Vous avez de la difficulté à comprendre les règles qui s’appliquent aux voyageurs ? C’est normal.

Elles compliquent vos plans, tellement que vous perdez le goût de voyager ? C’est normal aussi. C’était un peu le but.

Le gouvernement fédéral avait prévenu les Canadiens il y a quelques mois : les règles pourraient changer, sans avertissement et à votre désavantage. Voilà ce qui vient de se passer depuis l’arrivée du variant Omicron.

Ottawa a deux buts : protéger les Canadiens et les dissuader de quitter le pays. Toute la question est de savoir si le fardeau imposé aux voyageurs est justifié, et s’il y aurait eu moyen de rendre le système moins complexe.

Avant de faire part de mes états d’âme à ce sujet, car ils sont fort intéressants, j’essaie d’expliquer.

Si le gouvernement Trudeau a bien géré l’achat des vaccins, il a été critiqué pour sa lente et molle gestion des frontières au début de la pandémie. Avec l’arrivée du variant Omicron, les libéraux n’ont pas voulu répéter cette erreur.

Le mardi 30 novembre, moins d’une semaine après les premières manchettes sur le variant Omicron, la vis était resserrée.

Les nouvelles mesures ne sont pas si ardues à comprendre. Ce n’est tout de même pas de la physique quantique. Mais elles sont longues à expliquer, et les infographies d’Ottawa sont trop sommaires pour inclure tous les détails.

Depuis l’été dernier, les Canadiens et résidents permanents à l’étranger doivent subir un test PCR trois jours avant de prendre leur vol de retour. Le résultat négatif doit être présenté avant l’embarquement, et ensuite à la douane à l’arrivée.

Ces mesures viennent d’être renforcées pour une liste de 10 pays africains où circule particulièrement le variant Omicron*. Si votre vol part d’un de ces pays puis fait escale ailleurs, vous devez faire un autre test à ce dernier endroit, puis attendre le résultat avant de prendre votre vol. Par exemple, pour un vol Le Cap–Londres–Montréal, vous devez sortir de l’aéroport anglais, vous rendre en ville, y passer un test PCR et attendre le résultat avant de prendre votre correspondance.

Cela ressemble à une mission impossible, et Ottawa ne le cache pas. Le but est de retarder l’inévitable propagation du variant chez nous. Mais pourquoi ne pas imposer de telles contraintes pour des pays comme la Belgique et les Pays-Bas, où le variant Omicron a été observé ? Parce que la transmission s’y fait d’abord par des voyageurs et que les autorités sanitaires coopèrent avec les autres pays, répond Ottawa. Bien sûr, il faut trancher la ligne quelque part. Reste que l’Afrique du Sud est punie pour avoir protégé le monde en sonnant l’alarme.

Et à l’arrivée ?

Avant le variant Omicron, les Canadiens étaient testés de façon aléatoire après avoir franchi la douane à l’aéroport. Environ le quart d’entre eux subissaient ainsi un test PCR.

Là aussi, la mesure a été resserrée à la fin de novembre.

Ceux qui ont transité par un des 10 pays ciblés doivent désormais subir un test PCR à leur arrivée. Ils sont ensuite envoyés par navette dans un centre de quarantaine, comme un hôtel, pour attendre le résultat. Même s’il est négatif, ils doivent s’isoler à la maison.

Pour ceux qui reviennent des États-Unis, rien ne change.

Pour ceux qui viennent des autres pays (sauf les États-Unis et les 10 pays sur la liste), la probabilité d’être testé augmente. Elle passe de 25 % à environ 40 %.

Ottawa espère passer à 100 % quand la logistique le permettra. Il ne manque pas de tests ou de personnel, assure-t-on. Le problème est plutôt un manque d’espace.

Dans plusieurs aéroports, l’endroit juste après avoir franchi la douane est trop exigu. Les files d’attente y seraient immenses, assez pour créer des rapprochements qui ne seraient pas sans risque.

Dernier élément de complexité, les vols de retour avec une correspondance intérieure au Canada. Par exemple, si votre vol de Tokyo atterrit à Toronto, votre possible test se passerait là-bas, après avoir franchi la douane. On vous permet ensuite de prendre votre dernier vol vers Montréal ou Québec avant d’avoir reçu le résultat. Vous devez vous isoler à la maison en l’attendant.

Voilà, pas besoin d’être Einstein pour comprendre. Mais il ne faut pas être pressé…

Je comprends les voyageurs exaspérés. Je pourrais critiquer la confusion, mais si je ne fais que l’amplifier en la dénonçant, cela n’aide pas beaucoup.

Et surtout, je me mets dans les souliers du fédéral et je me demande : pouvait-on protéger les Canadiens de façon plus simple ?

J’attends de connaître la meilleure option.

Il y a pourtant un réel problème dans la gestion des frontières par le fédéral. Il ne se trouve pas dans les règles elles-mêmes imposées aux voyageurs. Plutôt dans l’incapacité du fédéral à les appliquer. Dans ses ratés chroniques à administrer un volume important de tests et à faire le suivi de la quarantaine.

Pour cela, c’est un véritable bordel.

Au début de la pandémie, on accusait le fédéral de ne pas en faire assez. Maintenant, on lui reproche d’être trop sévère.

En fait, il y a une constante depuis le début : peu importe ce qui est exigé en théorie, cela varie en pratique, pour des raisons inexpliquées et injustifiables.

C’est dans ces trous que le virus se faufile. Et c’est cela qui devrait surtout être dénoncé.

* Voici la liste des pays : Botswana, Égypte, Eswatini, Lesotho, Malawi, Mozambique, Namibie, Nigeria, Afrique du Sud et Zimbabwe.