécois qui gagnaient moins que le revenu moyen. Ces gens ont encore besoin d’aide. Mais est-ce le cas d’un couple de deux personnes qui gagnent chacune 100 000 $ et qui ont rempli leur petit cochon ? Bien sûr que non.

Ce faux remède a en outre un défaut : stimuler la demande alors que l’inflation s’explique par un manque d’offre. Il alimente donc le problème.

Après deux années de pandémie, l’inflation ressemble à la gifle qui succède à la claque. Les Québécois veulent de l’oxygène.

La campagne électorale se jouera sur des questions très concrètes. On parlera plus de qualité de vie que d’idéologie. La prestation de 500 $ s’explique par cela. La montée du Parti conservateur d’Éric Duhaime n’y est pas étrangère non plus.

Le gouvernement n’a pas tiré toutes ses cartouches préélectorales dans le budget. D’autres viendront ce printemps. Le plan de « refondation » du système de santé sera présenté très bientôt. Il sera suivi par la nouvelle Stratégie en innovation et la mise à jour du plan de lutte contre les changements climatiques, qui sera bonifié de 1 milliard de dollars.

M. Girard a ouvert la porte à une promesse électorale de baisse d’impôt. Selon lui, ce serait légitime même si le budget n’a pas encore été équilibré. L’important serait d’être en voie d’éliminer le déficit.

Les choix délicats viendront après les prochaines élections. Les dépenses en santé augmenteront plus que les revenus. Et plus aussi que le transfert fédéral en santé. Ce n’est pas soutenable.

Ce sera également difficile en environnement. Québec n’a déterminé que la moitié des réductions de gaz à effet de serre requises pour atteindre sa cible de 2030. Un effort draconien sera donc requis dans les prochaines années.

Avec ce dernier budget, les caquistes essaient encore de plaire à tout le monde. Mais cette stratégie deviendra vite impossible. Pour l’instant, on note que leur vert est très pâle. Et que leur vision est à court terme, comme le prouve le versement de 500 $.

Ce qui les intéresse surtout, c’est le rendement électoral.