Au cours des dernières années, la ville de Montréal s’est dotée d’un nouveau visage. Qui l’a rendue meilleure, diront les uns. Ou pire, rétorqueront les autres. L’arrivée d’une nouvelle administration, en novembre 2017, et les effets de la pandémie ont amené la métropole à se réinventer. À quelques semaines des élections municipales, notre chroniqueur brosse un portrait de la métropole en se penchant sur 15 domaines où Montréal a avancé, piétiné ou reculé.

Vivre à Montréal

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le marché immobilier à Montréal est en pleine effervescence.

État du logement : un déséquilibre qui fait mal

En matière d’habitation, Montréal demeure loin de la réalité torontoise et vancouvéroise. Mais n’empêche, il est de plus en plus difficile de trouver un logement à prix abordable dans la métropole. Le loyer moyen des appartements de deux chambres vacants est passé à 1080 $ en 2020, selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Il n’est plus rare de voir des ménages consacrer plus de 30 % de leur revenu brut à leur loyer. Le phénomène des rénovictions et les nombreux appartements offerts sur la plateforme Airbnb viennent complexifier davantage les choses. Face à cela, l’administration Plante tente d’atteindre son objectif de 12 000 logements sociaux et abordables. Elle souhaite par ailleurs construire 60 000 logements abordables si elle est réélue. On compte sur le Règlement pour une métropole mixte pour bloquer le chemin aux spéculateurs et obtenir une plus grande collaboration des promoteurs. Le marché immobilier de Montréal vit une effervescence, mais son déséquilibre fait des ravages.

Exode des familles : le chant envoûtant des banlieues

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L’exode des familles vers les banlieues s’est accentué avec la pandémie.

Depuis plusieurs années, Montréal fait face à un exode des familles. Le bilan des migrations interrégionales au Québec, rendu public par l’Institut de la statistique du Québec en février dernier, révèle que Montréal a perdu 35 900 personnes dans ses échanges avec les régions en 2019-2020. Ces données sont en partie attribuables à la pandémie. Les gagnantes de cet exode sont les villes de première et de deuxième couronne, là où l’écart entre le prix médian d’une copropriété sur l’île de Montréal et celui dans certaines banlieues peut atteindre 80 %. L’entrée rapide et soudaine du télétravail dans nos habitudes de vie pourrait inciter un plus grand nombre de citoyens à quitter Montréal. On mise donc sur des secteurs comme Rosemont, Villeray, le Plateau Mont-Royal, Hochelaga-Maisonneuve ou le Mile End pour en faire des « quartiers familiaux » paisibles et accueillants. En 2017, Valérie Plante et Denis Coderre ont multiplié les promesses pour retenir les familles. Il semble qu’il faut plus que des exemptions et des remboursements pour conserver les poussettes à Montréal.

Itinérance : l’insurmontable enjeu

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L’itinérance demeure un problème criant dans la métropole.

L’itinérance est un défi majeur à Montréal. Le dénombrement réalisé en 2018 faisait état de 3149 personnes « visibles » en situation d’itinérance. En septembre 2020, six mois après le début de la pandémie, la mairesse de Montréal affirmait que ce nombre avait doublé (un chiffre remis en question). Face à des capacités réduites dans les refuges à cause des mesures sanitaires, la Ville de Montréal a dû rapidement trouver des solutions comme la transformation de l’hôtel Place Dupuis en centre d’accueil temporaire. La création de campements aux quatre coins de la ville est venue compliquer les choses. Critiquée pour sa lenteur à agir avec celui de la rue Notre-Dame, au début de l’hiver 2020, l’administration municipale a procédé au démantèlement de celui du boisé Steinberg plus rapidement le printemps dernier. Montréal cherche des solutions, et des projets en médiation sociale ont notamment vu le jour, mais le problème de l’itinérance reste insoluble.

