Denis Coderre quitte le navire. Il ne sera pas celui qui combattra Valérie Plante en tant que chef de l’opposition au cours des quatre prochaines années.

Il n’avait pas le choix.

Avec les résultats décevants du 7 novembre dernier, je ne vois pas comment ce lion de la politique aurait pu jouer ce rôle.

Où trouverait-il l’entrain et le désir ? On a bien vu lors du point de presse qui a suivi sa rencontre avec les membres du caucus d’Ensemble Montréal qu’il n’a plus cette flamme. Les yeux rougis par les larmes qu’il avait versées juste avant, la voix éraillée par moments, on a compris que cette défaite l’a brisé.

Il quitte le navire. Mais il quitte aussi le port. Il ne fera plus de politique. Cela ajoutait à l’émotion qui se lisait sur son visage.

Qu’on l’aime ou pas, Denis Coderre a tout de même consacré 40 ans de sa vie à la politique. Il demeure une figure importante de ce paysage. Il fait partie de ceux que l’on qualifie de « personnages ».

Il quitte la politique municipale, on le sent bien, habité par une certaine rancœur. Quand le vainqueur a quitté les armes, le vaincu a le devoir de quitter sa haine, prône une maxime. Denis Coderre n’a pas eu la force de la suivre vendredi.

Il n’a pu s’empêcher de décocher quelques flèches à l’endroit des médias, qu’il accuse de lui avoir réservé un traitement injuste. Il a fait référence à ce « journalisme d’humeur » qu’il juge aujourd’hui trop présent.

Est-ce que les commentateurs ont été plus durs et plus critiques avec lui qu’avec son adversaire ? La question se pose en effet.

Parce qu’il était celui qui revenait en conquérant, qui avait habitué les journalistes à des joutes verbales parfois cassantes, qui a toujours dégagé l’image du batailleur et parce que sa rivale inspirait une « coolitude » plus facile à afficher, et lui, une « mononquitude » plus gênante à défendre, peut-être, en effet, que les médias ont été plus durs avec lui.

Voilà un beau sujet pour les étudiants en sciences politiques ou en sociologie.

Denis Coderre trouve qu’on a consacré trop de temps à décortiquer sa personnalité et pas assez à analyser ses idées. Là-dessus, je dois dire qu’il est l’artisan de ce phénomène : il s’est lui-même annoncé comme un homme nouveau. Il est normal que cela soit un champ d’intérêt pour les observateurs.

Je le regardais vendredi, lors de son point de presse, j’écoutais son ton, les mots qu’il avait choisis, je voyais les regards qu’il tendait à ses collègues en leur faisant des déclarations d’amour et je me disais que, finalement, Denis Coderre avait dû vivre une éprouvante défaite pour enfin montrer celui qu’il aimerait être.

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Avec 38 élus sur 103, Ensemble Montréal ne pèse plus lourd. Seulement 23 maires d’arrondissement et conseillers municipaux du parti pourront faire partie du conseil municipal formé de 65 élus.

Que fera maintenant Ensemble Montréal ? Le parti a fait savoir vendredi que les « modalités de l’élection d’un nouveau chef seront transmises dans quelques semaines ». On se donne un peu de temps.

Des acteurs importants du parti auraient pu prendre le relais : Karine Boivin Roy, Guillaume Lavoie et Hadrien Parizeau. Mais ils n’ont pas été élus dimanche dernier.

Les choix ne sont plus nombreux à l’intérieur du parti. Christine Black, élue haut la main dans Montréal-Nord, m’apparaît comme la meilleure option. Mais celle qui n’a eu aucun mal à mettre K.-O. Will Prosper a-t-elle le goût d’endosser ce rôle alors qu’elle a besoin de la collaboration de la ville-centre pour l’aider à faire faire face aux divers défis de son arrondissement ?

On pourrait se tourner vers de nouveaux venus. Je pense à Serge Sasseville, conseiller dans Ville-Marie. L’ancien vice-président de Québecor fait ses premiers pas en politique municipale, mais sa longue expérience dans le domaine des communications ferait de lui un bon critique.

Mais la grande question demeure : qui a envie de relever ce défi ? Pas facile de faire renaître un parti affaibli et amoché. Ensemble Montréal aura beaucoup de mal à se remettre de ce revers.

Dans ce contexte, l’administration Plante a les coudées franches.

Qui d’autre jouera au chien de garde au sein de la métropole ? Sûrement pas les deux « mystères de Montréal », les arrondissements d’Anjou et de LaSalle, qui réussissent depuis des années à créer des mini-gouvernements au sein de la ville.

Ces arrondissements ne veulent qu’une chose : avoir la paix et pouvoir faire les choses à leur façon. Pour cela, ils sont prêts à faire toute sorte de compromis pour jouir de leur autonomie.

Les seules résistances pourraient venir de Saint-Laurent, Saint-Léonard et Montréal-Nord, détenus majoritairement par Ensemble Montréal.

Valérie Plante peut dormir tranquille. Elle n’aura pas à faire face au regard aiguisé et aux phrases assassines de Denis Coderre.

Son administration n’aura pas à braver le vent. Du moins, pour un bon moment.

Quant aux citoyens, ils vont découvrir la réalité d’une métropole dont le conseil municipal connaît peu de pluralité.

Plusieurs élus sanctionnés réélus

Une trentaine d’élus ayant été sanctionnés par la Commission municipale du Québec (CMQ) ou d’autres instances au cours des dernières années ont eu l’audace de se présenter aux élections du 7 novembre dernier.

Serez-vous surpris si je vous dis que près de la moitié ont été réélus ?

Certains n’ont même pas eu à lever le petit doigt puisqu’ils ont été réélus sans opposition.

C’est le cas de Monique Drouin et d’Henriette Rivard Desbiens, deux conseillères de Batiscan qui, en 2016, s’étaient fait rembourser des dépenses non justifiées à l’occasion d’un congrès à Québec. Le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) leur a demandé de rembourser ces frais.

En revanche, plusieurs élus qui s’étaient fait taper sur les doigts et qui s’étaient retrouvés dans des reportages de Québecor et de l’émission Enquête peu avant les élections n’ont pas réussi à convaincre les électeurs.

Pierre Lafond, conseiller à Sainte-Adèle, qui a reçu 150 jours de suspension pour manque de respect et harcèlement, s’est fait indiquer la sortie par ses citoyens.

Même chose pour Alain Laplante, ancien maire de Saint-Jean-sur-Richelieu. Les électeurs lui ont dit qu’ils en avaient assez de ses multiples démarches juridiques et du climat malsain qui régnait à l’hôtel de ville.

À Montréal, les électeurs de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce ont clairement indiqué la porte à la mairesse Sue Montgomery. Elle laisse toutefois aux contribuables une note de 600 000 $ engendrée par les multiples démarches juridiques reliées à son dossier.

De son côté, Jean-Marc Corbeil, conseiller de l’arrondissement d’Outremont, n’a pas réussi à se faire réélire. En 2019, il s’était immiscé dans des dossiers concernant un restaurant qui le poursuivait. La CMQ lui avait alors imposé une suspension de 45 jours.

Pourquoi des candidats sanctionnés réussissent-ils à passer entre les gouttes et d’autres, non ? Tout dépend de la grosseur des gouttes. Et du parapluie de notre indifférence.