L’autre jour, Yves-François Blanchet s’est mis à jaser à voix haute sur le « potentiel positif en termes d’environnement » du troisième lien projeté à Québec.

Un gros LOL a secoué le Québec, surtout, mais pas seulement, dans les milieux environnementalistes. On aurait dit un sketch des Tannants.

M. Blanchet a de l’expérience dans les énormités environnementales, remarquez. Ministre péquiste de l’Environnement, il n’a jamais émis de critique sur les ambitions pétrolières du PQ ni sur la cimenterie de Port-Daniel, gigantesque fabrique à GES.

L’absurdité du troisième lien écologique était grosse comme le Château Frontenac : on peut bien arguer que ce tunnel de 10 milliards sera « utile » pour la circulation dans la région de Québec, il reste que personne n’avait jusqu’ici osé prétendre qu’il sera vert.

Personne… sauf M. Blanchet, qui a besoin de votes dans la région de Québec.

L’ère est aux (tentatives de) limites de l’étalement urbain et de l’utilisation de l’auto en solo. Construire un tunnel reliant Lévis à Québec est une excellente façon de perpétuer l’étalement et le char solo. Au moins, la CAQ ne prétend pas que le troisième lien est vert.

Yves-François Blanchet a donc fantasmé sur le « potentiel positif en termes d’environnement » du troisième lien avec cet air satisfait qui est le sien quand il lance une phrase qu’il trouve particulièrement bien tournée, ce qui lui arrive à peu près chaque fois qu’un micro capte ses paroles…

Mais aucun sourire de contentement ne peut maquiller l’absurdité colossale de l’idée d’un troisième lien « écologique ».

Quelques jours plus tard, le chef du Bloc en a rajouté lors de cette émission spéciale Cinq chefs, une élection organisée par Radio-Canada. Loin de se dédire, il a maintenu cette idée absurde, avec le sourire.

J’ai l’air de me moquer de M. Blanchet, sauf que non (enfin, pour son air d’autosatisfaction, oui, un tout petit peu, quand même). Mais cette affaire de troisième lien « écologique » en dit moins sur le chef du Bloc que sur l’électorat.

Si M. Blanchet a dit ça, c’est qu’il peut le dire sans en payer le prix politique, il peut dire que le troisième lien a un potentiel vert comme s’il s’agissait d’un scénario tout à fait envisageable, plausible, raisonnable. Il peut dire ça, car il connaît l’électorat. Il sait que l’électorat n’en a rien à foutre, du climat.

Je ne parle pas de l’électorat bloquiste. Je parle de l’électorat-tout-court, de nous tous.

Je parle de porter au pouvoir le Parti libéral qui a continué à subventionner l’industrie des énergies fossiles et qui a acheté au nom de tous les Canadiens un pipeline de pétrole. Un PLC dont le chef Justin Trudeau a promis de planter 2 milliards d’arbres (800 000 ont été plantés depuis, à ce rythme, rendez-vous dans un siècle) pour émouvoir Greta Thunberg quand elle est venue à Montréal, il y a deux ans…

Je parle de faire de l’opposition officielle le Parti conservateur, qui se fiche encore plus de limiter les gaz à effet de serre que son rival libéral. Il y a quelques mois, les militants conservateurs ont rejeté une motion qui reconnaissait que le réchauffement climatique était l’œuvre de l’humain. On part de loin.

Si l’électorat était obsédé par l’environnement, si c’était LA priorité, les verts seraient majoritaires. Ou alors le NPD. Ce n’est pas le cas.

L’environnement est une DES priorités de l’électorat… Avec les garderies, le crédit d’impôt pour les vieux travailleurs, la pénurie de main-d’œuvre, la pénurie de logements, la gestion des stocks de morue, les inconduites sexuelles dans l’armée, l’immigration, les GAFA, le profilage racial, les autochtones, la loi 21, la dette, le droit à l’avortement, les CHSLD, le pipeline Keystone XL, les effets néfastes de la PCU, le variant Delta, la taxe Netflix, les ravages des pédophiles et ceux de la tordeuse d’épinettes…

Bref, une priorité parmi 100, parmi 1000.

Vous ne lisez pas le cri du cœur d’un chroniqueur climato-anxieux. Je le suis de plus en plus, oui, mais je suis surtout climato-résigné. Comment tous les intérêts divergents de cette planète peuvent-ils s’unir pour larguer rapidement le carbone de l’activité humaine ? C’est un défi logistique qui m’apparaît impossible à relever. Sans parler de l’angle mort cognitif : qui veut se priver maintenant pour que dans 40, 50 ou 60 ans, l’atmosphère commence à respirer un peu ?

Ce n’est donc pas un cri du cœur sur l’avenir-de-la-planète que vous lisez, je pense que nous sommes cuits.

C’est plutôt un soupir d’exaspération devant la réticence des partis à déplaire à quiconque, dans une démocratie, à dire les choses comme elles sont. À déplaire, un peu, juste un peu.

Exaspéré par le Spécial Grand Guignol du chef libéral qui se pose en champion de la santé de la planète… tout en achetant un pipeline et en perpétuant les milliards de subventions au pétrole.

Exaspéré par Yves-François Blanchet qui fait la danse du bacon quand il s’agit de la pollution hors Québec… mais qui s’accommode très bien de la pollution made in Québec.

Au fait, que faisait M. Blanchet, de 2006 à 2008, avant son entrée en politique ?

Il était président de la division québécoise du Jour de la Terre.

Cinq chefs, une élection

À chaque débat électoral, j’ai des attentes immenses qui sont immensément déçues. Festival de la cacophonie, de tes-ratés-sont-plus-gros-que-les-miens, de l’interruption systémique, de l’obstruction verbale à outrance qui ne vise qu’à empêcher l’adversaire de vous passer un K.-O. par un clip qui va faire le tour des bulletins d’information…

Dimanche, à RDI, nouvelle formule : les cinq chefs fédéraux ont été interviewés séparément par un panel de trois journalistes de Radio-Canada. Séparément et posément.

Pas de cacophonie, des questions directes, des questions de suivi, des chefs qui ne peuvent pas faire de singeries pour nous faire oublier qu’ils ne répondent pas… On a le temps de se dire : il ne répond pas.

On sort de la dynamique du match de boxe inhérente aux débats télévisés. Mille fois plus informatif.