Lutte contre la violence : le problème qu’on n’attendait pas

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La porte d’un appartement rue Notre-Dame dans Saint-Henri a été criblée de balles lors d’une fusillade, le 25 août.

La sécurité publique est l’enjeu numéro un de la campagne municipale qui se joue actuellement. Alors qu’il y a quelques années, la question des caméras de surveillance et d’une approche communautaire intégrée était le sujet de l’heure, voilà qu’une flambée de violence liée notamment à une guerre que se livrent des gangs de rue est venue tout chambouler. Pas une semaine ne se déroule à Montréal sans que des fusillades éclatent. Après s’être livrés à une bataille de chiffres afin de démontrer quel candidat a le plus contribué au définancement de la police, les adversaires promettent d’agir. Valérie Plante réclame un meilleur contrôle des armes à feu, particulièrement des armes de poing, aux frontières.

Parcourir Montréal

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Piste du Réseau express vélo dans la rue Saint-Denis

Réseau cyclable : des pas de géant

S’il y a un aspect qui a grandement transformé la métropole, c’est bien l’enrichissement de son réseau cyclable. Depuis 2015, il a connu une croissance de 34 % pour atteindre 1001 km de voies dans l’île. Ce gigantesque projet a franchi une étape cruciale avec les premières phases du Réseau express vélo (REV), dans les rues Saint-Denis et de Bellechasse. Leur création a toutefois divisé les commerçants et les résidants. Une fois terminée, cette « autoroute du vélo » aura une longueur totale de 184 km. Grâce à un meilleur entretien, la pratique du vélo d’hiver est maintenant plus accessible. Il reste maintenant à rafraîchir les pistes plus anciennes et à mettre de l’ordre sur les pistes afin d’assurer une cohabitation plus harmonieuse entre les usagers.

Place de la voiture : le sujet de division

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Aux heures de pointe dans le Grand Montréal, une voiture transporte en moyenne 1,2 personne.

Voici le sujet de mésentente numéro un à Montréal ! Quand il est question de la place de la voiture dans la métropole, deux clans s’affrontent : ceux qui applaudissent les mesures de l’actuelle administration et ceux qui promettent de l’éjecter le 7 novembre prochain. Il est impossible de connaître le nombre de places autrefois réservées aux voitures qui ont été effacées au cours des dernières années. La ville centre ne les comptabilise pas. Quant aux arrondissements, les méthodes de calcul varient beaucoup. Mais à en juger par l’augmentation des pistes cyclables, l’ajout de saillies de trottoir, la multiplication des terrasses entre juin et septembre, les nombreuses fermetures de rues, on comprend pourquoi il est de plus en plus difficile de garer sa voiture. Aux heures de pointe dans le Grand Montréal, une voiture transporte en moyenne 1,2 personne. Pour l’administration Plante, plus une ville favorise la place et la circulation des voitures, plus il devient difficile de combattre la présence de ces « requins d’acier ».

État des rues : le festival de la crevasse se poursuit

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Les rues de Montréal sont dans un état pitoyable.

Voilà un domaine où les choses ne changent pas. Les rues de Montréal sont dans un état pitoyable. Il y a des artères (Saint-Laurent, Saint-Hubert, Clark, Saint-Urbain, etc.) où on a littéralement l’impression de rouler en carrosse. Une réflexion sur la place des nombreux poids lourds dans les rues de Montréal s’impose. Les artères de Montréal ont besoin d’attention. Mais cette attention coûte cher. Les investissements pour l’asphaltage et la reconstruction des rues de Montréal sont passés de 258 millions en 2018 à 104 millions en 2020. La ville centre demande aux arrondissements de contribuer davantage. Est-ce que la qualité de la voirie est une priorité pour l’administration actuelle ? C’est une question que se posent des citoyens quand ils se rendent au garage pour faire réparer la suspension de leur voiture.

Fluidité et transport : le symbole pathétique du cône orange

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Cônes orange et chantiers sont toujours omniprésents à Montréal.

