Chaque fois qu’il est question de vaccination obligatoire, quelqu’un ressort le « droit fondamental » de ne pas se faire vacciner. 

Ah oui, c’est vrai, les droits fondamentaux… Y a rien qu’on peut faire…

C’est totalement faux. Il faut sortir de ce faux cul-de-sac juridique. Aucun droit n’est absolu. Et si on a le droit de refuser un traitement, si le corps est « inviolable », il est non seulement permis, mais nécessaire d’imposer le vaccin, et ce, dans une bien plus large mesure que ce que propose en ce moment le gouvernement du Québec.

Si ce n’était de la crainte de perdre du personnel dans la santé ou en éducation, ce serait obligatoire depuis des mois.

Jeudi, des représentants syndicaux ont dit qu’il y aurait des griefs dans le milieu de la santé avec l’obligation vaccinale décrétée par Québec.

Êtes-vous sérieux ? Dans quel monde vivez-vous ? Qui protégez-vous ?

Je veux bien que les syndicats défendent les droits de leurs membres. Mais que fait-on des droits des 90 % de syndiqués – inhalothérapeutes ou infirmières – qui sont vaccinés ? Des trois quarts de préposés aux bénéficiaires ? Ils ont droit à un environnement de travail sécuritaire. Ils ont droit à la vie – c’est aussi dans les chartes. Ils courent assez de risques en soignant les gens. Faut-il qu’en plus ils risquent de se faire infecter par un collègue réfractaire, retardataire ou négligent ? C’est pas la job du syndicat de les protéger ?

Au lieu d’annoncer une pluie de griefs, la CSN (ma centrale syndicale, au fait) et tous les syndicats de la santé devraient prendre les grands moyens pour faire augmenter le taux de vaccination au maximum.

Il n’y a aucune excuse sanitaire ou juridique pour se ranger derrière le droit des travailleurs de la santé antivaccins.

On me dira : un syndicat doit défendre ses membres contre des sanctions disciplinaires, même quand ils ont commis une faute. Bien d’accord. La différence, c’est que si on ramène de six mois à deux semaines la suspension d’un syndiqué coupable d’avoir administré la mauvaise dose de médicament, ça n’affecte pas la santé de ses collègues de travail. Le syndicat, alors, défend le droit à la réhabilitation, à la gradation des sanctions.

Mais défendre le droit d’un travailleur de première ligne à ne pas se faire vacciner pendant la pire pandémie que le monde ait connue depuis un siècle est tout simplement indéfendable.

***

C’est vrai, le Code civil protège l’inviolabilité du corps et le droit de refuser un traitement ou une intervention médicale – donc un vaccin.

Mais premièrement, nos lois prévoient déjà des exceptions formelles. La Loi sur la santé publique du Québec permet déjà d’ordonner la vaccination obligatoire de la population quand une urgence sanitaire est déclarée et qu’une maladie contagieuse menace « gravement » la santé de la population. Le gouvernement n’en est pas là, notamment parce que la contrainte est souvent contre-productive en la matière, mais cette option existe.

Sans aller à cette extrémité, et pour en revenir aux travailleurs de la santé, la question a déjà été tranchée par les tribunaux.

Je rappelle ce précédent de 2008 : des employés de CHSLD à Rimouski avaient été suspendus pour avoir refusé de se faire vacciner contre l’influenza – la bonne vieille « grippe ». Le syndicat a fait un grief. Il a été rejeté. Contestation en Cour supérieure : sans succès.

On parlait de la « simple » grippe, bien moins létale ; on parlait d’un vaccin pas toujours efficace, et certaines années pas efficace du tout. Et il n’y avait aucune pandémie.

J’ai hâte d’entendre l’avocat d’un syndicat allant plaider le droit de ses membres réfractaires à ne pas recevoir un vaccin efficace en pleine pandémie.

Bonne chance, camarades.

***

Les travailleurs de la santé, c’est la partie facile. Le vrai débat, c’est tous les autres milieux de travail. Mais en vérité, la question est aussi facile à résoudre. Ceux et celles qui refusent le vaccin ne devraient pas avoir accès à la plupart des environnements de travail, point.

Les banques ont annoncé l’obligation de la vaccination pour leurs employés. D’autres milieux sont en train de le faire aussi. Ça va des mines aux bureaux d’avocats en passant par le monde des arts vivants.

Ce n’est pas infiniment compliqué : dès que vous êtes en contact avec des gens dans un milieu plus ou moins fermé, dès que vous travaillez avec le public, vous exposez les autres. Un employeur est tout à fait justifié d’exiger une preuve vaccinale.

Si vous devez voyager en avion ou en train, c’est évidemment le cas. Etc.

Mais si vous êtes serveur, comédien, danseur ou acrobate ? Les spectateurs ou clients auront déjà besoin d’un passeport vaccinal. Difficile de justifier que des artistes expirent, transpirent ou postillonnent sans restriction sanitaire devant un auditoire contraint de montrer sa preuve vaccinale…

***

Il faudrait aussi parler de responsabilités, pas juste de droits. Nous avons tous une obligation juridique de ne pas mettre la santé et la vie des autres en danger.

Un prof de yoga, un entraîneur non vacciné dans un gym qui contamine sa classe court le risque d’une poursuite en dommages.

On a vu des poursuites criminelles, au plus fort de l’épidémie de sida, quand des gens se sachant séropositifs ont eu des rapports sexuels non protégés.

Des gens perdent la vie ou souffrent inutilement en ce moment au Québec. Ils n’ont pas la COVID-19. Simplement, leurs traitements médicaux vitaux sont retardés parce qu’on doit soigner des non-vaccinés. Eux aussi ont des droits.

Au cas où ce ne serait pas déjà évident, je vous l’annonce : à moins de travailler seul ou de ne pas travailler du tout, la vaccination est déjà une obligation.