Pour Denis Coderre, la défaite est cruelle. Si seulement le chef d’Ensemble Montréal pouvait avoir recours à l’agence Plan B, mystérieuse entreprise de la série télévisée du même nom qui permet à ses clients de retourner dans le passé pour réparer leurs gaffes et changer le cours de leur histoire…

Les deux employés taciturnes de l’agence auraient sans doute déjà sonné à sa porte pour le faire monter dans leur camionnette à remonter le temps.

S’il pouvait revenir en arrière, Denis Coderre ne se serait pas obstiné pendant des jours à refuser de dévoiler ses revenus et sa liste de clients, sous prétexte d’ententes de confidentialité, dont l’une s’est finalement révélée inexistante.

Son obstination a été désastreuse. Ses demi-vérités, tout autant. Jour après jour, dans la dernière ligne droite de la course électorale, cette histoire qu’il cherchait à étouffer s’est transformée en une tempête médiatique incontrôlable.

Ce gâchis a donné l’impression que Denis Coderre avait des choses à cacher. Pire, cela a soulevé des soupçons sur d’éventuels conflits d’intérêts entre un futur maire Coderre et les entreprises qui l’ont généreusement rémunéré au cours des dernières années.

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Sa campagne électorale n’a pas été qu’un fiasco, bien sûr.

Vieux routier de la politique, Denis Coderre connaissait ses dossiers sur le bout des doigts. Il avait longuement mûri son plan. Depuis sa défaite de 2017, il s’était remis en forme, mentalement et physiquement. Il avait écrit un livre. Tout ça dans un seul objectif : retrouver Montréal.

Une ville qu’il aime, manifestement. Et qu’il était prêt à servir pour quatre autres années.

Ça mérite tout notre respect.

Et pour Denis Coderre, ça rend la défaite encore plus amère.

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S’il pouvait revenir en arrière, Denis Coderre n’aurait pas nié avoir texté au volant. Il n’aurait pas raconté que l’appareil était – hum, hum – tombé de son socle. Personne n’y a cru.

En fait, il aurait sagement gardé les deux mains sur le volant. Ça lui aurait coûté moins cher – en contravention, en crédibilité et en amour-propre.

S’il pouvait revenir en arrière, Denis Coderre n’aurait pas recruté autant de candidats boulets.

Pas d’agent immobilier qui s’enrichit grâce à des flips, pas d’ancienne dirigeante mêlée à un scandale financier, pas de candidate qui refuse de se faire vacciner, ni de candidat qui nie la réalité des changements climatiques…

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S’il avait su, Denis Coderre aurait sans doute fait les choses autrement. Mais on n’est pas dans une série télé ; il ne pouvait pas savoir. Enfin, pas complètement.

Tout de même, l’ancien maire de Montréal pouvait avoir une bonne idée de ce qui l’attendait. Cette élection, après tout, c’était sa deuxième chance.

Denis Coderre avait d’ailleurs juré qu’il ferait les choses autrement. Il jurait avoir changé.

En campagne, il s’était ouvert sur sa longue traversée du désert, après sa défaite de 2017. Il avait parlé de sa profonde dépression, confiant même avoir songé à se jeter du haut d’un gratte-ciel.

Il avait raconté s’être repris en main. Il était prêt pour la bataille, mais avec un petit côté givré. Le Denis Coderre 2.0 serait plus conciliant, moins cassant. Promis, juré.

Ça n’aura pas été assez pour convaincre les Montréalais.

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Denis Coderre semble en avoir terminé avec la politique municipale. Tout porte à croire qu’il ne sera pas chef de l’opposition officielle pour les quatre prochaines années.

Il ne l’a pas dit clairement, dimanche soir. Mais il a exhorté les élus à « continuer ». Sans lui, aurait-il pu ajouter.

Pendant la campagne, Denis Coderre était resté plutôt évasif quant à son avenir, en cas de défaite. « Le plan A, c’est vraiment de gagner », avait-il déclaré, le 25 octobre.

Si l’on se fie au scénario de 2017, le plan B serait d’abandonner son parti pour agir en tant que consultant dans le secteur privé. Un choix sans doute moins douloureux… et pas mal plus payant, comme on a pu le constater la semaine dernière.

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Vous avez une impression de déjà-vu ? Un peu comme si vous aviez déjà vécu ces élections municipales ?

Rassurez-vous, vous n’êtes pas retourné dans le passé. C’est plutôt l’histoire qui se répète.

En 2017, Valérie Plante était à la traîne dans les intentions de vote jusqu’à la toute fin de la campagne électorale. Deux semaines avant le scrutin, Denis Coderre et elle étaient au coude-à-coude.

En fin de course, Denis Coderre s’était entêté pendant des jours à ne pas dévoiler le nombre de billets donnés pour un évènement de Formule E à Montréal.

Les derniers sondages avaient montré une remontée spectaculaire de Valérie Plante. Au scrutin, la candidate de Projet Montréal l’avait emporté avec 51,42 % des voix devant Denis Coderre, qui avait récolté 45,66 % des voix.

Quatre ans plus tard, la seule chose qui a changé, c’est l’ampleur de la victoire de Valérie Plante : encore plus franche, encore plus écrasante. Pour le reste, c’est le même scénario. Avec le même entêtement, le même manque de transparence de la part de Denis Coderre.

Pas étonnant qu’on en arrive aux mêmes résultats.