Peu de gens se souviennent de cette publicité qui, lors de la campagne de 2017, montrait Valérie Plante se heurtant à un cône orange. « Ce 5 novembre, débloquons Montréal en donnant le feu vert à Valérie Plante et Projet Montréal. » Fraîchement élue, la mairesse s’est empressée de créer l’Escouade mobilité, une équipe chargée d’assurer une meilleure circulation sur les artères de Montréal. Mais à en juger par le nombre impressionnant de chantiers, on doute fortement de la qualité de coordination de tout cela. L’administration aime à répéter que les trois quarts des travaux ne relèvent pas de la Ville. Mais leur coordination avec les autres secteurs passe par elle. La bonne nouvelle dans tout cela, c’est qu’on observe une augmentation de l’achalandage dans les transports collectifs, qui a grimpé de 12 % entre 2013 et 2019 (la pandémie a bien sûr marqué une chute importante). Le problème de circulation à Montréal demeure un casse-tête.

S’approprier Montréal

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Au cours des deux derniers étés, les Montréalais ont été très nombreux à fréquenter les parcs.

Appropriation des lieux publics : un baume pour les Montréalais

La fermeture des bars et des restaurants causée par la pandémie a donné lieu à une ruée vers les parcs de Montréal. Au cours des deux derniers étés, les Montréalais ont été très nombreux à fréquenter ces espaces transformés en lieux de fête. Leur rôle a été extrêmement bénéfique. La Ville a dû réagir au quart de tour pour répondre à cette popularité soudaine (souvenez-vous de l’absence de toilettes chimiques). De leur côté, les usagers doivent apprendre à respecter ces endroits formidables et indispensables à nos vies (souvenez-vous de l’état lamentable dans lequel on a parfois laissé ces lieux).

Piétonnisation des rues : le bonheur des uns…

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Pour le deuxième été d’affilée, l’avenue du Mont-Royal s’est transformée en rue piétonne.

Des rues piétonnes ont d’abord été créées pour des raisons sanitaires à l’été 2020. Cela s’est fait sous la désapprobation notamment de commerçants inquiets. Ces aménagements ont été réalisés dans une certaine confusion et sans trop de consultation. Certains quartiers ont même fait marche arrière. Pour l’été qui s’achève, les choses ont été mieux coordonnées. Avec 13 artères fermées, Montréal voit visiblement grand. Cette dernière expérience permettra sans doute de faire la part des choses quant aux retombées pour les différents commerces. Les rues piétonnes sont là pour de bon. Cette tendance se répand partout dans le monde. Mais au contraire des villes au climat moins rude que le nôtre, Montréal doit composer avec une approche temporaire, ce qui n’arrange rien.

Renouvellement des places publiques : des écrins dans la ville

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L’esplanade Tranquille, dans le Quartier des spectacles

L’un des grands changements des dernières années à Montréal est la mise en valeur des places publiques. Deux bons exemples de cela sont la création de l’esplanade Tranquille, dans le Quartier des spectacles, et le square Viger (pas encore terminé). Si ces chantiers ont été longs, on doit reconnaître que le résultat est tout à fait réussi. L’administration actuelle n’a cependant pas le monopole du bon goût en matière de transformation des places publiques. Il faut se rappeler que c’est sous l’administration Tremblay qu’a été redessinée la place d’Armes, aujourd’hui l’un des lieux les plus charmants de la métropole. Le square Phillips est en train de subir le même sort.

Faire vibrer Montréal

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Les locaux commerciaux vacants sont légion à Montréal.

