Stephen Bronfman a eu l’attitude d’un homme d’affaires. Et Valérie Plante, celle d’une mairesse.

Pour l’un des ténors du Groupe Baseball Montréal, la rencontre qu’il a eue mardi matin avec la mairesse au sujet du projet de stade de baseball a été très positive et lui a permis de dire que « c’est sûr que ça va fonctionner » aux journalistes venus l’entendre.

Mais pour Valérie Plante, « le diable est dans les détails ». Elle demande donc d’en savoir plus sur la nature et la faisabilité de ce projet évalué à 1 milliard de dollars dont une contribution « à coût nul » de 300 millions viendrait de Québec.

Elle veut que le diable et les détails soient présentés au public et qu’on fasse preuve de transparence.

Bonne affaire.

Chose certaine, il n’est pas question pour elle que Montréal devienne le « promoteur » de ce stade de 35 000 sièges destiné à recevoir une quarantaine de matchs par année. « On a déjà joué dans ce film-là et on a vu ce que ça donnait », a dit la mairesse.

Il aurait été très étonnant que cette rencontre se solde par sa bénédiction absolue. Elle a fait preuve d’une extrême prudence face à ce projet au cours des derniers mois, surtout pendant les semaines de la campagne électorale.

Elle avait alors souligné que si ce projet voyait le jour, le Groupe Baseball Montréal n’aurait pas droit à un congé de taxes foncières. En fait, ce que Stephen Bronfman veut obtenir de la Ville de Montréal, c’est qu’elle abandonne son droit de veto sur le terrain visé, soit celui qui est situé en face du bassin Peel et qui appartient au gouvernement fédéral.

Valérie Plante a mille fois raison de faire preuve de prudence. Le Québec possède son lot d’éléphants blancs. La dernière chose que les contribuables veulent est de grossir le troupeau.

Le 5 novembre dernier, les Montréalais ont clairement montré leur préférence pour Valérie Plante plutôt que Denis Coderre, qui est associé au retour du baseball et à ce projet.

La mairesse ne peut pas décevoir les citoyens. Elle doit leur montrer qu’elle sera une juge hyper solide dans ce dossier. Elle ne peut pas se permettre de faire un mauvais choix. Elle sait que trop bien.

Mais il y a plus. Les préoccupations de la mairesse doivent aller au-delà du projet de stade de baseball. En abandonnant son droit de préemption sur ces terrains, elle doit également savoir ce qu’on en fera.

À quel type de développement assisterons-nous ? Car il n’y a probablement pas que le baseball qui anime les promoteurs de ce projet.

Mais dans ce jeu de négociations et de tractations, je suis quand même étonné que la question du Stade olympique ne réussisse pas à s’imposer.

Alors que les membres du Groupe Baseball Montréal sollicitaient une rencontre avec le gouvernement provincial, au printemps dernier, la direction du Parc olympique tentait de rappeler qu’un mastodonte construit à très grands frais (4,5 milliards à ce jour) par les Québécois existait toujours à l’angle du boulevard Pie-IX et de l’avenue Pierre-de-Coubertin.

Exploiter le Stade olympique plutôt que de construire un nouveau stade, c’est le souhait de plusieurs, notamment de Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie. Notons que son gouvernement entend investir 490 millions au cours des dix prochaines années dans la rénovation du Stade et du Parc olympique.

J’ai tenté d’obtenir mardi un entretien d’une quinzaine de minutes avec Michel Labrecque, président-directeur général du Parc olympique. Son attaché de presse m’a dit que « son agenda était rempli ».

Pourtant, en mars dernier, Michel Labrecque disait sur les ondes de QUB Radio que le stade était prêt à accueillir les matchs de baseball n’importe quand, « avant, pendant ou après ».

Rappelons que le Stade olympique, lieu polyvalent néanmoins conçu pour accueillir des matchs de baseball, a été l’hôte des rencontres préparatoires des Blue Jays de 2014 à 2019.

Michel Labrecque rappelle que le site du Stade olympique dispose de 4000 places de stationnement et est desservi par deux stations de métro et bientôt trois stations du REM.

Alors, pourquoi pas le Stade olympique ?

Parce que pour les amateurs de sport, « l’expérience » du stade est nulle. Le public des Expos, des Alouettes et de l’Impact n’a jamais apprécié cet espace froid, trop vaste et qui n’offre pas la magie des stades découverts construits au cours des dernières années.

Bref, la durée de vie d’un stade équivaut aujourd’hui à celle d’une génération. Tout de même incroyable !

Il faut croire que les amateurs de sport ont une plus grande propension à la nouveauté que ceux du théâtre et de l’opéra. Ces derniers continuent de fréquenter avec une émotion non dissimulée le théâtre antique d’Orange, en France (construit sous le règne d’Auguste, au Ier siècle av. J.-C.), ou le théâtre d’Épidaure, en Grèce (construit au IVsiècle av. J.-C.).

Chose certaine, le gouvernement québécois devra faire un choix déchirant : investir 300 millions dans un nouveau stade qui servira des intérêts privés ou injecter près de 500 millions dans la rénovation d’un stade dont on s’apprête à célébrer le 50anniversaire et que l’on dit dépassé et désuet.

Pour le moment, j’ai l’impression d’assister à une vaste mise en scène qui consiste à nous faire croire que l’on peut faire les deux.

Du pain et des jeux, disait-on au temps des Romains. Ces derniers ne savaient pas que le peuple paierait si cher un jour ces jeux. Et pour la levure.