« Nous sommes le deuxième pays émetteur de gaz à effet de serre au monde. Les États-Unis sont obligés d’être des leaders » pour renverser la situation, a affirmé lundi l’ancien président américain Barack Obama lors d’un discours à la conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP26). Tout le Canada devrait prêter l’oreille : nous sommes condamnés à la même chose.

On l’oublie trop souvent, mais en matière de gaz à effet de serre (GES), le Canada est tout sauf un premier de classe. En fait, nous sommes les cancres par excellence. Nous sommes au 10e rang des plus grands émetteurs de GES au monde en termes absolus. Et le septième en prenant en compte nos émissions par habitant.

En fait, selon le deuxième calcul, les Canadiens sont individuellement de pires pollueurs que les Américains et les Chinois. Faut le faire !

Et le Québec ne peut pas prétendre être le surdoué de la planète non plus, et ce, quoi qu’en dise François Legault. Avec des émissions de 9,6 tonnes métriques de CO2 par habitant, nous nous en sortons vraiment mieux que l’Alberta (plus de 66 tonnes par tête de pipe !) et que la plupart des entités nord-américaines, mais nous relâchons dans l’atmosphère deux fois plus de GES que la moyenne mondiale.

À l’échelle de la planète, le Québec – considéré à part – se qualifie pour le club des 30 plus grands émetteurs de GES par personne. Pour le pétage de bretelles, on repassera donc. Le score de la province est pire que celui d’une grande partie des pays d’Europe, dont l’Allemagne, la grande puissance industrielle du Vieux Continent.

Gardons tout ça en tête en regardant les délibérations à la COP26. Le Canada ne devrait pas être là pour faire la leçon à qui que ce soit, mais bien pour trouver le moyen de faire tourner le bateau en y mettant plus d’efforts que la grande majorité des pays. Pour faire amende honorable.

Pour le moment, nous sommes en quelque sorte un voyou repentant, qui dit tout haut qu’il va changer, mais qui continue de casser des vitres. Comme par réflexe.

Vous pensez que j’exagère ? Regardez les données du gouvernement fédéral. En 2019, nos émissions nationales ont augmenté plutôt que descendu. Et c’est le cas depuis 2009. Année après année.

Consultez les données du gouvernement fédéral sur les émissions de GES

Pendant sensiblement la même période – soit de 2005 à 2019 –, les émissions nettes aux États-Unis ont diminué de 13 %.

On peut toujours tenter de jeter le blâme pour les piètres résultats canadiens sur les années où Stephen Harper était au pouvoir, il reste que les résultats se font toujours attendre depuis l’arrivée du gouvernement Trudeau. En 2015. L’année de l’accord de Paris. L’année où le Canada a dit qu’il était de retour et qu’il a sorti le grand jeu pour montrer qu’il avait changé, qu’il n’était plus un délinquant du climat.

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Pour la COP26, le Canada sort les gros canons comme il y a six ans. Le premier ministre Trudeau a passé deux jours à Glasgow au début de la conférence. Pendant la première semaine du sommet mondial, le Canada a pris de nouveaux engagements, notamment en promettant de freiner la déforestation et de réduire ses émissions de méthane d’au moins 30 % d’ici 2030.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre Justin Trudeau et le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, en conférence de presse à Glasgow au début de la COP26, le 2 novembre dernier

Le Canada a aussi déclaré qu’il mettra fin au financement à l’étranger de projets liés aux énergies fossiles avant le Nouvel An 2023.

Vous avez bien lu « à l’étranger ». C’est une autre histoire entre nos frontières. Selon de récents rapports, les subventions à l’industrie des énergies fossiles ont augmenté depuis l’arrivée de Justin Trudeau au pouvoir. Selon l’Institut international du développement durable, le Canada est le pays du G20 le plus généreux avec ce secteur de l’économie. Oh, oups ! Encore une vitre cassée qu’il faut faire oublier lors du grand jamboree de bonnes intentions qu’est la COP26.

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Mais ne nous décourageons pas, il n’est jamais trop tard pour bien faire. La deuxième partie de la conférence onusienne sera monopolisée par les grandes négociations internationales pour en arriver à une déclaration commune qui renforcerait l’accord de Paris et corrigerait le tir pour atteindre son but initial : limiter à 1,5 ℃ le réchauffement de la planète.

Et il y aura du boulot : le texte initial qui doit faire l’objet de débats, de tractations, de compromis au cours des jours qui viennent est jugé « exceptionnellement faible » par Greenpeace.

On omet notamment d’y parler de la nécessité de mettre de côté les énergies fossiles pour ralentir les changements climatiques.

C’est le nouveau ministre fédéral de l’Environnement, le Québécois Steven Guilbeault, qui sera le principal porte-parole du Canada lors des pourparlers jusqu’à la fin de l’évènement, le 12 novembre. Ça devrait nous mettre en confiance. Pendant des années, M. Guilbeault, un des militants environnementaux les plus en vue du Québec, était de ceux qui pressaient le gouvernement canadien de faire plus, plus vite pour la planète. Qui proposait des solutions.

Mais ce serait naïf de penser qu’il aura les coudées franches maintenant qu’il est ministre. Dans une entrevue qu’il a accordée lundi à mon collègue Jean-Thomas Léveillé, M. Guilbeault ne condamne pas l’importante présence de lobbyistes de l’industrie des énergies fossiles à la conférence. Le Canada compte lui-même deux représentants de l’industrie pétrolière albertaine dans sa délégation, a-t-il confirmé. Ce n’est pas rassurant.

Pour casser ses vieilles habitudes, pour changer de trajectoire, le Canada a besoin d’un vrai coup d’accélérateur vert. Pas de flirter encore une fois avec ses vieux démons.