Le « jour zéro ». Au cabinet du premier ministre Legault, c’est ainsi qu’on a pris l’habitude de baptiser chaque journée. Parce que les journées se suivent et ne se ressemblent pas.

Chaque matin ressemble à une feuille blanche. On ignore quelles nouvelles études immunologiques ou quelles projections hospitalières feront en sorte que le plan de la veille sera envoyé au bac de recyclage.

Le combat contre la COVID-19 est un éternel recommencement. Il humilie les orgueilleux. Mais après plus de 21 mois en pandémie, on s’y habitue.

Selon un vieil adage militaire, aucun plan ne survit à la première rencontre avec l’ennemi. Ou, comme l’a déjà résumé de façon plus concrète Mike Tyson : « Tout le monde a un plan avant le premier coup de poing sur la gueule. »

Cette fois, le coup est bel et bien frontal. Il provient d’un nouveau variant, Omicron. Au moins deux fois plus contagieux que le variant Delta, qui lui-même était plus contagieux que la souche originelle.

Selon la plus récente estimation du Laboratoire de santé publique du Québec, il compterait pour 20 % des cas dans la province. Mais la cellule de crise de Québec craint que ce taux soit sous-estimé. Et de toute façon, peu importe le pourcentage actuel, il va augmenter.

Vrai, tout cela était plutôt prévisible lundi quand M. Legault parlait encore de rassemblements privés de 20 personnes pour Noël.

Mais le lendemain, c’était, une fois de plus, le « jour zéro ». Et Québec avait en main les toutes nouvelles projections de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux. Le nombre de cas était en hausse fulgurante et les hospitalisations risquaient de suivre la même tendance. Alors mieux valait freiner avant qu’il ne soit trop tard.

Étant donné ce sentiment d’urgence, il est difficile de comprendre pourquoi les mesures n’entreront en vigueur que lundi. Mais bon, qu’une activité soit permise ne signifie pas qu’elle est recommandée. Il est encore possible d’utiliser son gros bon sens. Et c’est à cette arme imparfaite qu’il faudra se fier.

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Depuis mars 2020, les mêmes critiques reviennent après les annonces de Québec et d’Ottawa. Confus ! Contradictoire ! Compliqué !

Mais avec le temps qui passe, elles deviennent pourtant très simples. Il faut se faire vacciner. Porter le masque. Réduire ses contacts. Et se faire tester en cas de symptômes, puis s’isoler en attendant les résultats.

Des experts – des vrais, des scientifiques – ont déploré la réticence des autorités à reconnaître la contamination par aérosols, à ventiler les classes dans les écoles et à distribuer les tests rapides. Pour les deux premiers éléments, je n’ai rien vu dans l’annonce de jeudi soir qui pourrait les rassurer. Mais pour le reste, le message est facile à comprendre.

Comme l’a dit le DHoracio Arruda, directeur national de santé publique du Québec, la pandémie entre dans une phase d’« autogestion ».

Le gouvernement a bien sûr ses responsabilités. Il doit accélérer le criblage et le dépistage et piloter le reste du paquebot de la santé – celui-là même dont la fragilité est à la source des restrictions sanitaires.

Québec doit aussi modifier les règles si l’intérêt public l’exige. Selon la Santé publique, cela passe par une pause pour la danse et le karaoké, et par une capacité réduite pour les salles de spectacle, restaurants, bars, commerces et lieux de culte. Et enfin, par des rassemblements à domicile ne dépassant pas 10 personnes.

La police ne débarquera pas dans les maisons, et c’est évidemment tant mieux.

Cela implique toutefois que les gens devront se discipliner.

Le feront-ils ?

En gros, un individu peut obéir pour trois raisons : s’il craint une sanction, s’il approuve la mesure ou s’il reconnaît la légitimité de l’État à l’exiger.

Malheureusement, la minorité insoumise qui refuse de se faire vacciner – celle qui a 15 fois plus de risques d’être hospitalisée – est aussi celle qui est la moins susceptible de respecter les mesures.

Il est difficile de légiférer contre la nature humaine. Reste qu’il serait possible de rendre les États plus moraux en comblant le scandaleux retard des pays pauvres en matière de vaccination. C’est aussi cela qui nourrit les variants et qui rend la pandémie si imprévisible.

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Le retard du Québec pour la troisième dose peut surprendre. Comme d’autres provinces, l’Ontario l’offre déjà à tous les adultes.

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, assure que ce n’est pas à cause d’un manque de vaccinateurs. La raison : nous avons étiré l’intervalle entre la première et la deuxième dose, et cela change le calcul quant à l’attente acceptable avant d’en recevoir une troisième.

Je laisse ce débat aux experts. Mais peu importe leur réponse, un fait demeure : au Québec comme en Ontario, les cas grimpent et il faut écraser la courbe.

Jeudi, M. Legault a laissé entendre que d’autres mesures pourraient venir. Il est extrêmement peu probable qu’on retourne à un couvre-feu ou à un reconfinement. Tout sera fait aussi pour garder les écoles primaires ouvertes – l’enseignement à distance y est laborieux, surtout pour les jeunes en difficulté.

Les rassemblements à domicile ou les activités commerciales et culturelles pourraient toutefois être resserrés de nouveau.

Quand ? Comment ? Il faudra vérifier demain matin, puis le lendemain, chaque jour zéro. Pour cela, le gouvernement devra être bon. Mais la nature humaine devra aussi améliorer sa cote de fiabilité.