Avenir des commerces : des vitrines qui se transforment

Face au rouleau compresseur du commerce en ligne, aux effets dévastateurs de la pandémie et, dans certains cas, à la difficulté de circuler en voiture, le secteur commercial de Montréal traverse une tempête sans précédent. Les affichettes « À louer » se comptent par dizaines sur des artères comme la rue Saint-Denis, le boulevard Saint-Laurent ou la rue Bernard. On doit reconnaître que, devant cette hécatombe, l’administration en place n’est pas demeurée inactive. Les travaux de la Commission sur le développement économique, qui ont eu lieu à l’hiver 2020, ont mené à des dizaines de recommandations. Il y a également eu plusieurs programmes d’aide (transition vers un système de vente en ligne, construction de terrasses, etc.). Le visage commercial de Montréal change. De nombreux locaux commerciaux se dotent de vocations administratives. La mixité entre les commerces de proximité et de destination est appelée à changer sur certaines artères.

Transformation du centre-ville : la Sainte-Cath 2.0

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Le géant japonais du prêt-à-porter Uniqlo s’est installé rue Saint-Catherine.

On a profité des titanesques et douloureux travaux de réfection d’égouts et de conduites d’eau pour redessiner la rue Sainte-Catherine dans le centre-ville. Si les piétons gagnent au change, les automobilistes sont moins choyés. On pourra juger du réel impact sur l’achalandage à l’été 2022. Les grandes enseignes de la Sainte-Catherine semblent avoir résisté à la pandémie. Certaines se sont même ajoutées, dont Uniqlo. Et la fusion Ogilvy-Holt Renfrew, doublée d’un hôtel Four Seasons, consacre la rue de la Montagne royaume du luxe. Le réaménagement de l’avenue McGill College devrait également contribuer à faire briller le centre-ville. En tout cas, les 5000 commerçants du centre-ville, d’Atwater à Saint-Urbain, le souhaitent ardemment.

Vitalité économique : plusieurs façons de voir les choses

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Avec des investissements directs étrangers de 2,2 milliards de dollars en 2020, le numérique et le multimédia sont des secteurs clés de l’économie montréalaise.

Certains croient que l’administration actuelle favorise moins la vitalité économique de la métropole. Il faut savoir que le Grand Montréal s’est de nouveau distingué en prenant la deuxième place du classement du fDi Magazine (Financial Times) de la meilleure stratégie d’attraction des investissements directs étrangers pour l’année 2020. Avec une valeur totale de 2,2 milliards de dollars, la métropole se distingue particulièrement dans les secteurs du numérique et du multimédia. En ce qui a trait aux investissements immobiliers, ils continuent de montrer de la vigueur. Des projets comme Griffintown, le Triangle, l’ancien Hôpital de Montréal pour enfants, le futur site des Faubourgs et le développement qui se prépare dans l’est de la ville démontrent une vitalité certaine. Denis Coderre demeure par ailleurs préoccupé par le remboursement de la dette et craint une décote sur le plan du crédit. L’administration Plante (souvent qualifiée de dépensière) a fait passer le budget de 5,4 à 6,2 milliards. On prévoit maintenant des dépenses de plus de 7 milliards d’ici à 2024 (en incluant les paiements de la dette). Cela va créer des manques de 780 millions sur trois ans.

Vie culturelle : la révolution du Quartier des spectacles

PHOTO ANDREJ IVANOV, COLLABORATION SPÉCIALE

Pas moins de 40 festivals se déroulent annuellement dans le Quartier des spectacles.

S’il y a un projet qui a bénéficié d’un soin soutenu de la part des récentes administrations, c’est bien le Quartier des spectacles. Lancée par Gérald Tremblay en 2002, cette idée folle a été menée à terme par Denis Coderre et Valérie Plante. Avec sa Place des Arts rénovée et sa nouvelle Maison symphonique, le Quartier des spectacles est l’une des grandes réalisations culturelles de Montréal. Cet écrin du monde du spectacle qui réunit 80 lieux de diffusion, 36 salles de spectacle et 40 festivals par an a complètement changé le visage d’un quartier autrefois fort amoché. Qui aurait dit il y a 20 ans que des édifices somptueux comme le 2-22, le Carré Saint-Laurent, l’Îlot Balmoral et le Laurent & Clark allaient être érigés dans l’ancien Red Light ?