J’adore vous raconter de petites histoires de rien du tout. Surtout quand elles renferment de la bureaucratie débordante de zèle et une bonne dose d’aberration.

Cette histoire a lieu à Pointe-Claire et commence en mai 2021 lorsque Peter Ducree, résidant de 75 ans, a l’idée de construire une maison dans un arbre sur un terrain appartenant au fédéral et qui est inoccupé depuis une soixantaine d’années. Ce terrain, qui donne sur sa cour, est connu sous le nom de boisé Ponner.

Excellent bricoleur, Peter Ducree a consacré une bonne partie de son été à construire une cabane de rêve pour que les enfants de son quartier puissent venir s’y amuser durant les nombreux temps libres que leur offre la pandémie. Le résultat est plutôt spectaculaire. Cette cabane semble tout droit sortie du film La forteresse suspendue ou d’un roman du Club des cinq (je trahis mon âge).

La maisonnette, qui fait environ 1,5 m sur 2,5 m, est devenue un lieu très populaire auprès des enfants du coin, particulièrement pour un petit groupe qui habite non loin.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Peter Ducree

Avant de se lancer dans ce projet, dans lequel il a investi pas moins de 4000 $, Peter Ducree s’est renseigné auprès de la Ville de Pointe-Claire afin de savoir s’il avait besoin d’un permis de construction. On lui a dit que non.

L’auteur de ce projet a bien vu que des employés de la Ville étaient venus à quelques reprises pendant les travaux de construction. « Je pense qu’il y a un voisin qui a multiplié les plaintes, m’a dit Peter Ducree. C’est sans doute cela qui a alerté la Ville. »

La maisonnette était terminée depuis des mois quand des employés, qui ont pris leur rôle très au sérieux, sont venus calculer la distance entre l’arbre (maintenant doté de la cabane) et la rue. Résultat : 30 % de la base de l’arbre se trouve sur le terrain de la Ville.

Peter Ducree prétend que l’arbre a été planté à l’origine sur le terrain du fédéral et qu’avec le temps, son tronc s’est étendu sur la bande appartenant à la Ville. On parle ici de quelques centimètres.

La Ville de Pointe-Claire a alors décidé d’agir. Le 15 décembre dernier, on a signifié à Peter Ducree qu’il devait démanteler la maisonnette d’ici au 21 janvier, sinon il allait devoir payer une amende.

La Ville craint que des accidents surviennent et qu’elle soit tenue responsable. L’escalier menant à la maisonnette est à environ un mètre du sol. Il est étonnant que les responsables de la sécurité à Pointe-Claire, eux qui ont vu cette cabane pousser au cours des derniers mois, n’aient pas été interpellés par cet aspect avant aujourd’hui.

Je suis allé voir la petite maison. Je peux vous dire qu’elle est d’une robustesse à toute épreuve. Elle n’a rien à voir avec celle que je construisais quand j’étais jeune avec trois planches et six clous.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Pas très habitué à manier les réseaux sociaux, Peter Ducree a tout de même souhaité mettre des groupes de citoyens de Pointe-Claire au courant de cette affaire absurde. Cela est venu aux oreilles de journalistes de Montreal Gazette et CTV.

Depuis, la Ville de Pointe-Claire marche sur des œufs. J’ai tenté de joindre jeudi la conseillère du district de Valois, Kelly Thorstad-Cullen, mais celle-ci n’a pas donné signe de vie. Quant au maire Tim Thomas, il a fait savoir qu’il serait prêt à répondre à mes questions vendredi. « On m’a dit que la Ville s’apprêtait à me demander de démolir ma cabane dans un “délai raisonnable”, m’a confié Peter Ducree. Mais ça veut dire quoi ? »

Des parents d’enfants qui ont pris l’habitude de venir jouer dans cette cabane n’en reviennent tout simplement pas de la décision de l’administration municipale. Certains sont bien contents de voir leur progéniture quitter les écrans devant lesquels elle est rivée pendant des heures pour aller jouer dans l’arbre avec leurs amis.

Il est intéressant de voir que cette affaire éclate au moment où l’Institut de la statistique du Québec publie des données inquiétantes sur les échanges migratoires entre les régions de la province.

La région métropolitaine de Montréal est la seule des six régions métropolitaines de recensement à avoir vu sa population diminuer. Depuis plusieurs années, on assiste à un exode des familles vers les régions adjacentes à Montréal et plus éloignées.

Ce n’est pas avec de telles décisions que l’on va convaincre les familles de rester ou de venir s’installer dans la grande région de Montréal.

Souhaitons que les élus de Pointe-Claire trouvent une solution à cette impasse. Car lorsqu’on parle d’évasion et de santé mentale en cette période extrêmement difficile, il s’agit exactement de ça : pouvoir rigoler avec ses amis dans une cabane où l’on se sent seul au monde.