La fin du port du masque est annoncée. Mi-avril, presque partout. Mi-mai, partout, partout. Êtes-vous content ? Si oui, dites-le à votre face. Ou plus précisément au haut de votre face.

Étonnamment, cette merveilleuse nouvelle n’a provoqué aucune manifestation de joie. Même pas chez ceux que l’obligation d’en mettre un avait poussés à manifester leur colère. Pas de sortie triomphale. Pas de récupération partisane. Pas de mouvement de masse.

On nous aurait appris la fin du port du bas support, on aurait plus réagi.

Il faut dire qu’on nous l’a annoncé, sans tambour ni klaxon. Un jeudi matin, à 10 h. Il n’y a jamais eu de point de presse à 10 h. Sans Christian Dubé. Sans François Legault. Juste le Dr Boileau. Le très posé Dr Boileau. Imaginez si c’était Horacio Arruda qui nous avait révélé la levée de cette mesure, il y aurait eu un groupe de meneuses de claque pour lui faire faire un back flip dans les airs ! Puis Rita Baga serait arrivée en chantant C’est le début d’un temps nouveau. Tandis que là, le calme plat.

Pourtant, c’est ce qu’on espérait depuis tellement longtemps. Non mais, le réalisez-vous ? Plus besoin de se couvrir le nez et la bouche dans tous les endroits publics ! On va pouvoir aller au dépanneur, à l’épicerie ou au cinéma, sans avoir l’impression de se retrouver aux soins intensifs !

Finie, la brume dans les lunettes. Fini, le tour d’oreille irrité par l’élastique. Plus besoin de se demander où on a bien pu laisser traîner ce foutu bout de tissu.

Plus besoin, non plus, de lutter contre le réflexe du coach. Ça devait sûrement vous arriver à vous aussi. Baisser son masque pour s’assurer que notre interlocuteur comprenne bien ce qu’on lui dit. Ou encore baisser son masque quand on avait mal compris ce que notre interlocuteur venait de nous dire. Comme si notre ouïe était dans nos trous de nez :

« Quoi, qu’est-ce que tu dis ?

— Je te dis de remonter ton masque !

— OK, mais toi aussi ! »

Et surtout, surtout, on va pouvoir se sourire à nouveau ! Quel bonheur ! Je sais, je sais, les esprits cyniques vont plutôt prétendre qu’on va pouvoir se faire l’air bête de nouveau. Car le masque avait l’avantage de nous faire oublier que les gens que l’on croise ont plus souvent des faces de carême que des faces de Cocothon.

Ne me dites pas que vous allez vous mettre à regretter tous les points positifs du couvre-visage ! ? C’est typique de l’être humain. Se braquer quand on lui impose quelque chose, et lorsqu’on lui dit qu’il peut finalement s’en passer, avoir envie de l’adopter. Ne soyez pas surpris de voir Rambo Gauthier entrer à la brasserie bien masqué, à l’été. On est rebelle ou on ne l’est pas.

Bien sûr, vous n’avez attrapé ni grippe ni gastro depuis deux ans. Et vous n’avez respiré aucune mauvaise haleine d’autrui, non plus. Ni vu de moustache avec de la bouffe dessus. Mais le Dr Boileau l’a confirmé, si vous voulez le garder, vous le pouvez.

Sérieusement, je sais que vous êtes content. Que si vous l’avez peu démontré, cette semaine, c’est une question de timing.

D’abord, vous êtes tellement écœuré de la COVID que même les bonnes nouvelles qui la concernent vous donnent la nausée. Et puis, la mi-avril est si loin. Tout peut tellement changer. Chat échaudé craint l’eau froide, surtout si le chat est dans la gorge.

Sans oublier que le drame vécu par la population ukrainienne relativise tellement le nôtre ; le port du masque qui nous semblait si lourd devient soudainement une simple contrariété à côté de l’horreur de la guerre.

Cela dit, on pourra tout de même être fier, lorsqu’il sera permis de l’enlever, de l’avoir porté. D’avoir fait un geste de solidarité, les uns envers les autres, durant deux longues années. Ce n’est pas rien.

Dans dix ans, quand on remontera le fil de nos photos et qu’on tombera sur celles avec nos masques, nos selfies, nos photos de gang, nos belles sorties, on saura tout de suite de quelle période il s’agit. Et malgré tous les malheurs de cette pandémie, ces souvenirs nous feront sourire, du beau sourire de la vie.

Vivement la mi-avril !